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sur 138 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L' HEURE DU ROI de BORIS KHAZANOV
L'heure du roi, c'est l'heure à laquelle Cédric 10, le souverain fait le tour de sa ville à cheval et salue ses sujets avant de retourner dans son château. Mais en 1939, le Reich envahit ce royaume grand comme un timbre poste et le roi va devoir changer ses habitudes sous les exigences des nouveaux maîtres. Chaque jour amène son lot de demandes supplémentaires, y compris soigner le dictateur du Reich, Cédric se plie, sachant très bien qu'il n'a aucune alternative. Mais un jour, le Reich exige que les Juifs portent une étoile jaune sur leur vêtement. Alors Cédric 10 et sa femme vont, à leur façon et à la surprise des habitants et des envahisseurs, résister au diktat!
Un très court roman devenu culte sorti en Russie sous le manteau dans les années 70, en France en 2005. Livre philosophique sur l'absurde qui dans l'esprit de l' auteur renvoie dos à dos nazisme et communisme.
Un petit bijou d'intelligence.
Boris KHAZANOV est né en 1928 en URSS et vient de mourir il y a quelques jours à Munich. Il a passé 8 ans au goulag.
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Pour mieux appréhender la Deuxième Guerre mondiale, on peut lire des livres d'histoire, on peut regarder des films de l'époque colorisés ou on peut revoir McQueen s'évadant du Stalag. Mais on peut aussi avec beaucoup de profit lire cette oeuvre étonnante et très courte (100 pages) qui vous fait exploser à la figure toute l'horreur qu' a été l'invasion nazie et que sera sans doute la prochaine guerre.

Car c'est bien toute l'histoire de ce conflit qui nous est narrée de manière foudroyante , sur un ton d'une désarmante bonhomie par le livre de Khazanov. le focus est ici sur un petit royaume d'opérette qui se voit envahir en une matinée par le Troisième Reich en mouvement. La guerre n'est pas montrée de front, elle nous est suggérée par des anecdotes elliptiques au possible. (Très bonne traduction au demeurant) Un homme tombe à terre et c'est toute l'invasion qui a lieu. Un jeune homme charge sabre au clair et c'est tous le pays qui est défait. Un enfant ose cracher sur un soldat et c'est toute l'horreur nazie qui ressort au détour de la phrase.
La guerre et l'occupation de la petite principauté nous est présentée par le biais de la journée de travail du petit roi Cédric X, qui ne sert pas à grand chose mais sur qui repose toute la dignité d'un pays. (En tant que chirurgien à ses heures, il est plus utile). L'heure du roi, c'est l'heure de la promenade dans les rues du bon vieillard. Pas de quoi fouetter un chat. Et pourtant...

Zhakanov joue donc avec une imagerie d'Epinal qui va télescoper l'horreur de la situation. Ce n'est pas pour rien que Camus est cité en exergue: c'est bien l'Absurde qui entre avec ce conflit dans la vie de chacun, comme c'est bien le Mythe qui soutient la machine nazie, un Mythe toujours vivant aujourd'hui. C'est cette irruption de l'Absurde dans le monde des hommes qui rend des personnages comme Don Quichotte / Cédric X possibles dans notre réel.
J'ai beaucoup aimé ce côté de l'oeuvre : garder la guerre aux dimensions de l'individu (un soldat, un garde, un résistant...), dépouiller les oripeaux du roi (qui devient docteur de campagne) , dépouiller le Führer de son uniforme (juste un patient en sous-vêtements) et pourtant jouer la comédie du pouvoir et ses affreuses conséquences, en une confrontation théâtrale.

..... Et au détour d'un chapitre, la transcription soudaine et complète d'un livre anti-sémite ignoble.....
Lorsque la Solution pointe son infect museau, seul un geste unique, humble et énorme à la fois, s'oppose à l'horreur.
Un très beau livre, que l'on pourrait mettre au programme de nos écoles et qui fait en quelques pages autant de dégâts que le gros (et excellent) Catch 22, je trouve. Recommandé!!!
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Ce court roman est un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) : écrit comme une fable intemporelle, et pourtant doublement ancré dans l'Histoire de notre temps - celle à laquelle il emprunte cet épisode remontant au printemps 1942, plus ou moins inspiré par le personnage réel du roi du Danemark Christian X, et l'histoire de l'auteur, dissident russe, dont on se passait le livre sous le manteau, mais qui ne fut jamais publié dans son pays. La traductrice l'explique bien dans la postface.

