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Citations sur De Caligari à Hitler : Une histoire psychologique du ci.. (8)

Ce que reflètent les films, ce sont moins des credos explicites que des dispositions psychologiques -- ces lois profondes de la mentalité collective qui se ramifient plus ou moins sous la dimension de la conscience. Bien sûr, les revues et les radios populaires, les best-sellers, les modes du langage ainsi que d’autres produits sédimentaires de la vie culturelle d’un peuple donnent également des informations précieuses sur les attitudes prédominantes et autres tendances généralement répandues. Mais l’écran dépasse ces sources parce qu'il les contient toutes.
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Un groupe se spécialisa dans la description des tyrans. Dans ce genre de film, les Allemands de l'époque -un peuple encore mal équilibré, encore libre de choisir son régime- ne nourrissaient aucune illusion quant aux conséquences possibles de la tyrannie; au contraire, ils se laissaient aller à détailler les crimes et les souffrances qu'elle infligeait. Leur imagination était-elle excitée par la peur du bolchévisme? Ou bien en appelaient-ils à ces visions effrayantes pour exorciser des désirs qui, pensaient-ils, étaient les leurs et tentaient maintenant de les posséder? (C'est en tout cas une étrange coïncidence qu'à peine dix ans plus tard, l'Allemagne nazie mettra en pratique ce même ensemble de tortures physiques et mentale décrites par le cinéma allemand de l'époque).
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L’utilisation des images par rapport aux exposés verbaux est déterminée par le fait que de nombreuses idées de propagande sont exprimées uniquement par l’image. L’image ne se limite pas à illustrer le commentaire, mais au contraire tend a assumer une vie indépendante qui, au lieu d’étre parallèle à celle du commentaire, suit parfois son propre cours - un procédé très important et amplement utilisé. En en faisant usage, la propagande totalitaire pouvait s’arranger pour façonner, d’une part, un commentaire plutôt formel évitant des exposés hérétiques ou trop explicites, et d’autre part, pouvait faire comprendre au public que les Britanniques étaient ridicules et que l’Allemagne nazie était pieuse et adorait la paix par-dessus tout. Les nazis savaient que l’allusion portait plus loin que l’affirmation et que le contrepoint de l’image et de l’exposé verbal ajoutait du poids à l’image, la transformant en un stimulant émotionnel plus puissant.
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Dès 1920, un fragment des « Frères Karamazov » était porté à l’écran. Robert Wiene s’était concentré sur Crime et Châtiment ; son Raskolnikov, projeté en 1923, était interprété par un groupe d’acteurs du Théâtre d’Art de Moscou, qui s’étaient adaptés à des décors stylisés rappelant Caligari. Remarquables sont les scènes au cours desquelles Raskolnikov se livre a des autoaccusations fantaisistes devant le juge ; une toile d’araignée dans un coin du mur participe activement au « duel physionomique » entre le juge onctueux et le meurtrier délirant.
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Janowitz et Mayer savaient pourquoi ils étaient contre cet encadrement : il pervertissait, s’il ne renversait pas, leurs intentions intrinsèques. Alors que l'histoire originale exposait la folie inhérente à l'autorité, le Caligari de Wiene glorifiait l’autorité et convainquait son antagoniste de folie. Ainsi, un film révolutionnaire était transformé en une production conformiste selon le schéma usé jusqu'à la corde qui consiste a déclarer fou un individu normal, mais sujet à des troubles, et à l’envoyer dans un asile.
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Là encore comme dans d’autres cas, l’objection se présente d’elle-même : sans nul doute, pas plus les cinéastes que les publics allemands n’avaient conscience de ces parallèles. Néanmoins, ces parallèles existent, et le fait qu’ils soient passés inaperçus accroit davantage qu’il n’invalide leur signification. Moins un individu sait pourquoi il préfére tel sujet à tel autre, plus on est en droit d’affirmer que son choix a été déterminé par des puissantes impulsions au-delà de la dimension de la conscience. Toute tendance de cette sorte s’affirme dans les idées et les perceptions les plus reculées, de maniére à ce que celles-ci la reflètent obligatoirement, qu’il s’agisse de n’'importe quoi ou de ce qui semble étre apparemment dit. Tout en s’ occupant exclusivement d’amour et de crime dans la haute société, le film de (Curtis) Bernhardt trahit un état d’esprit favorisant les rebelles et accusant les autorités.
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En d’autres termes, la Nouvelle Objectivité marque un état de paralysie. Cynisme, résignation, désillusion : ces tendances naissent d’une mentalité peu encline à s’engager dans une quelconque direction. Le trait principal de ce nouveau réalisme est sa répugnance à poser des questions, à prendre parti. La réalité est dépeinte non pas de manière à ce que les faits livrent leurs implications, mais de facon à noyer toutes les implications dans un océan de faits, comme dans les Kulturfilme de l'Ufa. « Nous avons perdu le pouvoir de croire, confessait August Ruegg en 1926, et puisque les roues de la mécanique mondiale semblaient continuer à tourner en vertu de leur élan propre, nous nous sommes accoutumés à vivre sans croire et sans avoir de sentiment de responsabilité... On s’en tire soit avec élégance, soit avec dégoût, et que les autres fassent de même ». C’est là le langage d’un esprit paralysé.
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La deuxième tentative d’établir un schéma psychologique adéquat consistait a suggérer que toutes les souffrances découlant de la tyrannie ou du chaos devaient être endurées et surmontées dans un esprit d’amour chrétien. Cette suggestion parle d’elle-même, car elle implique qu’une métamorphose intérieure compte plus que toute transformation du monde extérieur justifiant ainsi l’aversion des classes moyennes pour tout changement politique et social. Il devient alors clair pourquoi, dans Nosferatu, seul l'amour de Nina réussit a vaincre le vampire, et pourquoi, dans Les Trois lumières, l'union de la jeune fille avec son amoureux dans l’au-delà, dépendent du sacrifice suprême de soi-même. C’était la solution de Dostoïevski. Ses œuvres éditées par Moeller van den Bruck, qui fournit aux nazis leur concept fondamental de « Troisième Reich » étaient alors si populaires dans les classes moyennes que leurs couvertures rouges ornaient chaque salon. Ce que James T. Farrel écrit a propos des Frères Karamazov s’applique également au courant émotionnel de l’Allemagne d’après-guerre : « La révolution ne produira que des catastrophes. L’homme doit souffrir. L’homme le plus noble est celui qui a souffert non seulement pour lui-même, mais pour tous ses semblables. Puisque le monde ne peut être changé, l’homme doit être changé par l’amour ».
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