Il y a le paradoxe, et même le prodige, de la réalité même du temps. Puisque le passé n'est plus, que l'avenir n'est pas encore, puisque le présent lui-même a déjà fini d'être dès qu'il est sur le point de commencer, comment pourrait-on concevoir un être du temps ? Comment pourrait-il y avoir une existence du temps si le temps n'est ainsi composé que d'inexistences ? Convenons qu'il serait bien hasardeux de fonder la réalité du temps sur une réalité aussi peu réelle que celle de l'instant, qu'on se représente toujours comme une sorte d'atome temporel, de point-limite insécable suspendu entre deux néants : l'instant n'est qu'un frisson, et un frisson n'a guère de poids ontologique. Alors, si « l'instant n'a pas de temps », comme le notait Léonard de Vinci dans ses Fragments, comment le temps pourrait-il être fait d'instants ? Par quelle alchimie ces admirables tremblements de temps pourraient-ils s'épaissir en durée ? À peine né, l'instant neuf doit passer à l'ancien, comme soldé avant l'heure, faisant du présent l'urgence d'un futur frémissant déjà dans les transes de l'imminence.
On peut bien sûr tenter de définir le temps, dire qu'il est ce qui passe quand rien ne se passe ; qu'il est ce qui fait que tout se fait ou se défait ; qu'il est l'ordre des choses qui se succèdent ; qu'il est le devenir en train de devenir ; ou, plus plaisamment, qu'il est le moyen le plus commode qu'a trouvé la nature pour que tout ne se passe pas d'un seul coup. Mais aucune de ces expressions en forme de pirouette ne rend compte de la nature et de l'intégrité du temps.
On pourrait s'attendre à voir la cosmologie confirmer la vision d'un espace-temps statique telle que la prône la relativité restreinte. Il n'en est rien. Les physiciens sont aujourd'hui unanimes à s'accorder sur des modèles d'univers particuliers, dits "de big bang", au sein desquels règne un temps "cosmologique" lié à l'expansion de l'univers.
(p.52)
Le temps s'incarne en physique sous la forme du fameux paramètre t, qui est un nombre réel. La première mathématisation du temps consiste en effet à dire qu'il n'a qu'une dimension.
(p.20)
Partons d'une observation de tous les jours : il existe manifestement une opposition entre le temps physique et le temps subjectif, ou, si l'on préfère, entre le temps des horloges et le temps de la conscience.
(p.17)
Le temps est un lieu de rendez-vous pour questions et problèmes pluridisciplinaires. Le moment est venu de citer quelques-unes des difficultés que toute analyse du temps, même nonchalante, fait jaillir tôt ou tard.
(p.74)
Le temps coule rarement comme on voudrait.
Une minute alourdie d'ennui semble plus interminable qu'un tour de cadran. Une vie trépidante empêche au contraire de voir le temps passer. Le temps tel que nous l'éprouvons est rarement en phase avec la cadence monotone et invariable des pendules. C'est pourquoi nous portons une montre.
(p.19)