J'ai rapidement pensé au Danemark à l'évocation de ce petit royaume inutile, figé dans le froid et dans ses traditions séculaires, qui avait gardé une position neutre à l'égard du Reich (cherchant à éviter le sort de la Pologne). L'auteur mentionne le château d'Elseneur, et chez moi, ça a fait tilt : Royaume du Danemark, Hamlet. Il y a donc bien un roi du Danemark, mort en 1947, à qui l'on prête des faits de résistance aux Nazis, notamment cette légende - dont on sait pertinemment qu'elle en fut une - du Roi se promenant avec l'étoile juive fixée à ses vêtements. Il avait également l'habitude de cette promenade à cheval à heure fixe, l'"heure du roi" dans le roman.

Dès le début du roman, nous assistons de l'extérieur, sur un ton considérablement détaché, froid, chirurgical, à l'entrée des Nazis au Danemark, et à l'instauration du régime "concentrationnaire" de surveillance généralisée et de perte des libertés ; le tout donnant lieu à d'intéressantes réflexions sur l'acceptation insensible par les citoyens de la perte totale de leurs libertés, sous couvert de ne pas trop perdre de leur confort de vie (ce qu'ils croient). On se doute que, si le roman vise le IIIe Reich et Hitler nommément, le regard du lecteur ne peut que se tourner plus à l'Est, surtout à la fin des années 70. C'est une dénonciation de TOUS les mécanismes totalitaires, mais aussi de la résignation des masses, du renoncement aux moments décisifs où l'on pourrait encore dire non, quoique l'inutilité de certaines résistances soit également posée, surtout lorsqu'elle peut engendrer des représailles brutales sur la population qui n'en peut mais. Cela revient parfois, comme dit l'auteur, à se frapper la tête contre un mur (ce qui ne fait pas tomber le mur) ; il faut dès lors peser le pour et le contre et agir selon sa responsabilité.

Ainsi, comment le roi Cédric X, âgé de 70 ans, vit-il cette invasion, et ce rôle de marionnette qui lui est laissé comme une aumône ? Comment concilie-t-il sa véritable passion, la chirurgie, et l'exercice d'un pouvoir fantôme ? Que faire, lorsque ce pouvoir délirant des Nazis, et l'auteur ne mâche pas ses mots lorsqu'il en démonte les rouages, commence à mettre en oeuvre l'extermination de l'ennemi désigné, car ennemi il faut à ce type de pouvoir (et là, on pensera à la fable d'Orwell, La Ferme des animaux) ? Il me semble que le roman prend sa pleine densité à partir de ce moment, et lorsque des cauchemars ou des péripéties presque oniriques atteignent le souverain dans sa vie quotidienne, provoquant une remise en cause du monde réel, comme des bouffées délirantes exhalées de l'antre d'un monstre.

J'ai été en tout surprise par ce texte : d'abord, pour tout dire, je m'attendais complètement à autre chose : je croyais avoir affaire à un roman sur les échecs ! Ensuite, j'ai été dérangée par le ton clinique de cette oeuvre, ainsi que par le statut indistinct de l'auteur, dont on ne sait trop s'il se pose en témoin ou mémorialiste de cette histoire ; je n'arrivais pas à déterminer s'il s'agissait d'une fable purement fictive ou de réels faits historiques. J'ai oscillé entre l'impression de me trouver face à un morceau de bravoure digne d'un génie, et une certaine déception face à des creux moins réussis - ici je pourrais citer la paraphrase ou le pastiche de la propagande nazie anti-juive. Toutefois, d'une certaine manière, le récit parvient à une épure tranchante, et atteint la qualité d'un roman de Kafka, de par l'absurdité des situations. Il apparaît évident que le fil rouge de ce roman est le personnage de Don Quichotte, maintes fois évoqué derrière la silhouette dégingandée et quelque peu ridicule de Cédric X, et sa révolte inutile contre les géants. Mais ne vaut-elle pas mieux qu'une soumission triste ?

