Citations sur Une cuillerée de miel (46)
L’émotion ne peut se révéler pleinement que dans une mise en danger de soi-même, se mettre à nu, forcer l’ouverture de ses portes mystérieuses pour s’exposer et crier au monde, un bonheur indicible où se mélange le drame, la douleur et la fragilité des sentiments. Elle devenait cristal, prête à se briser pour que s’exprime la musique.
Je suis comme un arbre, le vent secoue ses branches, ses feuilles lui murmure ses récits de voyage. La liberté l'enivre, il voudrait suivre ses parfums, mais il est cloué sur place, triste de ne pouvoir gouter cette délivrance.
Le silence est toujours aussi impressionnant. Le temps se fige, tel est le sentiment qui vous assaille. L’heure s’est arrêtée, entre ces arbres, ces maisons robustes et ces chemins de terre. On sent l’opulence passée se gonfler d’un orgueil ancestral, se patiner d’une grandeur éteinte, murmurant dans l’agonie des heures tendres, la noblesse défunte d’une fortune disparue. C’est une symphonie héroïque grave et digne qui bruisse au milieu de ce paysage immobile.
Sa silhouette longiligne vibrait, se courbait, se redressait dans un balancement presque indéfinissable, telle une liane volubile enlaçant de ses arabesques contenues, les notes échappées de l’instrument, les caressant de sa présence. La musique devenait un être tout de sentiment vêtu, dont Éva prolongeait l’onde de son regard intérieur, ce puissant faisceau qui sait animer les choses par le seul reflet de notre propre vision.
Enfin, mon enfance, c'était la guerre. J'y ai perdu ma mère. Après un tel événement, il faut réapprendre à vivre avec des questions plein la tête et pas une seule réponse.
Nous nous arrangions jusqu'au dernier souffle avec nos propres consciences, tues, cachées. Les révéler ne ferait qu'accroître les peines.
Au bout de la quatrième ruche ouverte, Alphonse se décida à rompre le silence.
_ Elles sont nerveuses. Va chercher les bombes dans la voiture. Place-toi d'un côté du champ moi je m'installe de l'autre côté.
_ Vous pensez à quoi ?
_ À cette merde de frelon asiatique. Si tu en vois un balance-lui une giclée sans diriger le jet vers les ruches. Prends aussi les raquettes de badminton. S'il vient près de toi fous-lui un bon revers, c'est terriblement efficace, et et comme ça tu économises les bombes.
Ils restèrent un long moment à scruter les alentours, sans qu'il ne se passe rien. Ils finirent par se rapprocher. Alphonse fit signe à Thomas de reprendre son travail. Il ouvrit encore deux ruches.
_ Tu te débrouilles bien pour un Parisien.
- Je t'envie.
- Ah, et pour quelle raison?
- Parce que je suis incapable de partir, de faire comme toi! J'en rêve, un vibrant désir me saisit à chaque évocation d'un voyage. Cette frénésie se tempère par le jeu quasi instantané d'une inquiétude sourde, rampante. La peur me gagne, celle de ne jamais arriver là où je voudrais aller, non pas physiquement, mais psychiquement. J'ai l'intime conviction qu'un voyage ne s'apprécie qu'avec l'assurance de parvenir à se détacher de son point de départ, d'accepter l'ailleurs comme une volonté d'y être , de le voir comme une richesse, une chance. Or je ne souscrit pas au fonds de moi à ce sentiment. Une contradiction supplémentaire me fait chanceler, entre la hâte d'être au moment du départ et le regret de partir.
Quand vous avez les boches sur le râble pendant quatre ans et que justement vous n'êtes pas blanc- bleu, vous apprenez à vous taire croyez-moi !
Elle revit sa mère, le dernier jour, elle se souvint parfaitement de ce moment. Avant de partir elle lui avait fait prendre une cuillerée de miel.