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Critique de Alzie


D'où vient l'impulsion de danser ? Que vaut l'idée selon laquelle trop réfléchir empêcherait de bien danser ou à l'inverse celle que bien danser irait de pair avec l'inaptitude à réfléchir ? La danse est l'apanage de la bipédie dit l'auteur citant la parade nuptiale des oiseaux de paradis remarquée par Darwin comme exemples de conduites renvoyant, pour le règne animal, à cette pratique humaine unique (L'origine des espèces, 1859). Pratiquée sans doute depuis la nuit des temps préhistoriques et dans toutes les cultures, entre fêtes et rituels, la danse reste aujourd'hui un langage universel des corps.

N'est-elle qu' "un art sans ouvrage" (Aristote) ? Qu'un simple "ornement de la durée" comme l'architecture et la peinture sont "des ornements de l'espace" et ne relève-t-elle que de l' idéal "de beauté, de perfection et d'expressivité" décrit par Paul Valéry ("Degas, danse, dessin", 1938), ce leg de l'Antiquité gréco-romaine valorisant la plastique des corps ? D'où vient la danse classique et quelle est son histoire ? En quoi cette discipline se distingue-t-elle d'autres pratiques, sportive ou artistique comme le théâtre, l'écriture, la peinture ? Pourquoi fascine-t-elle toujours ?

Simples questions posées par le directeur de la rédaction de Philosophie Magazine, Alexandre Lacroix qui font entrer le néophyte et l'amateur dans la spécificité du geste et du mouvement dansé et chorégraphié au fil de déambulations à travers l'univers feutré secret de l'un de ses temples institutionnels, l'opéra Garnier. Une immersion "in situ" de l'auteur pendant un an qu'il raconte ici, témoin des entraînements, répétitions, filages ou préparations des spectacles. Les performances physiques, l'endurance des danseurs, leur discipline s'imposent d'abord à lui. Puis les défis cognitifs et mnésiques auxquels sont soumis les artistes ainsi que les paradoxes d'un art qui place ces derniers entre liberté et contrainte, fusion et dissociation du corps pour atteindre le Graal d'une interprétation partagée en public laissant apprécier et transparaitre leur originalité propre.

La danse est observée dans le registre classique (Le rouge et le noir, programmation 2021/22) ou contemporain (Pina Baush et Merce Cunningham) quand l'auteur s'attarde auprès du chorégraphe Mats Ek (Another Place, programmation 2021/22) et sur le travail de deux étoiles aux personnalités différentes dont les trajectoires sont dévoilées au fil des pages : Ludmila Pagliero et Stéphane Bullion. Leurs voix mais aussi leurs silences se font entendre, leurs corps en mouvement regardés, admirés, émeuvent, interrogés par l'auteur, dans un texte dont la dimension humaine palpable est au moins équivalente à la portée conceptuelle du livre. Situations, propos et réflexions font écho à la riche mise en abîme théorique qui illustre le sujet et où s'invitent neuro-scientifiques, philosophes, penseurs du vitalisme (Bergson), psychanalystes et psychologues, écrivains et chorégraphes...

Bref, la danse apparaît ici en majesté essentiellement comme un art de la relation porté par l'engagement et le désir d'accomplissement d'artistes d'exception au sein d'un collectif qui ne l'est pas moins. La philosophie qu'on aime.
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