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3,39

sur 322 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
On a tous connu des êtres qui ne participent au monde que par la grâce et la justesse de leurs gestes,la densité de leur présence physique. Ils n'ont pas le pouvoir de dire en mots leurs sentiments, leurs émotions. Et on les juge banals, peu intéressants ou vides.

Pomme est des ces êtres-là: comme son nom l'indique, elle a une espèce de rondeur posée, concrète qui est sa façon à elle d'être là. Elle a du sens pratique, ses gestes sont habiles, précis, harmonieux, rassurants. Mais Aimery, jeune noblion et étudiant désargenté, qui en fait sa maîtresse et sa compagne, s'il est d'abord frappé par la grâce innée de ses mouvements au point de la surnommer,de ce fait, "la dentellière" , devient très vite irrité et agacé par son silence, prend son assentiment tranquille pour un conformisme désolant, sa timidité respectueuse pour de la sujétion presque servile et son mutisme pour un manque de curiosité et d'intelligence.

Il la quitte. Et Pomme retourne dans son petit milieu simple où les gestes étaient un langage suffisant pour dire je t'aime, je suis là...Mais le ver est dans le fruit, et...Pomme ne sortira pas indemne de s'être frottée aux sphères de la culture et de la parole..

Une écriture classique, faussement froide, toute en retenue et en extériorité voulue, trace, comme une épure, le portrait tragique de celle à qui les mots ont manqué et qui en meurt, lentement dévorée par les mots qu'elle n'a pu dire...

Un beau livre, cruel et juste, adapté au cinéma avec une Isabelle Huppert bouleversante.

J'ai reconnu en Pomme une autre petite silhouette, disparue à 20 ans, parce qu'elle non plus n'avait pas les mots pour le dire, pour se dire, pour leur dire...Chaque fois que je relis une page du livre ou revois le film, ma gorge se serre d'un chagrin inconsolable, car il n'est pire injustice que de ne pas entendre le silence des dentellières...



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C'est un petit livre oublié, Prix Goncourt 1974, retrouvé en rangeant, dans mon grenier, les armoires remplies de livres.

Un livre dont le quatrième de couverture, comme souvent, ne rend pas compte, ou très mal.

Un livre d'une construction très aboutie et d'une écriture magnifique , comme distanciée, mais d'une infinie tristesse, dont je sors bouleversé.

Car il parle, ce roman, de ces êtres effacés, comme si on avait appliqué une gomme sur leur vie, de ces êtres transparents dont on ne sait pas voir l'âme sensible, de ces êtres qui ne parlent pas mais gardent en eux la souffrance des mots qu'ils n'ont pas su dire.
Et je crois que nous en avons tous connus, de ces femmes (ou de ces hommes), lisses et comme invisibles, transplantées de leur milieu tout simple dans un milieu dit plus cultivé, que ce milieu trouve banales, inintéressantes, de ces femmes qui s'excusent presque d'être là où elles n'ont pas leur place.
Et l'on comprend aussi que l'auteur a probablement écrit cette fiction pour mettre à distance la souffrance, ou le remords, de n'avoir pas su reconnaître ce qu'était vraiment celle avec laquelle il avait vécu une aventure qui pour lui était sans lendemain.

Ce roman, c'est l'histoire de Pomme, apprentie coiffeuse, ni belle ni laide, qui parle peu, semble s'accommoder de tout, et accomplir tout ce qu'elle fait avec une aisance placide.

Durant ses vacances sur la côte normande, elle va attirer, sans qu'il comprenne vraiment la cause de cette séduction, Aimery, un jeune noble désargenté, qui va l'emmener vivre avec lui à Paris, où il est étudiant.
Celui-ci, adolescent mal fini, va apprécier l'aisance et la grâce de celle qu'il surnomme sa « dentellière », mais finira par ne plus supporter l'absence de « conversation » de Pomme, cette dernière acceptant semble-t-il, sans difficulté, de retourner vivre chez sa mère en banlieue parisienne.

Mais Pomme va se laisser dépérir, « ne voulant plus rien demander à un monde qui lui avait si peu donné », et finira à l'hôpital.
Et l'on verra le jeune Aimery poursuivre sa vie de solitude et de médiocrité.

