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Citations sur Louis et la Jeune Fille (15)

Verdun, le 20 mai 1916

Monsieur Cendre,

J’ai un ami. Il s’appelle Jean. Comme je vous l’ai déjà dit, il ne sait pas écrire. En fait , il écrit si mal que cela revient au même. Alors je rédige son courrier à sa place. C’est curieux et presque douloureux de prendre ainsi la place d’un autre. Pour un autre. Dans les deux cas, on est face à des inconnus. Etant déjà très étranger à soi-même, l’exercice est violent, presque mortel. Mais je m’y adonne régulièrement.

Jean graphie : sela fé lontan ke la plui ple sur moi et den mon keur, petite maman.
Cette langue magique ne m’a cependant jamais arraché un sourire. Parfois, j’ai presque honte de la corriger. Elle me semble parfaite, originelle. C’est moi l’illettré. La langue de Jean dit tout, l’eau du ciel, la détresse, la mère, même si elle n’est pas orthodoxe. Et l’orthodoxie, quand on ne sait pas si l’on va vivre, n’a pas beaucoup de réalité, hormis celle du poteau d’exécution ou celles des lignes de barbelés qui écorchent l’horizon. (p. 130)
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Nice, le 13 juin 1951, 6 heures du matin

Papa,

Une chose m'effraie plus que tout autre : l'indifférence du monde devant la souffrance. Quand on coupe un arbre de la surface de la terre, il me semble que la nature devrait hurler. Et que dire de la mort d'un fils ? Des centaines de fils meurent tous les jours. On s'attendrait à entendre un énorme cri. mais on n'entend rien. Les hommes disparaissent et le monde ne fait pas de bruit.

Lorette
(p. 150)
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Marre, le 1er mars 1916

Marcel, (...)

Les feux de cheminée. les châtaignes qui craquent. Les braises qui durent toute la nuit. Le savon noir et son odeur partout dans la maison. Les tricots de maman dans l'osier des malles. La soupe qui parfume l'espace et se mélange à l'air savonneux. La vie me manque tellement . Envoie-moi de la vie, c'est urgent.

Louis, affamé
(p. 70)
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Voie sacrée, le 13 mars 1916

Ferdinand, (...)

Demain, je vais attendre le courrier.Je recevrai peut-être une lettre. Ce sont les lettres qui nous sauvent tous de la folie. Parfois, on donne le courrier des morts aux gars qui restent et qui sont complètement désespérés de n'avoir rien reçu. (p. 76)
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Mort-Homme, le 13 février 1916

(...)La sciure de mes souvenirs me pique les yeux. Comme je voudrais vous atteindre monsieur Cendre et vous donner la main ! Ai-je appris à lire pour mourir ? Les enfants vont-ils à l'école pour rougir l'eau des ruisseaux quand ils tombent ? Je ne peux pas me faire à l'idée. Un être qui sait écrire ne devrait jamais être happé. (p. 64)
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La Marne, le 19 décembre 1915

Marie, mon amour,
(...)Quand je t'écris, ça va mieux. Quand je trace les lettres pour toi, je me souviens que je suis en vie. (...)

Ton Louis

(p. 32)
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Notre-Dame -de-Lorette, le 15 décembre 1915

Maman,
Les choses ne pourront pas recommencer. Elles sont trop moches. On travaille à la dernière des guerres, j'en suis certain. On ne peut pas aller plus loin dans ce qui n'a pas de nom. (p. 27)
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Paris, le 17 décembre 1950

Mon papa à moi

(...) On ne parle encore ici à Paris que des horreurs de la guerre. On nous oblige à voir des courts métrages insoutenables au cinéma, avant les films. Alors, après, on n'a plus envie. Forcément ! Et moi, je me dis que la radio nous mène ailleurs. Je ne suis pas superficielle, mais j'ai peur d'avoir peur. (p. 25)
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Froiseterre, le 22 novembre 1915

Monsieur Cendre, cher maître, (...)

Monsieur Cendre, votre salle de classe me manque tout comme vos yeux sévères. Les heures de retenue, le laboratoire de chimie et son affreuse odeur de soufre, les grenouilles disséquées, la cacaphonie du réfectoire, les grands chênes dans la cour me somment de me souvenir de la vie. (p. 17)
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La terre s’effondre sous son propre poids, quand il pleut. J’ai la nostalgie de l’été car j’ai la nostalgie de la vie. La terre est liquide. On entasse des sacs de sable, on consolide les parois avec de la tôle ou du bois, mais l’eau continue à ruisseler.
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