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Citations sur Louis et la Jeune Fille (15)

Mort-Homme, le 13 février 1916

(...)La sciure de mes souvenirs me pique les yeux. Comme je voudrais vous atteindre monsieur Cendre et vous donner la main ! Ai-je appris à lire pour mourir ? Les enfants vont-ils à l'école pour rougir l'eau des ruisseaux quand ils tombent ? Je ne peux pas me faire à l'idée. Un être qui sait écrire ne devrait jamais être happé. (p. 64)
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Notre-Dame -de-Lorette, le 15 décembre 1915

Maman,
Les choses ne pourront pas recommencer. Elles sont trop moches. On travaille à la dernière des guerres, j'en suis certain. On ne peut pas aller plus loin dans ce qui n'a pas de nom. (p. 27)
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Froiseterre, le 22 novembre 1915

Monsieur Cendre, cher maître, (...)

Monsieur Cendre, votre salle de classe me manque tout comme vos yeux sévères. Les heures de retenue, le laboratoire de chimie et son affreuse odeur de soufre, les grenouilles disséquées, la cacaphonie du réfectoire, les grands chênes dans la cour me somment de me souvenir de la vie. (p. 17)
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Marre, le 1er mars 1916

Marcel, (...)

Les feux de cheminée. les châtaignes qui craquent. Les braises qui durent toute la nuit. Le savon noir et son odeur partout dans la maison. Les tricots de maman dans l'osier des malles. La soupe qui parfume l'espace et se mélange à l'air savonneux. La vie me manque tellement . Envoie-moi de la vie, c'est urgent.

Louis, affamé
(p. 70)
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Verdun, le 20 mai 1916

Monsieur Cendre,

J’ai un ami. Il s’appelle Jean. Comme je vous l’ai déjà dit, il ne sait pas écrire. En fait , il écrit si mal que cela revient au même. Alors je rédige son courrier à sa place. C’est curieux et presque douloureux de prendre ainsi la place d’un autre. Pour un autre. Dans les deux cas, on est face à des inconnus. Etant déjà très étranger à soi-même, l’exercice est violent, presque mortel. Mais je m’y adonne régulièrement.

Jean graphie : sela fé lontan ke la plui ple sur moi et den mon keur, petite maman.
Cette langue magique ne m’a cependant jamais arraché un sourire. Parfois, j’ai presque honte de la corriger. Elle me semble parfaite, originelle. C’est moi l’illettré. La langue de Jean dit tout, l’eau du ciel, la détresse, la mère, même si elle n’est pas orthodoxe. Et l’orthodoxie, quand on ne sait pas si l’on va vivre, n’a pas beaucoup de réalité, hormis celle du poteau d’exécution ou celles des lignes de barbelés qui écorchent l’horizon. (p. 130)
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Montmirail, vendredi 10 novembre 1915

Ma chère maman,

Tu vas être contente. Ce matin, le sergent-chef a annoncé que nous aurions une permission pour Noël. Je sais ce qu'il t'en coûtera de t'avoir fait espérer pour rien au cas où la décision serait annulée, mais je ne résiste pas au plaisir de faire un trou d'espoir dans ton coeur. C'est le pouvoir de si peu d'hommes aujourd'hui. Et j'ai ce pouvoir. Alors réjouis-toi, ma douce, je serai bientôt de retour.
Le sapin que Clémence et moi avions planté l'an passé au fond du jardin doit avoir bien grandi. Ayez soin de le déraciner. Ne le fauchez pas : il faudra penser à le rempoter à la fin des fêtes pour l'année suivante. L'ombre épineuse de notre bonheur me fait mal.
Dans la tranchée, on a arrangé un petit pupitre en bois. C'est de là que je t'écris. Les camarades attendent, papier dans une main, tabac dans l'autre. Vous écrire c'est du bonheur. Jean n'avait plus d'encre pour sa mère et les gars ici sont avares. (Tu peux comprendre.) Alors il a trempé l'acier de sa plume dans les flaques de boue. Et l'on s'est rendu compte que la terre avait de très jolies couleurs pour une mère. Cela nous a fait peur sur le coup. (Le ciel était gris aussi.) Puis on a regardé en direction des arbres et au-delà d'eux encore et Jean m'a dicté sa lettre parce qu'il ne sait pas écrire. Jean et sa mère vivent à deux pas de chez nous, derrière l'église du père Martin. C'est en inscrivant l'adresse sur l'enveloppe que l'évidence s'est imposée. Te rends-tu compte ? Il a fallu la sale guerre pour que l'on se croise, ici, au fond d'un trou boueux.

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La terre s’effondre sous son propre poids, quand il pleut. J’ai la nostalgie de l’été car j’ai la nostalgie de la vie. La terre est liquide. On entasse des sacs de sable, on consolide les parois avec de la tôle ou du bois, mais l’eau continue à ruisseler.
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Voie sacrée, le 13 mars 1916

Ferdinand, (...)

Demain, je vais attendre le courrier.Je recevrai peut-être une lettre. Ce sont les lettres qui nous sauvent tous de la folie. Parfois, on donne le courrier des morts aux gars qui restent et qui sont complètement désespérés de n'avoir rien reçu. (p. 76)
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Paris, le 17 décembre 1950

Mon papa à moi

(...) On ne parle encore ici à Paris que des horreurs de la guerre. On nous oblige à voir des courts métrages insoutenables au cinéma, avant les films. Alors, après, on n'a plus envie. Forcément ! Et moi, je me dis que la radio nous mène ailleurs. Je ne suis pas superficielle, mais j'ai peur d'avoir peur. (p. 25)
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Nice, le 13 juin 1951, 6 heures du matin

Papa,

Une chose m'effraie plus que tout autre : l'indifférence du monde devant la souffrance. Quand on coupe un arbre de la surface de la terre, il me semble que la nature devrait hurler. Et que dire de la mort d'un fils ? Des centaines de fils meurent tous les jours. On s'attendrait à entendre un énorme cri. mais on n'entend rien. Les hommes disparaissent et le monde ne fait pas de bruit.

Lorette
(p. 150)
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