Je note ce livre 4,5/5 pour sa portée, et pour son utilité dans les heures politiques que nous traversons, je ne ferai pas de dessin...
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Boris Khazanov nous offre avec L'Heure du roi un court roman philosophique, parfaitement construit, où affleure une ironie souvent légère, mais qui se fait parfois plus grave. Son style est d'une grande limpidité et son écriture est élégante et désuète à l'image du royaume imaginaire qu'il décrit, aux moeurs anachroniques. Ce pays improbable est brusquement arraché à ses traditions surannées et à son mode de vie paisible par la faute de l'invasion nazie, aussi brutale que prévisible. Les nouveaux maîtres imposent leurs lois d'airain, pillant sans vergogne les principales ressources du pays vaincu. Une fois la stupeur passée, et après quelques actes de bravoure sans résultat mais férocement réprimés, les habitants du petit royaume et leur souverain se résignent à leur sort, pliant sous le joug sans jamais céder. Mais sous ses airs débonnaires, le vieux roi Cédric, aimé et respecté par ses sujets, autant qu'il les aime lui-même, va alors commettre un acte insensé, en flagrante contradiction avec son habituelle prudence…
La force de ce livre réside d'abord dans la description de l'incompatibilité absolue entre vainqueurs et vaincus. On en trouve un exemple savoureux dans le dialogue entre le conservateur de la bibliothèque royale et un officier nazi. Dans le magnifique chapitre 8, l'auteur déconstruit l'essence mythique du régime nazi qui ne peut prospérer que sur la peur et le mensonge. Mais son propos ne se limite évidemment pas à cela, comme l'illustrent les citations en exergue, celle de Camus notamment. La responsabilité collective est un leurre, seule existe la responsabilité individuelle. « le cours des événements, pas plus que la trajectoire des astres, ne dépend de personne, bien sûr. Sommes-nous pour autant impuissants devant cet ultimatum perpétuel ? L'impuissance nous décharge de notre responsabilité, mais envers qui ? Envers les autres, mais nullement envers nous-mêmes. » Faut-il respecter les lois ? Oui, sauf lorsque notre conscience morale nous impose de résister à des lois inhumaines, et même si les actes accomplis à cette occasion semblent dérisoires ou ridicules.
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Elena Balzamo, la traductrice de час короля, dans le commentaire qui suit le récit de cet acte héroïque d'un roi qui ne fut jamais plus grand, plus noble, plus haut que lorsqu'il descendit de son cheval, compare ce samizdat à « une miniature médiévale : le même caractère clos, la même netteté de dessin, la même élégance de style. Mais également le même caractère anachronique et bigarré, la même confusion entre les époques et les pays – là-bas, des chausses et des pourpoints pour les personnages bibliques, ici des références à des ouvrages historiographiques récent dans un récit allégorique atemporel, un mélange d'accessoires géographiques et historiques de provenances variées. Cette stylisation extrême, frôlant le maniérisme, se trouvait mise au service d'une problématique on ne peut plus actuelle et brûlante : le roman de Khazanov soulevait plusieurs thèmes qui non seulement ne pouvaient être traités dans la littérature – ils ne pouvaient même pas être nommés [la question des Juifs et l'autre question de la nature dictatoriale du pays]».

Ce récit imaginaire est d'une telle force, d'un tel à propos, d'un tel réalisme qu'on a le sentiment de lire livre d'histoire et que l'on est tenté, à chaque page, de mettre en nom sur la ville, sur le pays, et sur les personnages.

Quant au geste « royal », ô combien, s'interroger sur sa portée n'a pas de raison d'être : qu'elle soit symbolique, en l'occurrence, en fait sans doute un acte d'une portée des plus éminentes, pour des êtres de sens, les animaux sensibles aux symboles que nous sommes.
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Né en 1928, Boris Khazanov est l'auteur dans les années 70 de L'Heure du roi, un court roman dont l'action se situe dans un petit pays imaginaire du Nord de l'Europe, envahi et occupé par les troupes nazies. C'est à la fois un petit livre d'Histoire, un conte, une allégorie. Publié sous le manteau en Union Soviétique, il paraîtra pour la première fois en langue russe en Israël, en 1976. A la lecture, je comprends le fort intérêt qu'il a pu provoquer…
La première chose qui m'a interpellé, en débutant la lecture de ce livre, c'est la précision, la qualité de l'écriture, la subtilité de la langue : l'aptitude de planter un décor avec également une ironie qui accompagne de nombreux passages.