Un roman d'une grâce froide et cruelle, mais celle-ci recouvre sous sa surface une tristesse sans nom.
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Petite Pomme...
Le livre où tu passe n'est pas bien épais, comme ton existence n' est pas compliquée.
L' auteur qui t'a mis au monde a réussi une sorte d' oeuvre littéraire aussi puissante qu' apparemment légère.
Petite Pomme,
Tu as rejoins le Panthéon du féminin en littérature, à ta manière, sans bruit et sans cris.
Tess d' Urberville te serrerait dans ses bras et chuchoterait: "Petite soeur".
L' infâmie dont tu es le jouet et la victime, a incrusté un gros morceau de chagrin noir dans mon âme de lecteur.
Petite Pomme,
Tu as pris forme humaine, grâce au jeu tout en justesse et retenue d'une grande actrice,
et mon chagrin s'est ravivé.
Petite Pomme,
J'aimerai t'imaginer un destin plus riant, que celui qui t' est assigné à la fin du bouquin.
Mais je ne puis, tant il est vrai que la dernière page tournée nous devons nous quitter.

Au revoir, Petite Pomme.
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"La dentellière" de Pascal Lainé est un roman que j'ai lu assez jeune probablement parce qu'il avait reçu le prix Goncourt en 1974. L'histoire de Pomme m'avait beaucoup marquée sans que je me souvienne précisément des détails de la vie de la jeune shampouineuse. Alors j'ai souhaité le relire pour le plaisir et j'ai bien fait.
Élevée par sa mère serveuse qui se prostitue à l'occasion pour joindre les deux bouts Pomme va grandir sans faire de bruit. du Nord de la France, la mère et la fille vont déménager en banlieue parisienne.
C'est à Paris que la jeune fille va trouver un emploi dans un salon de Coiffure. Elle est aussi discrète que Marylène est charmeuse et cette dernière va la prendre sous son aile comme une petite soeur et l'emmener en vacances à Cabourg.
Pomme va vite se retrouver seule et faire connaissance du timide Aimery de Beligné qui vient d'un milieu bien différent du sien. Pourtant, il sera son premier amour même s'ils ne sont jamais démonstratifs. le jeune étudiant partagera donc son studio parisien avec celle qui lui rend la vie simple, sans effusion, jusqu'au jour où il ne supportera plus sa transparence de dentellière.
C'est une belle image cette dentelle car Pomme est délicate derrière une apparente froideur. Elle ne dira rien et s'excusera même de leur rupture. Pourtant, elle qui aimait tant les gâteaux ne pourra plus rien avaler et si l'anorexie n'est pas citée c'est bien de cela dont il s'agit.
J'ai été très émue par cette lecture et la façon dont Pomme ne veut plus rien demander à un monde qui lui a si peu donné. Je garde donc une grande empathie pour cette jeune fille que j'ai l'impression de comprendre.
Quant à la fin de ce court et triste roman elle est aussi surprenante que subtile.


