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Citations sur Les Coeurs purs (22)

Il était déjà dans l'antichambre. Comme Marie Lvovna l'accompagnait, il s'inclina vers sa main, mais elle était d'une génération qui, par soif de simplicité, n'admettait point ce geste et recula un peu.
Le capitaine Sogoub murmura, et jamais prière ne fut plus ardente.
– Laissez, laissez ! C'est tout ce qui me reste !
La porte claqua. Marie Lvovna demeura immobile. Ensuite, de son pas égal et silencieux, elle alla desservir la table.

Le Thé du capitaine Sogoub
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Le docteur avait peur d'affronter la misère qui l'attendait au salon. Ce n'était pas par manque de bonté. Un pauvre ordinaire, il savait comment le traiter. Mais celui-là, plus que son dénûment, souffrait d'humiliation, et le docteur avait l'esprit trop éveillé, la sensibilité trop critique pour ne point partager une gêne qui le paralysait. Il mesura une fois de plus combien, pour les actes de foi, de charité, de dévouement, l'intelligence était encombrante.

Le Thé du capitaine Sogoub
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Le capitaine se retourna d'un bloc, voulut essuyer deux larmes arrêtées aux coins de sa bouche pâle, comprit qu'il n'était plus temps.
Sa main mutilée s'arrêta à la hauteur de la gorge, et, machinalement, se mit à frotter le col de la vareuse militaire. Il voulut parler, trouver une plaisanterie, mais soudain, un si triste regard le baigna qu'il n'éprouva plus ni honte, ni regret d'avoir été vu pleurant. Une douceur profonde lui vint au contraire, une douceur enfantine qui s'enivrait de sa propre faiblesse et de son impuissance.
Ce fut une voix d'enfant blessé qu'il dit :
– Vous comprenez, n'est-ce pas ? Cette gaîté, ce dimanche, ces gens qui se reposent… Pourquoi, pourquoi ?

Le Thé du capitaine Sogoub
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La bouffée des braises pénétrait le visiteur et la chatte de la même tiédeur animale. Sans un mot, Marie Lvovna les regardait se chauffer. Enfin l'homme tressaillit.
– Pardon, dit-il, j'avais oublié.
Puis, se redressant de toute sa hauteur, joignant les talons et les bras collés aux flancs :
– Permettez que je me présente : Alexandre Dimitrich Sogoub, capitaine à la division sauvage.

Le Thé du capitaine Sogoub
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L'antichambre était obscure. Marie Lvovna ne put distinguer les traits du visiteur. Elle remarqua simplement qu'il était de haute taille et se tenait tout près de la porte entr'ouverte, comme retenu par le palier.
– Le docteur ne reçoit pas, dit-elle en français.
N'obtenant pas de réponse, elle répéta la même phrase en russe. L'homme, alors, murmura :
– Je ne suis pas malade.
D'une voix brève, rude et qui portait la trace d'un effort violent, il ajouta :
– Je voudrais me chauffer.

Le Thé du capitaine Sogoub
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Elle se tint d'abord raide et blanche comme pétrifiée. Soudain, elle courut vers le batko, l'entoura de ses bras amoureux, et avec des sanglots, des rires, des mots sans suite, se mit à baiser la face sauvage, toute tremblante de jalousie et de fureur.
Tout le monde se taisait.
Alors Makhno écarta très doucement Sonia, monta sur la plateforme de son wagon :
- Frères, dit-il avec solennité, je me marie. Voilà ma femme devant la loi. Et voilà tout !

Makhno et sa juive
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Comprenez-vous, ils ne changent jamais d'expression. Jamais. Ni lorsqu'il sourit, ni lorsqu'il donne des ordres les plus sanguinaires, ni dans l'attaque, ni dans la fuite. Ce sont des yeux qui savent tout et qui, pour la vie, en ont fini avec le doute.
Désirs, craintes, joie, désespoir, amour, vous ne lirez jamais rien de cela dans ce regard. Ces sentiments ont été passés à la meule, réduits en poudre, et il n'en reste plus que ce éclat suraigu, obstiné qui brille dans les petits yeux marrons de Makhno.
Ainsi donc, voilà, face à face, ces deux visages.

Makhno et sa juive
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Ce n'était pas les traits réguliers et fins de son visage qui en faisaient surtout la beauté. C'était son teint d'un rose mat, puéril et chaud en même temps, qui lui donnait une sorte d'ingénuité ardente, de passion qui s'ignorait elle-même.
Et puis ses yeux d'un gris profond et tendre comme du velours. Il y avait en eux une telle amitié pour l'univers que moi-même en fus ému. Et je ne sais pourquoi je n'osai obéir à mon premier mouvement qui avait été de la souiller.

Makhno et sa juive
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Une grande cité frémissait d'agonie, tout entière.
Et c'était lui, batko Makhno, l'ancien bagnard, qui tenait toutes ses vies dans sa paume sèche. Quelle revanche !
On bombarda jusqu'au soir.
Alors, avec leurs cris de bêtes, les hommes de Makhno se ruèrent au galop vers la ville qui, depuis longtemps, avait ouvert ses portes. Je ne vous dépeindrai pas la course à travers les rues désertes, l'assaut des caves ; les maisons flambantes, les plaintes des femmes violées, l'ivresse et le stupre.
Je vous dirai seulement que ce fut une belle nuit parmi les belles nuits, car, plus que le plaisir de l'alcool et de la luxure, elle apportait le sentiment d'une puissance sans limites, d'une indicible liberté.

Makhno et sa juive
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Ce retour, ah ! ce retour chez lui, après dix ans de bagne à frotter les fers des pieds contre les fers des mains. Et Champ-la-Noce ! Et ses gars qui l'accueillaient ! Et toute la Russie qui fermente ! Et sa haine pour tout, la vengeance qui s'offre, la joie mêlée de rage, les filles aux riches croupes, le sang, le sang !
Makhno et sa juive
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