En sortant du restaurant, Marguerite tressaille.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- J'ai aperçu un confrère de mon mari. Il se redresse, écarte ses grands bras et dit en riant:
- Je suis votre paravent.
- Je le connais, s'il me voit avec vous, tout Maisons-Laffitte le saura dans trois jours.
Son air de petite fille prise en faute émeut Marcel. Et c'est là qu'il l'embrasse pour la première fois. Un mardi d'avril, à Collioure, sur la Côte Vermeille.
- Vous avez vu le programme du jour ? Les activités sont réduites aujourd'hui... J'ai l'impression d'être un rhinocéros en semi-liberté...Et si je vous emmenais ?... Mettez des baskets, prenez votre écharpe, je m'occupe de tout.
- Je ne peux accepter.
- Qu'est-ce qui vous arrête ?
Elle fixe l'étiquette du pot de confiture.
- Vous êtes malade en voiture ?
- Non, mais on se connaît à peine.
- Nous avons parlé du ciel et de nos enfants, ça ne suffit pas, madame ?
Ces vieux en peignoirs éponge blancs qui flottent comme des fantômes dans les couloirs, gobelets d'eau à la main, l'accablent. Secrets de jeunesse, tu parles ! Moyenne d'âge soixante-quinze ans. Et la question clé que tout le monde pose à tout le monde: "Comment s'est passée la nuit ?" La boucle est bouclée, ils sont redevenus des bébés au sommeil capricieux.
Seul il végète.Il a besoin d'être deux,c'est l'autre qui l’enracine.
En avril, la belle lumière compte ses heures et chacun recherche ses bienfaits.
Elle est partie pour toujours, il s'est levé chaque matin, il a continué à respirer. Il n'est pas mort de lui survivre.
Le bonheur est plus bruyant quand il est partagé.
Se mettre en route le matin, dérouiller les articulations, se lever, se laver, s'habiller, se préparer à manger, tout prend plus de temps. Il faut accepter d'être diminué, avoir le courage d'un autre rythme. (pp.180-181)
Que vont-ils faire d'elle? Va-t-on la déposer un matin sur le trottoir, le jour où les éboueurs ramassent les encombrants? (p. 34)