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Très beau livre mêlant le romanesque et l'historique racontant un épisode oublié et peu glorieux de l'histoire coloniale : les habitants des îles Chagos (océan indien) sont expulsés sans ménagement vers l'île Maurice où ils vont croupir dans un bidonville tandis que leur terre d'origine devient une base militaire américaine.
Un roman passionnant et bouleversant porté par le personnage de Marie Ladouceur qui symbolise la douleur et la colère de son peuple.
Ce livre est une réussite, j'ai beaucoup aimé
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Comme bien des lecteurs, j'attendais impatiemment ce roman. Comme bien des lecteurs en effet, j'avais été bouleversée par Et soudain la liberté, au point d'avoir alors envoyé à Caroline Laurent quelques mots pour lui dire l'admiration et l'émotion que j'avais ressenties à sa lecture, lui dire combien j'avais été impressionnée par la force de son héroïne, mais aussi par la manière dont elle était parvenue à mener ce projet à bien, elle qui en était l'éditrice, mais qui en avait repris l'écriture pour tenir la promesse qu'elle avait faite à l'auteure, Evelyne Pisier, prématurément décédée.
Caroline aurait néanmoins pu renoncer devant la difficulté de la tâche... Pas le genre de la maison, comme je m'en apercevrais par la suite, en tissant avec elle des liens d'amitié. Elle aurait pu aussi se contenter de bricoler le texte en tâchant de se faire oublier, courant alors le risque de proposer un livre fade, au caractère d'inachevé... Au lieu d'escamoter ce rôle inattendu de co-auteure, elle choisit au contraire d'apparaître au grand jour, faisant ainsi éclore un talent qui ne demandait sans doute qu'à s'exprimer.

Evelyne, cette femme solaire, a légué à Caroline un flambeau qui lui a permis d'aller chercher en elle les mots propres à nous transmettre une histoire qui lui est chère. Une histoire qu'elle porte en elle depuis sa plus tendre enfance. L'histoire d'un pays perdu, où avait jadis vécu sa mère. Une histoire violente et cruelle, de celles que l'Histoire avec un grand H n'en finit pas de nous jeter au visage. Une histoire d'autant plus douloureuse pour ses victimes qu'elle vint se fracasser contre le silence et l'indifférence du monde.

1968. L'île Maurice accède à l'indépendance après des années de gouvernance britannique. Mais cette souveraineté a un prix. Les Chagos, rattachées à Maurice, resteront sous domination anglaise. Dans un contexte international plus que sensible, la couronne veut conserver ce petit archipel occupant dans l'océan Indien une situation stratégique. du jour au lendemain, les habitants sont priés de tout quitter : leur île, leur habitation, leurs animaux... Ils ont une heure pour rassembler leurs maigres affaires et embarquer vers l'inconnu.

Parmi eux se trouve Marie Ladouceur, avec ses enfants Suzanne et Joséphin, qui n'est encore qu'un bébé. A Maurice, personne n'attend les Chagossiens. Ils sont relégués dans des bidonvilles, réduits à récolter la canne à sucre pour gagner un salaire de misère.
La plupart d'entre eux ne savent ni lire ni écrire et doivent apprendre les règles d'un monde dont ils ignorent tout, eux qui vivaient de leurs propres ressources et du troc, sur des îles où n'existaient ni acte de propriété ni acte de naissance ou de mariage. Dans ces conditions, il sera si facile pour l'Angleterre de les berner lorsqu'ils voudront faire reconnaître leurs droits...

D'hier à aujourd'hui, à travers l'histoire d'une femme déracinée mais déterminée, Caroline nous présente le destin d'un peuple auquel tout fut arraché et dont pourtant la plupart d'entre nous ne savons rien. Conjuguant le souffle romanesque avec les exigences d'une scrupuleuse rigueur documentaire, elle dévoile la violence et l'ignominie d'un effroyable épisode historique. Mais en ponctuant son récit des souvenirs et des réflexions de Joséphin devenu adulte, elle révèle combien le combat de ce peuple reste vivace. Tout comme Joséphin reprenant à son compte la colère de sa mère, les Chagossiens demeurent en effet déterminés à faire reconnaître leurs droits, n'hésitant pas à porter leurs revendications devant la cour internationale de la Haye, où Caroline les a d'ailleurs accompagnés.

Avec ce roman, elle nous donne ainsi accès à l'envers d'une carte postale paradisiaque que nous croyions connaître. Gageons qu'au-delà de l'émotion de la lecture, ce récit donnera aussi un écho plus large au légitime combat des Chagossiens.

