Indigeste sur la forme. Effarant sur le fond. La critique est sévère car il n'y a rien, dans ce texte, que je n'ai su apprécier. Ou si peu. Les termes employés sont creux, les concepts ne sont pas maîtrisés et la plume croule sous les généralités.
Claire Koç n'a pas réussi à échapper aux chemins brumeux qu'empruntent toutes celles et ceux qui essayent, un jour, de définir l'identité nationale, un concept éminemment politique qui change au gré des saisons et des auteur(e)s. Il ne peut en être autrement quand on sait que la nation est une fiction, une narration que chacun essaye d'imposer dans un combat toujours stérile. Alors qu'est-ce l'identité française? Qu'est-ce qu'être français ?
Sous la plume de
Claire Koç, l'identité française se résume à un mode de vie dont, à titre personnel, je peine à tracer les contours. Qu'est-ce qu'un mode de vie à la française ? Une façon de se vêtir, de manger, de boire, de consommer? Mais existe-t-il, en France, une uniformité culturelle que l'on pourrait penser comme une composante de l'identité nationale? Laquelle est-ce?
Claire Koç pose l'identité culturelle mais ne définit pas. le propos est donc lacunaire. Il frôle même l'absurde et le ridicule tant il est impossible de penser les modes de vie au singulier. On ne saurait, en effet, définir UN mode de vie français sans se vautrer et se prendre les pieds dans le plat. On ne saurait ainsi bâtir et penser l'identité nationale sans contrevenir à l'objectif premier de la Nation: construire une communauté nationale solidaire.
Sous la plume de
Claire Koç, l'identité française est malheureuse car elle se pense et se construit uniquement par opposition à celle de ses parents venus d'un pays, d'une culture réduite à une mysogynie, un conservatisme, une ignorance et une rustrerie.
Claire Koç étouffe de ses parents, de sa famille, de ses origines et pense sa libération par une idéalisation de l'identité française. Son monde est binaire donc pauvre. La complexité ne trouve pas sa place dans son discours aride qui caricature "la communauté" (elle n'existe pas au singulier) dont elle se dit origine.
En voulant dénoncer tous ceux qui un jour l'ont fustigé pour son amour pour la France,
Claire Koç tombe donc dans les mêmes travers. Elle prend toute sa place dans le combat de coqs qui se mène dans l'espace médiatique. Elle participe à l'appauvrissement du débat. C'est eux contre nous mais qui sont eux, qui sont nous? Qui sont les biens-pensants, les bobos, l'élite mondialisée et internationaliste qu'elle fustige tant? On ne sait guère. Les termes sont creux, vides de sens.
Claire Koç navigue dessus avant de s'y noyer. Elle disparait dans ses propres contradictions. J'en énumère quelques-uns :
-
Claire Koç avertit: elle ne fait pas de la politique. Pourtant, son livre est politique, très politique. La gauche est sa cible.
- Elle met en garde: elle ne généralise pas mais se contente d'évoquer un parcours personnel. Pourtant, tout n'est que généralisation permanente au point qu'on s'interroge sur la nature de son livre. Qu'est-il ? Un témoignage personnel? On ne saurait crier à l'échec de l'assimilation si on n'était pas convaincu par son caractère général. Mais alors comment peut-on généraliser à partir d'un cas personnel? Qu'est-ce que son livre? Un essai sur la politique d'assimilation en France? Mais où sont les études objectives et l'enquête de terrain? Son livre file sur une contradiction permanente. Son livre est une duperie permanente.
-
Claire Koç fustige celles et ceux qui lui rappellent ses origines mais n'hésite pas à rappeler celle des autres: ils sont d'origines polonaises, italiennes ou français de souche.
-
Claire Koç dénonce celles et ceux qui lui imposent une identité mais n'hésite pas à imposer sa définition de l'identité française. "Il faudrait", "y'a qu'à", "faut qu'ils". Elle n'hésite pas non plus à imposer l'identité turque aux Kurdes qui ne lui ont rien demandé. Ainsi, sous sa plume, la question kurde devient un problème "turco-turc", la langue zaza un dialecte turc, le Kurdistan un vaste territoire anatolien, le Kurde un anatolien sans contours précis et le mot "qileri" un mot turc alors qu'il est zaza donc kurde. Sous sa plume, l'alevi est musulman et le kurde n'existe pas. Elle a tant de mal à dire le mot qu'elle fausse
L Histoire pour servir son histoire. Je le rappelle à
Claire Koç : la répression que ses parents ont fui n'est pas d'ordre religieuse mais ethnique et politique, Dersim étant à la fois Kurde, arménienne, communiste, d'extrême gauche et alevie.
Claire Koç fuit la réalité historique pour inscrire son histoire dans une opposition stérile à l'Islam. Elle est donc capable de vider les mots de leurs substances, de tordre le cou à la réalité pour la façonner à sa convenance. C'est affligeant. Elle est loin de l'intégrité intellectuelle et journalistique qu'elle prétend servir.
Ce livre, vous l'aurez compris, est une déception qui ne saurait recevoir mon approbation. Quand bien même j'aurais des points d'accords ci et là, je ne saurais encourager sa lecture car il ne répond à aucune des exigences intellectuelles qui sont les miennes. Je déteste les livres qui vident les mots. Je hais les livres qui ne savent pas les penser. Je rejette les livres qui fuient la complexité. Ce livre échappe à toute idée de clairvoyance et son auteure est loin du compte: elle n'est ni objective, ni apolitique. Elle est, tout au contraire, totalement engagée pour une conception appauvrie de la communauté nationale.