Les patients portaient tous une blouse claire, taillée dans un tissu à l'imprimé très moche, rappelant celui des sièges de la RATP, des coquillettes écrasées dans des couleurs pas franches...
Dernier costume avant le linceul.
Je m'ennuie rarement, mais je ne juge pas la vie de tous les jours si intéressante avec son cortège d'emmerdements et de machines à laver à faire tourner.
Parler de sa mort, donc de la façon dont il a choisi de se la donner, est tabou. C’est la double peine, silence et silence. Parfois, on croirait même qu’il a commis une mauvaise action. Ceux-là même qui se gargarisent avec leur liberté, revendication que j’ai toujours trouvée un peu louche – liberté de quoi? de tromper sa femme? D’humilier ses collègues?-, ceux-là mêmes ont l’air de trouver suspecte la liberté ultime d’en finir avec la vie.
Quand mon frère a-t-il chaviré ? Mué de Petit Prince en roi mélancolique ? Existe-t-il un point de rupture ou le découragement a-t-il envahi ses veines en douce ? Lorsqu'un médecin mettra enfin un nom sur la maladie qui lui pourrit la vie jusqu'à la moelle, il nous expliquera qu'à l'adolescence elle n'est en général pas diagnostiquée parce que ses symptômes se confondent avec le mal-être propre à cet âge : estime de soi fluctuante, idées sombres, angoisses.
(p.93)
J'aimerais t'imaginer taguant l'horizon, transformant les nuages en têtes de mort, mais je n'y arrive pas.
Je me souviens d'une jeune fille pesant trois plumes, quatre os. Et les autres malades, pierres qui roulaient dans tous les mauvais sens.
Il n'y avait rien à faire ici, c'est curieux, un endroit où il n'y a rien à faire aujourd'hui.
Les passants ont des gueules d'occasion.
Je suis une femme préhistorique, j'habite le papier.
Notre famille nous a fabriqué taiseux, cette incapacité à exprimer des sentiments intimes complique pas mal les relations humaines, mais c'est ainsi.