Malgré cette ironie, le récit n'a rien de très gai puisqu'il va nous emmener dans un petit pays envahi par l'Allemagne nazie. A la tête de ce pays règne un certain Cédric X, à la fois roi mais aussi exerçant comme urologue. « La journée de Cédric commençait à huit heures » : voici la première phrase évoquant ce personnage. Pendant plusieurs pages, on ne devine d'ailleurs pas qui il est vraiment ; ce n'est qu'à la dernière page du chapitre qu'on se rend vraiment compte qu'il est un roi. Mais un roi vieux, fatigué, qui se dérobe à l'action et qui semble, finalement, à l'instar de ces concitoyens, s'accommoder de la situation.

En plus de la qualité de l'écriture, j'ai trouvé ce livre vraiment intéressant car il ménage une tension sur ce qui va se dérouler à la fin (on se doute que c'est un événement qui va renforcer la répression dans le pays), mais également par la capacité de l'auteur à décrire les rouages d'un régime autoritaire ainsi que de nous interroger sur la façon de s'opposer à celui-ci (et l'on peut supposer que l'Allemagne hitlérienne peut être remplacée par la Russie soviétique). Si l'on refuse de s'en accommoder, quelle est la meilleure façon de résister ? C'est la question qui taraudera le vieux roI… et qui trouvera son épilogue à la fin du livre.

Lien : https://etsionbouquinait.com..
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L' Heure du roi

Boris Khazanov met en scène l'invasion et l'occupation d'un royaume imaginaire par les nazis. Une réflexion sur la capacité d'un individu à lutter contre la barbarie.

Il y a des auteurs qui fâchent les puissants. Boris Khazanov en fait certainement partie. Ses oeuvres ne sont toujours pas publiées en Russie où elles circulent sous le manteau. Elles sont en revanche abondamment diffusées en Allemagne par l'éditeur DAV. C'est d'ailleurs dans des écrits clandestins que L'Heure du roi a connu ses premiers lecteurs russes, dont Elena Balzamo, traductrice du livre pour les éditions Viviane Hamy. Dans sa postface, elle souligne d'ailleurs que les thèmes chers à l'écrivain ne pouvaient pas être abordés, ni même simplement nommés en Russie : censure oblige. Khazanov a en effet rompu avec la tradition séculaire des romans fleuves à la Dostoïevski. Il délaisse un courant réaliste qui construit les relations entre les personnages en se fondant sur leur position sociale pour se consacrer à l'étude des mentalités et de l'individu.
Malgré son pouvoir, d'ailleurs très limité, le roi dont il parle est ainsi un homme comme les autres. Dans son royaume, situé au nord de l'Europe, il assiste impuissant à l'entrée des troupes nazies. En quelques heures, le minuscule État est occupé. La population se réveille dans la dictature, sans avoir l'impression d'avoir vécu une révolution : " Ils s'accommodaient du nouvel état de choses comme un malade qui revient à lui après une anesthésie et qui apprend qu'on l'a déjà opéré et qu'il ne lui reste plus qu'à vivre sans les jambes ". La fin des libertés a pourtant bien du mal à s'installer dans un pays qui ne vit pas dans le culte du secret, ni même dans celui de l'Ennemi omniprésent et irréductible prôné par l'occupant. Les nazis éprouvent les plus grandes peines du monde à obtenir des habitants qu'ils s'adonnent à la délation. Qu'à cela ne tienne, tout est organisé pour faire pression sur le roi, l'humilier dans sa fonction et obtenir de lui une collaboration sinon active, du moins passive. Confronté à sa responsabilité dans les actes xénophobes, le souverain déchu vacille. Il semble tout d'abord accepter la défaite. Il exhorte même " son peuple, et avant tout la jeunesse à s'abstenir de toute action susceptible de compliquer les rapports avec les autorités occupantes ". La charge désespérée de la cavalerie royale contre des troupes motorisées, les mises en scène grotesques du nouveau pouvoir et enfin les brimades imposées aux juifs, contraints de porter l'étoile jaune, auront raison de sa léthargie. Arborant à son tour la terrible étoile jaune, il arpente, à pied et non plus à cheval, les rues de sa capitale, à la plus grande surprise de ses sujets. Un acte de résistance individuel pur qui ouvre toute une série de questions. A-t-il pensé aux représailles ? Sa sortie certes héroïque peut-elle changer l'attitude de ses concitoyens ? Ne plonge-t-il pas le pays dans l'horreur en provoquant les nazis ?
L'auteur laisse ses questions ouvertes, mais a bien évidemment choisi son camp. Khazanov, qui a passé plusieurs années dans les goulags soviétiques, élargit ainsi son interrogation. Dans les anciens pays de la dictature communiste, son récit parle aux opprimés, victimes d'un État totalitaire et lui aussi antisémite : une des raisons de son interdiction, sans doute. En proposant une réflexion sur le pouvoir de l'individu dans un système autoritaire, il rend possible la formation d'une conscience politique. Un acte inacceptable pour qui souhaite noyer le citoyen dans une masse obéissante. Diffusé à partir de 1976, L'Heure du roi reste un exemple d'engagement littéraire, une oeuvre entre le roman et l'essai, le conte moderne et le récit philosophique. Un livre en dehors du temps, qui mérite de rester au chevet de toutes les consciences.

