Tu ne sais même pas cuisiner !
La pique était bien choisie et étudiée pour blesser. Et elle aurait fait mouche si Mirabelle l'avait lancée quelques minutes plus tôt. (...) Jusqu'à ce moment précis, où il se produisit quelque chose d'extraordinaire : soudain, comme surgie de nulle part, une idée lui était venue.
C'était une idée pour un livre de cuisine. Son premier ouvrage culinaire, où tous les plats seraient à base d'herbes fraîches. Mais la vraie cohérence entre les recettes serait encore plus subtile, plus mystérieuse, et ne pourrait être devinée qu'à la dégustation.
De telles idées étaient rares. Elles se présentaient à l'esprit presque entièrement formées, mais elles étaient aussi des graines à partir desquelles croissaient d'autres idées. Alors, Madeleine sut qu'elle n'avait jamais vraiment perdu son talent. Il s'était simplement caché à cause de la peur, comme une plante en hiver, pour revenir encore plus fort après.
Mirabelle t'a rendue honteuse d'être spéciale, en te mettant à part. Eh bien, Madeleine, je ne crains pas de l'affirmer : oui, tu es à part, mais il n'y a aucune honte à cela. Et pour ce qui est de "s'intégrer", personnellement je ne l'ai jamais fait, et je n'ai aucune intention de m'y mettre. Tu sais, conclut-elle avec un sourire, cela ne m'empêchera jamais d'avoir des amis.
Lorsqu'elle tentait de se remémorer une recette, il lui venait souvent une inspiration encore meilleure. Il existait entre les idées, les techniques et les tours de main des correspondances mystérieuses, semblables à un réseau de sentiers cachés. Sa profonde compréhension de ces sentiers formait la base de sa technique.
Et c'est là qu'un beau jour une confiserie apparut.
Cette confiserie arborait des couleurs exquises : murs cassis, porte vert menthe, auvent à rayures framboises et vanille. La boutique, appelée Doux rêves, était tenue par une certaine madame Bonbon, une dame potelée et plantureuse aux joues roses et au sourire chaleureux.
- Ne dis pas de bêtises, protesta madame Bonbon, tu ne m'ennuies pas du tout. Et maintenant, jolie chouquette, vas-tu enfin m dire ton nom ?
La malheureuse leva vers elle ses yeux encore rougis par les larmes.
- Je m'appelle Madeleine.