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Critique de motspourmots


Il est rare qu'il s'écoule autant de temps entre le moment où je lis un livre et celui où je partage mon ressenti. La nuit des béguines est l'un des premiers titres qui m'ont intéressée dans les programmes de la rentrée, l'un des premiers que j'ai achetés. J'adore le Moyen-Âge depuis toujours mais les romans qui s'en inspirent se sont fait rares ces dernières années d'où ma hâte de retrouver des thèmes qui m'ont laissé d'heureux souvenirs de lecture. Pourtant, plusieurs mois se sont écoulés avant que je ne me décide à en parler. Une lenteur à l'image de l'atmosphère qui se dégage de ce roman où l'on prend le temps d'installer l'intrigue, de contempler le décor, de réfléchir à la condition des personnages qui le peuplent. Où la vie spirituelle trouve sa place malgré la violence du monde extérieur. Et un constat : cette lecture est toujours bien présente en moi, malgré toutes celles qui lui ont succédé.

Aline Kiner recrée pour nous la vie du grand béguinage royal qui, au 14ème siècle rassemblait dans son enceinte des centaines de femmes désireuses de vivre hors de l'autorité des hommes. Au coeur du Marais, ces femmes étaient sous la protection du roi et formaient une communauté des plus modernes, travaillant, étudiant, soignant, mais dont le statut ni vraiment religieux ni tout à fait laïc était sujet à controverse. Des femmes affirmant leur autonomie... imaginez la tête de l'Eglise mais également des familles encore régies par la figure patriarcale ! C'est d'ailleurs sa famille et un mariage imposé que fuit la jeune Maheut, recueillie par Ysabel, l'une des doyennes du béguinage faisant également office de médecin grâce à sa connaissance des secrets des plantes. Au dehors, on brûle Marguerite Porete, l'une des leurs, accusée de sorcellerie par des évêques ulcérés qu'une femme ait osé les défier par ses écrits. le béguinage est de plus en plus menacé et Ysabel va devoir faire preuve de diplomatie et d'intelligence pour tenter de protéger au mieux la communauté.

Le premier plaisir apporté par ce livre c'est la plongée dans une époque que l'auteure parvient à recréer de superbe manière grâce à une documentation précise dont la densité s'efface derrière la passion. Peut-être le fait d'avoir des images en tête facilite-t-il l'immersion ? J'ai parfaitement identifié le quartier qui abritait le béguinage et j'avais aussi à l'esprit d'autres béguinages visités à Bruges ou à Amsterdam qui, même s'ils étaient architecturalement différents fonctionnaient sur le même principe. du coup j'ai eu l'impression de voir soudain s'animer des lieux qui étaient restés pour moi à l'état de concept. Deuxième grand plaisir : une atmosphère à la croisée des chemins entre deux oeuvres lues avec un immense plaisir quelques décennies auparavant, La chambre des dames de Jeanne Bourin et Les Rois maudits de Maurice Druon. Enfin, dernier plaisir, la découverte passionnante de ces communautés de femmes éprises de liberté, féministes avant l'heure et bien décidées à s'émanciper au mieux des tutelles imposées. C'est un des éléments qui me font aimer le Moyen-Âge, période foisonnante où se mêlent sophistication et rusticité, délicatesse et brutalité. On ajoutera à tout cela une intrigue bien ficelée qui permet d'explorer les multiples facettes des contraintes qui pesaient alors notamment sur les femmes et l'on comprend que l'on se trouve face à un roman vraiment très intéressant.

Un livre délicat, des héroïnes marquantes et la découverte d'un monde oublié. de quoi occuper quelques belles heures de lecture.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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