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Citations sur Quatre-vingt-neuf mots / Prague, poème qui disparaît (10)

PSEUDONYME. Je rêve d’un monde où les écrivains seraient obligés par la loi de garder secrète leur identité et d’employer des pseudonymes. Avantages : limitation radicale de la graphomanie ; diminution de l’agressivité dans la vie littéraire.

(p. 52-53)
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MESSAGE. Il y a cinq ans, le traducteur Scandinave m’a avoué que son éditeur avait hésité beaucoup avant de publier "La Valse aux adieux" : « Ici, tout le monde est de gauche. Votre message ne leur plaît pas. – Quel message ? – N’est-ce pas un roman contre l’avortement ? » Bien sûr que non. Dans mon for intérieur le plus secret non seulement je suis pour les avortements mais pour les avortements obligatoires ! Pourtant, j’ai été ravi de ce malentendu. En tant que romancier, j’ai réussi. J’ai réussi à garder l’ambiguïté morale de la situation. J’ai été fidèle à ce qui est l’essence du roman en tant qu’art : à l’ironie. Et l’ironie se moque des messages !

(p. 43)
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POLITIQUE. On ne prononce pas ce mot comme les autres. Dans la bouche des politiciens et des journalistes, la première syllabe éclate comme un bref coup de fusil. « C’est un problème POlitique ! » Plus la politique est impuissante devant les problèmes capitaux du monde (le surpeuplement croissant, l’évolution indomptable de la technique, la dévastation de la terre, la disparition de la culture), plus la syllabe PO est enivrée de sa propre importance.

(p. 52)
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COLLABO. Les situations historiques toujours nouvelles dévoilent les possibilités constantes de l’homme et nous permet de les dénommer. Ainsi, le mot collaboration a conquis pendant la guerre contre le nazisme un sens nouveau : être volontairement au service d’un pouvoir immonde. Notion fondamentale ! Comment l’humanité a-t-elle pu s’en passer jusqu’à 1944 ? Le mot une fois trouvé, on se rend compte de plus en plus que l’activité de l’homme a le caractère d’une collaboration. Tous ceux qui exaltent le vacarme mass-médiatique, le sourire imbécile de la publicité, l’oubli de la nature, l’indiscrétion élevée au rang de vertu, il faut les appeler : "collabos de la modernité".

(p. 21)
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INEXPÉRIENCE. Le premier titre pour "L’Insoutenable Légèreté de l’être" : « la planète de l’inexpérience ». L’inexpérience comme une qualité de la condition humaine. On est né une fois pour toutes, on ne pourra jamais recommencer une autre vie avec les expériences de la vie précédente. On sort de l’enfance sans savoir ce qu’est la jeunesse, on se marie sans savoir ce que c’est que d’être marié, et même quand on entre dans la vieillesse, on ne sait pas où l’on va : les vieux sont des enfants innocents de leur vieillesse. En ce sens, la terre de l’homme est la planète de l’inexpérience.

(p. 32)
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ROMAN. La grande forme de la prose où l’auteur, à travers des ego expérimentaux (personnages), examine jusqu’au bout quelques grands thèmes de l’existence.

(p. 55)
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MACHO. Le macho adore la féminité et désire dominer ce qu’il adore. En exaltant la féminité archétypale de la femme dominée (sa maternité, sa fécondité, sa faiblesse, son caractère casanier, sa sentimentalité, etc.), il exalte sa propre virilité. En revanche, le misogyne a horreur de la féminité, il fuit les femmes trop femmes. L’idéal du macho : la famille. L’idéal du misogyne : célibataire avec beaucoup de maîtresses ; ou : marié avec une femme aimée sans enfants.

(p. 41-42)
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BANDER. « Son corps mit fin à sa résistance passive ; Édouard était ému ! » ("Risibles amours"). Cent fois, je me suis arrêté, mécontent, sur ce mot « ému ». En tchèque, Édouard est « excité ». Mais ni ému ni excité ne me satisfaisaient. Puis, tout d’un coup, j’ai trouvé ; il fallait dire : « Édouard banda ! » Pourquoi cette idée si simple ne m’est-elle pas venue plus tôt ? Parce que ce mot n’existe pas en tchèque. Ah, quelle honte : ma langue maternelle ne sait pas bander ! À la place de « bander », les Tchèques sont obligés de dire : sa bitte s’est mise debout. Image charmante, mais un peu enfantine. Elle a pourtant donné cette belle tournure populaire : « Ils étaient là, debout, comme des bittes. »

(p. 17)
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SOVIÉTIQUE. Je n’emploie pas cet adjectif. L’Union des républiques socialistes soviétiques : « Quatre mots, quatre mensonges » (Castoriadis). Le peuple soviétique : paravent lexical derrière lequel doivent être oubliées toutes les nations russifiées de l’Empire. Le terme « soviétique » convient non seulement au nationalisme agressif de la Grande Russie communiste, mais aussi à la nostalgie nationale des dissidents. Il leur permet de croire que, par un acte magique, la Russie (la vraie Russie) est absente de l’État dit soviétique et qu’elle perdure comme essence intacte, immaculée, à l’abri de toutes les accusations. La conscience allemande : traumatisée, culpabilisée après l’époque nazie ; Thomas Mann : la mise en question cruelle de l’esprit germanique. La maturité de la culture polonaise : Gombrowicz qui joyeusement violente la « polonité ». Impensable pour les Russes de violenter la « russité », essence immaculée. Nul Mann, nul Gombrowicz parmi eux.

(p. 60-61)
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SLAVE. Une amie m’a fait voir, il y a six ans, son exemplaire de "La Plaisanterie". Au crayon, elle avait souligné la phrase : « Derrière le navire de notre querelle, je voyais se refermer le flot apaisant du temps… » et avait ajouté en marge : « L’imagination slave. » Elle ne savait pas que « le navire de notre querelle » était l’un des ajouts généreux du traducteur. Mais quant au mot slave, elle l’avait compris comme moi. Poétisation démesurée des choses, sentiments exhibés, profondeurs simulées, longs regards qui prétendent dire quelque chose et vous accusent de ne savoir quoi… c’est ma vision de l’âme slave. L’âme slave, notion purement négative.

(p. 60)
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