Salut, Spidey,
Des nouvelles très intéressantes, ici. Demain, ma mère et moi nous allons (tiens-toi bien) à Madrid. Ce serait trop long de t'expliquer pourquoi, mais en gros elle va faire la cuisine pour une amie. (Ma mère est chef, je ne sais pas si je te l'ai dit). En tout cas, on prend l'avion pour Madrid tôt demain matin pour revenir à Paris après-demain. Autrement dit, on n'y passe qu'une soirée. Mais c'est mieux que rien, non ? Je me demandais si tu aurais envie de :
a) me rencontrer
b) faire l'échange des sacs
c) boire un café et/ou manger des tapas (miam !)
d) voir une corrida (s'il te plaît, dis non )
e) sauver un taureau de la mort ( Si ! Si ! Si !)
f) faire tout ce qu'il y a dans la liste ci-dessus.
g) ne rien faire de ce qu'il y a dans cette liste ci-dessus.
Tu réfléchis et tu me dis, Okay ?
Ta désespérément dévouée,
Coco
P.S : Je porte ton tee-shirt IL Y A ENCORE QUELQU'UN QUI T'AIME, BORIS ELTSINE. (C'est le nom d'un groupe ou c'est une blague ?). T'inquiète. Je vais faire des courses, tout à l'heure. Mes emprunts de fringues intempestifs ne seront bientôt plus qu'un lointain souvenir.
- Oh non, j'y crois pas !
Dès que j'ai ouvert la fermeture éclair de mon sac de sport noir, j'ai compris qu'il y avait un problème. Ces fringues, bien rangées sur deux piles, n'étaient pas les miennes. Mais alors, pas du tout.
Des tee-shirts aux couleurs vives (taille S). Des jeans repassés (Il y a encore des gens qui repassent leur jeans?)Une paire de tongs. Des sandales à talons. Une jupe. Une espèces de tunique style gitan. Des slips et des soutiens-gorge à fleurs.
- Oh, non, j'y crois pas ! ai-je grommelé, plus fort, cette fois.
- Qu'est-ce qui t'arrive? Drapé dans le peignoir en éponge de l'hôtel, mon père sortait de la salle de bains en s'essorant les cheveux.
- C'est pas mes fringues.
- Comment ça?
- Ce sac, c'est pas mon sac. J'ai dû prendre celui de quelqu'un d'autre, à l'aéroport.
- Oh, bon Dieu, Webb !
[Mon père] m'avait demandé si j'avais réfléchi à ce que je voudrais faire comme études, après le lycée et s'il y avait un métier qui m'attirait. Quand j'avais répondu que je voulais devenir un homme des cavernes des temps modernes, il avait failli se mettre à pleurer le pauvre. Les temps sont durs, pour les parents.
C'est bien ça le plus affligeant, pour des parents: voir ses pires qualités chez quelqu'un d'autre. Et c'est d'autant plus rageant qu'on ne peut rien y changer, pas plus chez son enfant que chez soi-même.
Pour elle comme pour moi, il fallait que je lui fasse cet aveu. Il n'y a pas de place pour les secrets entre deux personnes qui veulent construire une relation. Et c'était bien mon intention.
Evidemment, c'était facile d'avoir du culot à distance. Mais franchement : j'avais dix-sept ans, quand même. Et j'étais en Europe. C'était le moment de tomber amoureux, non ?