Citations sur Le retour au désert (10)
Mes racines ? Quelles racines ? Je ne suis pas une salade ; j'ai des pieds et ils ne sont pas faits pour s'enfoncer dans le sol. (p.13)
MAAME QEULEU. - Je ne sais pas, ma pauvre Marthe, je ne sais pas si le ciel existe.
MARTHE. - Que dis-tu ?
MAAME QEULEU. - S'il existait, on en aurait bien un écho, ici, une petite impression, l'ombre du ciel sur la terre, des bouts, un petit reflet. Mais il n'y a rien, que des bouts de l'enfer. (p.41)
MATHILDE - Eh bien, oui, je te défie, Adrien; et avec toi ton fils, et ce qui te sert de femme. Je vous défie, vous tous, dans cette maison, et je défie le jardin qui l'entoure et l'arbre sous lequel ma fille se damne, et le mur qui entoure le jardin. Je vous défie, l'air que vous respirez, la pluie qui tombe sur vos tètes, la terre sur laquelle vous marchez ; je défie cette ville, chacune de ses rues et chacune de ses maisons, je défie le fleuve qui la traverse, le canal et les péniches sur le canal, je défie le ciel qui est au-dessus de vos tètes, les oiseaux dans le ciel, les morts dans la terre, les morts mélangés à la terre et les enfants dans le ventre de leurs mères. Et, si je le fais, c'est parce que je sais que je suis plus solide que vous tous, Adrien.
En Algérie, je suis une étrangère et je rêve de la France : en France, je suis encore plus étrangère et je rêve d'Alger. Est-ce que la patrie c'est l'endroit où l'on n'est pas ? (p.48)
AZIZ. - Le Front dit que je suis un Arabe, mon patron dit que je suis domestique, le service militaire dit que je suis français, et moi je dis que je suis un couillon. (p.73)
Tu crois, pauvre folle, que tu peux défier le monde ? Qui es-tu pour provoquer tous les gens honorables ? Qui penses-tu être pour bafouer les bonnes manières, critiquer les habitudes des autres, accuser, calomnier, injurier le monde entier ? Tu n'es qu'une femme, une femme sans fortune, une mère célibataire, une fille-mère, et il y a peu de temps encore, tu aurais été bannie de la société, on te cracherait au visage et l'on t'enfermerait dans une pièce secrète pour faire comme si tu n'existais pas. Que viens-tu revendiquer ? Oui, notre père t'a forcée à dîner à genoux pendant un an à cause de ton péché, mais la peine n'était pas assez sévère, non. (p.38)
Non, je ne veux pas remuer, je ne suis pas payé pour remuer. Si je le faisais, on me le reprocherait ; et si je ne le fais pas, on me le reprochera aussi, alors je préfère ne rien faire, j'aurai les reproches mais pas la fatigue. (p.37)
Vous êtes d'une famille de fous. Une sœur hystérique, un enfant mou et presque mongolien, un neveu et une nièce malades, dépressifs, épileptiques ; comment ai-je pu croire, comment avons-nous pu, nous, la bonne société de cette ville, penser que vous auriez pu échapper aux tares de votre famille ? (p.30)
Vous m'avez désignée à la foule, vous m'avez montrée du doigt, vous avez fait cracher sur moi avec vos mensonges, vous m'avez accusée de trahison. (p.28)
MATHIEU. - J'aurais voulu être extraordinaire.
ADRIEN.- C'est idiot. Il y a de plus en plus de gens extraordinaires. Au point que cela va devenir extraordinaire d'être une personne ordinaire. Alors, patiente un peu ; tu n'as rien à faire pour cela, rien.