Quant au colonel, il remercia beaucoup le propriétaire de la maison, et se félicita d’être si bien tombé. Ce dernier le quitta en le priant de faire comme chez lui.
Lorsqu’il fut parti, Mullern fit part à son colonel de ses pensées relativement à leur hôte ; mais le colonel le traita de visionnaire, et ne partagea pas son opinion.
La chambre où couchait Mullern se trouvait positivement en face de celle du maître de la maison ; seulement, comme elle était un étage plus haut, il pouvait distinguer, par-dessus les demi-rideaux qui étaient aux fenêtres, ce qui se passait dans l’appartement de ce dernier.
En rentrant se coucher, Mullern faisait ses conjectures sur la personne chez laquelle ils étaient : tout en réfléchissant, l’heure s’écoula, et il vit à sa montre qu’il était près de minuit. Il se leva pour éteindre sa chandelle, et, en passant près de sa fenêtre, aperçut de la lumière dans la chambre de M. de Monterranville ; la curiosité et le désir de voir s’il ne découvrirait pas quelque chose qui pût justifier ses idées, l’engagèrent à regarder un moment chez son voisin. Il éteignit sa chandelle pour qu’on le crût couché, et se posta doucement dans une encoignure de sa croisée.
Il fallait prendre un parti : Clémentine se détermina à tenter le seul moyen qui lui restait pour goûter, non le bonheur, elle y avait renoncé depuis la mort de celui qu’elle adorait, mais au moins la tranquillité et le repos dont elle était privée depuis longtemps.
Le caractère du colonel Framberg, que Clémentine avait su apprécier, lui avait inspiré l’idée de lui avouer sa faute, et de se confier à sa générosité. Un jour, peu de temps avant le terme fixé pour leur mariage, Clémentine pria le colonel Framberg de lui accorder un moment d’entretien ; le colonel y consentit volontiers. Ils se rendirent dans un endroit écarté du parc, et là, Clémentine lui confia son amour et ses malheurs.
Le colonel demeura frappé d’étonnement lorsque Clémentine lui apprit qu’elle serait bientôt mère.