PERRICHON, ému. – Daniel, mon ami, mon enfant… votre main ! (Il lui prend la main.) Je vous dois les plus douces émotions de ma vie… Sans moi, vous ne seriez qu'une masse informe et repoussante, ensevelie sous les frimas… Vous me devez tout, tout ! (Avec noblesse.) Je ne l'oublierai jamais !
DANIEL. – Ni moi !
PERRICHON, à Armand, en s'essuyant les yeux. – Ah ! jeune homme !… vous ne savez pas le plaisir qu'on éprouve à sauver son semblable !
L'AUBERGISTE, lui présentant un registre. – Monsieur veut-il écrire quelque chose sur le livre des voyageurs ?
DANIEL. – Moi ?… je n'écris jamais après mes repas, rarement avant… Voyons les pensées délicates et ingénieuses des visiteurs. (Il feuillette le livre, lisant.) « Je ne me suis jamais mouché si haut !… » Signé : « Un voyageur enrhumé… » (Il continue à feuilleter.) Oh ! la belle écriture ! (Lisant.) « Qu'il est beau d'admirer les splendeurs de la nature, entouré de sa femme et de sa nièce !… » Signé : « Malaquais, rentier… » Je me suis toujours demandé pourquoi les Français, si spirituels chez eux, sont si bêtes en voyage !
ARMAND. – Ah ça ! expliquez-moi comment vous avez pu vous éloigner de Paris, étant le gérant d'une société de paquebots…
DANIEL. – Les Remorqueurs sur la Seine… capital social, deux millions. C'est bien simple : je me suis demandé un petit congé, et je n'ai pas hésité à me l'accorder…
Un commerçant ne se retire pas aussi facilement des affaires qu'une petite fille de son pensionnat...