J'ai envie d'apprendre à espérer que les gens m'accueillent aimablement.
Pendant presque toute ma vie, jusqu'à ce soir, j'ai été jeune. Pendant presque toute ma vie, j'ai trouvé devant moi des gens qui semblaient savoir ce qui se passait. Où sont-ils ?
Nous avons atteint un état tel qu'après deux mille ans de civilisation chrétienne, quand je rencontre quelqu'un de religieux - par bonheur, cela m'arrive rarement ces temps -ci-, je le considère comme un handicapé mental qui a très certainement besoin d'une thérapie.
On n'arrête pas d'aimer quelqu'un simplement parce qu'on le déteste.
J'imagine que la thérapie a fait du bien à Victor. Elle lui fournit l'occasion de penser encore plus à lui-même, mais sur un mode moins lugubre. Maintenant, il sait quelques petites choses sur lui. Qu'il ait changé ou pas, c'est une autre histoire. A mon avis, tout dépend si l'on considère la connaissance de soi comme un progrès, si l'on y voit le but essentiel de l'humanité. Je me demande depuis un moment si une nouvelle distinction de classes n'est pas en train d'apparaître, entre ceux qui peuvent se payer le luxe de maintenir propres leur esprit et leurs émotions, de se nettoyer de toutes les notions toxiques de chaque semaine - et ceux qui doivent supporter ce qui les empoisonne.
J'ai excellé à renoncer aux choses que j'aimais - il n'est bien sûr pas drôle de renoncer à des choses qui ne sont pas rôles. Quand je suis énervé, je me mets à chercher des plaisirs auxquels renoncer.
Pourtant, être capable de supporter son propre esprit, savoir attendre que l'orage intérieur des pensées intolérables s'arrête de lui-même, en vous laissant contempler les débris d'un oeil compréhensif -, voilà un état enviable.
Jeune, j'ai souvent commis l'erreur de commencer un livre par le début et de le lire jusqu' à la fin.
Je suis prêt à comprendre qu'on puisse quitter son épouse, mais je ne vois vraiment pas comment quelqu'un pourrait quitter ses enfants. Le simple fait d'aller au boulot, pour moi c'est le Choix de Sophie.
Le bonheur d'Asif m'exclut. Au bout d'un moment, nous sommes seulement capables d'échanger des sourires. Je n'arrive pas à le saisir, comme je saisis Victor. C'est le malheur et la blessure qui me touchent. Alors je comprends, alors je peux être utile. Je me sens chez moi dans une atmosphère de dépression généralisée, dans une pénombre tiède. SI le malheur vous attire, vous ne manquerez jamais d'amis.