Lien : https://delphine-olympe.blog..
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48h...C'est le temps qu'il m'a fallu pour lire ce roman.
J' avais du mal à décrocher.
Tiré d'un fait réel, romancé, ce drame historique méconnu nous plonge en 1967 lorsque l'île Maurice accède à l'indépendance. La Grande-Bretagne lui a racheté l'archipel Chagos pour en faire une base militaire. Les habitants ont été évacués rapidement et emmenés à Maurice dans des bidonvilles. Une histoire d'amour d'un paradis perdu, de l'exil et de la lutte acharnée de ce peuple pour retrouver sa dignité et ses droits .
Ce roman est magnifique, passionnant et poignant. ❤❤❤
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Chaque roman est nécessaire. Pour le plaisir de la lecture, pour l'évasion, pour l'immersion dans des personnages. Mais aussi pour apprendre et sensibiliser. C'est le cas du dernier opus de l'écrivaine et éditrice Caroline Laurent qui libère un long silence, un trop long silence dans l'effroyable assourdissante déportation des habitants de l'atoll de Chagos vers l'ile Maurice au début des années 70. Les natifs de cet archipel de l'océan Indien n'ont jamais pu retrouver leurs terres, ils ont été volés, chassés, humiliés sans que la communauté internationale se soulève pour dénoncer cette expulsion sauvage dans le but de construire une base militaire américaine.
A la fin du XX° siècle, des Chagossiens tentent divers recours en justice contre le gouvernement britannique mais le chemin est long. Et même si quelques avancées ont eu lieu en 2019 comme l'annonce de l'occupation illégale, ce crime contre l'humanité n'est pas encore reconnu à juste titre.

L'histoire tourne autour de Marie, mère célibataire d'une petite fille qui, loin d'être riche, est heureuse de vivre sur cette terre, la terre de ses ancêtres souvent esclaves. Elle est très proche de sa soeur Josette qui vient juste de se marier. Marie est très belle et lorsque débarque Gabriel, un élégant et séduisant Mauricien, elle ne cesse de le regarder. Lui aussi tombe amoureux de la jeune femme. Mais secrétaire du gouverneur, il signe des papiers et connait la situation qui va en découler : l'expulsion des autochtones vers Maurice sans aucun billet de retour possible. le couple va être séparé par la force des choses et il faudra du temps pour que Marie pardonne le mutisme de Gabriel. Car, les conditions d'expulsion vont être terribles, barbares et c'est dans un bidonville de puanteur et de baraques en bois pourri que les familles vont trouver refuge pour le pire. de l'union de Marie et Gabriel va naître un petit Joséphin qui sera l'un des protagonistes pour porter devant le tribunal international de la Haye cette injustice d'un peuple exilé dans les plus viles conditions.

Difficile de raconter un tel foisonnement scriptural autour de ces vagues d'injustice et de la déchirure de tout un peuple. L'auteure a réussi en un seul récit à faire entrer dans les yeux du lecteur toute la souffrance de l'exil, de l'abandon de soi-même pour un inconnu aux griffes acérées et, en même temps, à dresser un superbe portrait de femme qui malgré les décharges de drames continuera à garder la tête haute et à lutter. Avec son fils comme moteur de vie.

Une lecture qui écorche, des mots qui tranchent, claquent, fouettent dans cet ouragan livresque pour emporter le silence et faire du bruit sur une aphonie collective.

Un roman superbe pour rendre hommage aux victimes de la violence de l'inhumanité.
Lien : https://squirelito.blogspot...
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Il y a des écrits et des histoires qui vous bouleversent… Cette histoire m'a serré le coeur, tordu les intestins, et m'a touché jusqu'à mon âme. Cette histoire, ce n'est pas seulement celle de Marie-Pierre et de Gabriel, c'est l'histoire d'un peuple, l'histoire de mon peuple.

Les mauriciens connaissent bien l'histoire de Diego Garcia…

Diego Garcia faisait partie d'un archipel d'îles, les Chagos : quelques grains de sable dans l'océan indien, un goût de paradis terrestre, une vie simple qui s'écoule au rythme de la nature et du séga que l'on danse le soir sur plage. L'argent ne circule pas, les vivres arrivent par bateau, les habitants veillent les uns sur les au
tres.

Les Chagos étaient annexés à l'île Maurice, lorsque cette dernière était une colonie britannique. Seulement voilà, dans les années 60, Maurice négocie dans l'ombre son indépendance, pendant la vague de décolonisation. Des pots de vin auraient été alors versés par le futur gouvernement mauricien aux autorités britanniques afin d'échanger les Chagos contre l'indépendance de l'île Maurice. Une fois les Chagos aux mains du Royaume-Uni, les anglais décidèrent de céder l'archipel aux Etats-Unis pour en faire une base militaire.

Et un beau matin, les chagossiens ont vu débarquer sur leur île des militaires, qui leur ont signifié, fusils à la main, qu'ils avaient une heure pour rassembler leurs affaires sans autre explication. Les chagossiens ont été déportés par bateau à Maurice et aux Seychelles. On les a parqués comme du bétail, on les a débarqués sans argent, sans nul part où aller, laissés à l'abandon des bidonvilles, dénier le droit d'avoir une nationalité.

