Le cirque les avait rejetés, racontait Blomgren, mais pas l'art. Ils servaient toujours l'art, et celui-ci valait qu'on lui reste fidèle jusqu'à la mort. Toujours, toujours des artistes!
Redeviens fou ! C'est bien typique des hommes, ça, devenir fou rien que pour échapper à un peu d'angoisse!
Pourquoi ne vient-il jamais pour de vrai ? Dit-elle à mi- voix. Pourquoi ne vient-il que dans mes rêves ?
Elle n'osait pas bouger. Un geste,et la sensation de cet amour disparaîtrait. Comme si un oiseau craintif s'était posé sur son épaule,et qu'elle craignait de l'effrayer.
Un mouvement de trop,et l'oiseau s'envolerait, laissant le chagrin la dominer.
Il n'existe pas de lit assez doux pour procurer du réconfort à qui se languit.
Il reprocha à Blomgren et à sa femme de vouloir la livrer à un public vaste et cruel, qui l'aimerait et l'applaudirait durant un temps mais qui, une fois qu'elle serait devenue vieille et fatiguée, la laisserait arpenter les rues dans les pluies d'automne et le froid. Non, n'était vraiment artiste que celui qui savait rendre un être heureux.
Le jour de Pentecôte, Ingrid était à l'église, en compagnie de sa mère adoptive. Un tel jour de fête, elles avaient le droit de prendre la voiture. Autrefois, Ingrid avait adoré arriver au grand galop devant l'église, tandis que ceux qui se tenaient le long du muret de pierre et au bord de la route ôtaient leur chapeau pour saluer, et que ceux qui marchaient sur la route s'écartaient à grands pas comme fascinés. Mais désormais, plus rien ne la réjouissait. "La nostalgie retire à la rose son parfum et à la lune son éclat", dit le dicton.
Il n'existe pas de lit assez doux pour procurer du réconfort à qui se languit.
Qu'il ne fût qu'un fou lui était égal. Il n'en était pas moins un être humain, et vivant.
Un homme comme moi a besoin de sentir un archet sous ses doigts, dans le chagrin comme dans la joie.
Dans le royaume de l'effroi, dans le grand désert, une fleur avait néanmoins poussé, qui l'avait consolé de son parfum et de sa beauté. Maintenant, il sentait à quel point cet amour était durable. la plante sauvage du désert s'était laissé emmener dans l'éden de la vie, où elle s'enracinait, poussait, s'épanouissait. et quand il sentit cela il sut qu'il était sauvé, que l'obscurité avait trouvé son maître.