L'histoire:
Le soir du 3 novembre 1966, Florence est engloutie par son fleuve, l'Arno. La ville manque d'être rayée de la carte.
Kathrine Kressmann Taylor, en retraite dans une petite pension florentine, consigne ce désastre dans son journal...
Mon avis:
Après la découverte, il y a quelques années déjà, de
Inconnu à cette adresse - une véritable claque- j 'étais prête à tendre l'autre joue pour ce titre... Mais celle-ci ne fut pas tout à fait au rendez-vous!
D'un côté, ce texte est un document historique indéniable. En témoin privilégié, l'auteure nous livre un rapport circonstancié des faits et des dégâts que cette crue monstre, sans précédent, doublée d'une véritable marée noire a accasionnés. A la manière d'un expert, elle répertorie minutieusement, presque chirurgicalement, ce qu'elle voit. En consultant les photos de l'époque, on constate qu'elle a dressé un portrait parfaitement objectif de la situation.
Elle témoigne également, avec beaucoup de respect, du courage des Florentins qui loin de se laisser abattre, retroussent leurs manches et s'attellent à une tâche titanesque: "Leur ville n'est pas réparable? Ils la réparent quand même."
Son journal se clôt quatre mois plus tard par des mots d'espoir et les signes d'une renaissance.
Dans sa chronique, j'ai particulièrement été sensible à son évocation émouvante des "angeli del fango", jeunes bénévoles venus des quatre coins de l'Italie et de l'Europe pour sauver ce patrimoine en péril, notamment les trois à quatre millions de livres, la plupart anciens.
Ses anecdotes concernant la soliditarité mise en oeuvre pour aider les plus faibles m'ont également touchée.
Et pourtant, la magie n'a pas entièrement opéré. Si j'ai retrouvé avec plaisir la plume de l'auteur, j'ai dû à de maintes reprises m'accrocher (et surtout au début) afin de poursuivre ma lecture. Et cela pour plusieurs raisons. Pour commencer,
Kathrine Kressmann Taylor, aux premières loges, nous livre une chronique détaillée, presque rue par rue du désastre. Même si l'ouvrage s'ouvre sur un plan de Florence , n'ayant personnellement jamais eu l'occasion de visiter la ville, j'ai eu bien du mal à la suivre dans ses pérégrinations. Ensuite, son langage est particulièrement soutenu par moments et même si on a droit à certaines notes infrapaginales, toutes les expressions italiennes qu'elle emploie ne sont pas systématiquement traduites. Enfin, j'ai découvert dans la postface du livre, rédigée par
Olivier Philipponnat, qu'elle avait réalisé quelques clichés de la ville. Je regrette que ceux-ci n'aient pas illustrés son propos. Même si, il faut l'avouer, ses descriptions sont d'une précision d'horloger.
Pour preuve, ce petit extrait:
"Dans le marché couvert de San Lorenzo, où l'on racle et frotte à l'eau sale les étals déserts, les ordures forment des andains de quinze mètres de long et deux mètres de haut. Cette boue est sertie de pommes et de citrons, de pavés, de valises et de vanity cases cabossés, de bouteilles de vin, de chaussures de chantier, de gants, de vieilles cartes routières déchirées, de paniers de paille, de statuettes et de cendriers-souvenirs cassés; tout au bout, on voit pendouiller des loques crasseuses de lingerie de mousseline noire, rouge ou verte à lacets de mauvaise qualité, à jamais perdue pour une clientèle qu'on imagine assez spéciale. Sur certains tas, on peine à distinguer les détritus de la boue qui les recouvre. Sur le dallage, près des étals, elle est généreusement parsemée de boutons de toutes les tailles et de toutes formes, telle une mini-Voie lactée d'éclats d'os, de verre et de métal luisants."
En conclusion,
Journal de l'année du désastre est un cri d'amour d'une auteure à sa ville d'adoption, un témoignage historique considérable. Car, comme l'écrit
Olivier Philipponnat dans sa postface, "ce n'est pas seulement l'un des premiers documents consacrés à l'effroyable crue de l'Arno; c'est aussi le seul récit véridique d'un auteur plus connu pour ses oeuvres de fiction, fussent-elles inspirées d'événements réels."
Lien :
http://lacoupeetleslevres.bl..