L'Heure du roi
Boris KhazanovTraduit du russe
Lien : http://www.lmda.net/din/tit_..
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Ce pamphlet allégorique miraculeusement rescapé des autodafés soviétiques impose dès les premières pages une lecture consciencieuse, prudente et graduellement impavide au lecteur qu'il entend instruire des méfaits de la terreur, et par delà des grandeurs tragiques de la responsabilité individuelle.
Conte exemplaire, charge philosophique et politique enveloppée, à l'exemple d'Orwell, d'une fine pellicule de fiction, L'Heure du Roi fait la démonstration d'une écriture sobre et concise au service d'un questionnement à la fois inépuisable et tristement lucide: La liberté et la justice sont-elles solubles dans les compromissions de notre conscience morale? Et en dernier recours, l'acte héroïque n'est-il qu'une dangereuse, absurde et inutile vanité?

Les trois épigraphes du livre résument superbement les enjeux humanistes qui y sont mis en scène, comme dans cet extrait, dû à Miguel de Unamuno:

"Grâce à notre Seigneur si perspicace, on ne peut plus vivre avec la conscience tranquille. La foi ne se réconciliera point avec la raison. Le monde doit être tel que le veut Don Quichotte, les auberges doivent se transformer en châteaux. Don Quichotte lancera son défi au monde entier et, de toute évidence, il sera battu; néanmoins, il restera vainqueur, même en s'exposant au ridicule. En riant de lui-même, il vaincra…"

L'arbitraire, l'hégémonie, la brutalité, le pouvoir inique. Ces systèmes s'oxydent au contact ténu de l'ironie et des symboles. Défier le mépris par un acte désespéré mais poétique, car lavé de la peur de mourir, voilà une posture épique et admirable; mais aussi très romantique.
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Un couple d'amis m'avait prêté ce livre juste avant que je ne parte en Palestine. Je l'ai lu à Ramallah. Vraiment troublant. Ce livre se passe pendant la guerre 40 mais peut aisément être transposé à toutes les époques. Un hymne à la liberté, au geste désespéré qui fait la différence entre être tranquillement libre en faisant l'autruche ou défendre la vraie liberté en donnant sa vie! Vraiment à lire et ensuite, à méditer! Encore plus criant de vérité après les derniers et dramatiques évènements de la semaine dernière.
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Pas vraiment le genre « livre pour l'été » (je n'aime pas cette expression et ce postulat commercial), c'est ce qui m'a fait le choisir, petit livre isolé, perdu parmi d'autres aux titres commerciaux et aux couvertures criardes. Je voulais de la pensée au cordeau et je n'ai pas été déçue par ce texte concis et efficace dont on mesure la portée universelle à chaque page. Mais pourquoi ne l'ai-je pas découvert avant ?
1940 : l'irrépressible Wehrmacht se rend maître en quelques heures d'un royaume minuscule (non identifié mais l'éclairante postface nous apprend qu'il s'agit d'un « mixte du Danemark et des Pays-Bas »). Gouvernement, population sont obligés de se soumettre et on attend la même docilité du vieux roi, Cédric X, chef d'une monarchie désuète mais familière. Urologue de métier (oui, il travaille), le monarque est une figure rassurante, gage de stabilité et de bons sens dans cette période troublée. Pourtant, à l'image de sa jeune cavalerie qui s'est sacrifiée par héroïsme qu'elle savait voué à l'échec, le vieux roi s'apprête à faire un geste insensé, (d'aucuns diront absurde). Absurde ou symbolique ?
Ecrit en 1976 par un dissident soviétique et lu sous le manteau, ce récit peut être compris à l'aune d'une autre oppression ou de toute forme de totalitarisme.

Lien : http://leschroniquesdepetite..
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