Challenge Riquiqui 2023
Challenge Coeur d'artichaut 2023
Challenge Multi-défis 2023
Challenge XXème siècle 2023
Challenge Goncourt illimité
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Un très beau roman que j'ai aimé lire adolescente (prix goncourt 1974) et dont le film en 1977 avec l'excellente Isabelle Huppert s'est montré pleinement à la hauteur .
Le personnage principal est une jeune fille provinciale apprentie coiffeuse surnommée Pomme (car elle mange des pommes au lieu de causer) , très silencieuse donc, peu cultivée et surtout issue d'un milieu défavorisé.
Elle rencontre un jeune intellectuel bourgeois dont elle s'éprend.
A cause du fossé social et culturel leur rencontre amoureuse ne pourra pas se transformer en avenir et Pomme va sombrer peu à peu dans la folie.
Pascal Lainé réussit à faire de la jeune femme un peu "terne" un personnage très attachant et comme auréôlée d'un secret.
L'écrivain accroche le lecteur en traduisant de façon très fine et beaucoup de psychologie une vie somme toute banale.
Un excellent livre que je recommande
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La dentellière
Pascal Lainé (né en 1942)
Prix Goncourt 1974
Pomme est une fille tout ce qu'il y a de plus commun. Coiffeuse ou plutôt shampouineuse dans un petit village du Nord, elle est une fille de rencontre à laquelle on s'attache le temps d'une soirée ou de quelques jours. La beauté et la paix que l'on peut trouver chez elle s'apparente à de la fadeur. Et pourtant, elle a la justesse des gestes, une présence rassurante et dense, un sens pratique apaisant même si elle n'a pas le pouvoir d'exprimer ses émotions. Sa mère crémière et occasionnellement catin lui ressemble et toutes deux s'entendent à merveille ayant le même jugement sur les hommes qui ont des montres et des chevalières en or et des gros carnets de chèques « qui leur permettent d'éventrer les filles pendant que leurs femmes se ménopausent tout doucement à la maison… » Sa mère est sa seule confidente, le seul témoin de sa vie diaphane, le seul juge dont elle sait interpréter les silences. La principale force de Pomme c'est de n'être pas apte à se blesser d'un événement qui normalement touche :
« Elle est de ces arbustes qui trouvent toute leur terre dans la fissure d'un mur, dans l'interstice entre deux pavés et c'est de sa végétalité qu'elle tient une vigueur paradoxale. »
Pomme, dix huit ans, est ronde d'une rondeur posée comme son prénom le dit, ronde et rose. Elle n'a pas à provoquer, elle n'a pas à s'offrir :
« Elle est naturellement offerte comme à cette âge les filles dont le corps n'a pas encore rajusté ses allures à toutes les éventualités…C'est le miraculeux instant de la vie où même les plus laides gamines resplendissent un peu du désir qui les traverse, qui se cherche en elles et que nulle connivence n'a su réduire. »
Amie un temps de Marylène sa collègue du salon de coiffure, elle admire le physique de celle-ci. Vivant ensemble dans un studio, Pomme a le loisir d'être confrontée à la nudité souveraine et princière de Marylène :
« Poitrine abondante, mais ferme, elle est somptueuse, orientale, moelleusement sculpturale, ripolinée d'huile solaire…Le style de Marylène c'est Juan-les Pins, les chemisettes transparentes et le relief du slip sous le pantalon… ». Tout ce que Pomme n'est pas !
Puis c'est la rencontre avec Aimery, un étudiant désargenté qui en fait sa maîtresse. . Pomme sait qu'elle n'est pas celle que Aimery attendait quoiqu'il la surnomme la dentellière de par la grâce de ses mouvements. Ce qui domine leur rencontre, c'est le silence :
« Il y avait quelque chose de poignant dans ce silence qui vivait à côté de lui. Exprimait-il seulement, mais avec une impressionnante, une presque brutale ingénuité, que les âmes sont des univers inéluctablement parallèles, où les embrassements, les fusions les plus intimes ne révèlent que le désir à jamais inassouvi d'une vraie rencontre ? »
Aimery souffre aussi de sa médiocrité personnelle et du silence et de la servilité de Pomme dont la quasi inexistence a un poids formidable. Paradoxalement, la présence de Pomme le fruste de son besoin d'elle. Car Pomme « est de ces âmes qui ne font aucun signe mais qu'il faut patiemment interroger, sur lesquelles il faut savoir poser le regard…Elles savent qu'elles sont de pauvres filles. Mais pauvres seulement de ce qu'on n'a pas voulu découvrir en elles. »
Aimery et Pomme iront-ils au bout du chemin qui semble s'ouvrir devant eux ? La force apparente de Pomme ne cèlerait-elle pas une faiblesse qui lui aurait été révélée par la fréquentation d'Aimery ? La suite de ce très beau et original roman baigne dans un érotisme léger et subtil mais in fine tragique et sans issue. le style est travaillé et parfaitement sculpté et le lecteur est pris à témoin comme faisant partie de l'histoire. Un petit joyau épuré de 175 pages.



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Un très beau roman, très touchant.
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Il arrive que le hasard nous conduise sur un livre qui nous renvoie comme un miroir vers notre propre vie...Découvert par hasard, "la dentelière" vient de m'atteindre en pleine réflexion sur mes préoccupations personnelles.!
Dans cet ouvrage, Pascal Laîné m'apparait comme un psychanalyste:
Aymery ne m'apparait pas comme le méchant.
Pomme et lui sont deux êtres qui se cherchent, chacun par rapport à leur mal-être.
Ce n'est pas violent, la vie intérieure de chacun est terriblement bien décrite.
j'ai beaucoup apprécié ce roman que je trouve intemporel. Je l'ai trouvé extraordinaire par sa justesse de ton et son écriture .






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J'ai beaucoup aimé ce tragique et pudique roman et de cette Pomme prisonnière d'elle même. Une belle écriture toute en subtilité. poignant
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Un livre dont le thème, en apparence banal (les amours ratées d'une jeune fille et d'un jeune homme "au-dessus de sa condition") est transcendé par une narration astucieuse et malicieuse qui s'explique grandement par le dernier chapitre, surprenant et, pour tout dire, bouleversant à mes yeux, par un humour et une profondeur qui se conjuguent, par les tentatives toujours répétées de percer le mystère "Pomme", en apparence ronde et sans aspérité, mais nullement vide.

La description de la cérémonie du mariage dans un milieu simple (mais non misérable) vaut son pesant d'or…
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