« Rivage de la colère » sonne comme un cri de révolte, de colère, de passion, de désir de justice. Un collectif de chagossiens demande aujourd'hui réparation à la justice. En mai 2019, la Cour internationale de justice a rendu un avis favorable aux chagossiens estimant que le Royaume-Uni avait illicitement séparé l'archipel des Chagos de Maurice. Cet avis n'ayant qu'une voix consultative, le combat continue.

Merci à toi Caroline, de donner la voix à ceux que l'on n'entend pas, aux touts petits, aux faibles, à ceux dont on a préféré étouffer la souffrance, aux minorités qui dérangent, à ceux dont on a volé la terre… le combat des chagossiens est leur raison de vivre, ton livre est ma raison de lire…

J'ai refermé le livre les larmes aux yeux, débordante d'émotions, et soudain en moi, ont résonné les paroles d'une chanson bien connue de tous les mauriciens : « mo bien sagrin nou fine perdi ène zoli ti zil…. »


Lien : http://mademoisellechristell..
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C'est avec plaisir que j'ai retrouvé la plume de Caroline LAURENT et c'est avec un fort sentiment d'injustice que j'ai refermé son roman !

A travers RIVAGE DE LA COLERE et grâce à la littérature, l'auteur met en lumière la tragique histoire et l'engagement des Chagossiens, habitants de petits atolls au large de l'île MAURICE , modestes confettis sur les cartes mais véritable combat pour leurs habitants dépossédés de leur terre et de leurs traditions .....

A la lecture du roman de Caroline LAURENT comment ne pas penser aux îles BIKINI et ces autres territoires minuscules et souvent insulaires dépeuplés par la force et utilisés à des fins militaires, comment ne pas s'insurger devant tant d'injustice et de totalitarisme ?

A mi-chemin entre la fiction et le documentaire, Caroline LAURENT mêle avec intelligence la petite histoire à la grande Histoire méconnue de ces îles minuscules de CHAGOS et elle pointe le doigt sur ce petit bout de terre, théâtre d'une tragédie humaine.

Le roman de Caroline LAURENT nous retrace la vie de Marie-Pierre LADOUCEUR, jeune femme chagossienne charismatique, éprise de justice et spoliée de son paradis natal qui n'aura de cesse de lutter pour retrouver sa terre et de survivre à la tragédie que vit son peuple. Evidemment, cette héroïne meurtrie autant dans son coeur que dans sa chair et son destin terrible émeuvent autant qu'ils révoltent.

La voie de Joséphin, fils de Marie-Pierre, qui milite et poursuit encore aujourd'hui le combat de sa mère apporte une résonnance actuelle au récit historique des événements qui ont conduit les chagossiens à quitter leur île. A travers ses mots, c'est toute la résistance de ce peuple meurtri qui résonne.

Sans jamais tomber dans le pathos, la romancière met en lumière la destinée du peuple chagossien tout en proposant une fresque romanesque flamboyante et passionnante dont les personnages inspirés du réel forcent l'admiration.

Caroline LAURENT nous incite à nous pencher sur ce petit bout de terre de l'Océan indien qui lui est cher, elle nous fait embrasser la cause de ses habitants . Son roman est si bien mené et la cause qu'elle défend si juste, qu'au terme de notre lecture, l'empreinte de cette tragédie est telle sur nous, lecteurs, que le slogan "Nous sommes tous des Chagossiens" nous brûle les lêvres !



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C'est le récit d'un fait historique ignoré, d'une injustice.
L'histoire d'un combat, de luttes, la chronique d'une révolte, de l'exil.
L'odyssée d'une culture, le souvenir des ancêtres.
Un portrait de femme.
L'île Maurice… Goût de paradis terrestre me direz-vous ?
Elle accède à l'indépendance en 1967, la Grande-Bretagne lui a rachetée un archipel, Diego Garcia à quelques milliers de kilomètres en prétendant que ce dernier était inhabité. Il servira de base militaire américaine dans l'océan indien.
En réalité, un embargo se met en place jusqu'à ce jour de 1970 où ses habitants, les Chagos qui doivent leur nom à un navire et une souffrance, doivent évacuer leur île en à peine une heure.
Ils seront ensuite envoyés dans des bidonvilles comme le camp Charrette, expression de la perte de leur culture, de leur identité, perdus dans leur détresse.
Joséphin est le narrateur. Il va mener la lutte exhortée par sa mère, Marie, une femme libre et sauvage.
Il raconte l'histoire de Marie Ladouceur, chagossienne, de Gabriel, venu de l'île Maurice, et de leur fils, Joséphin.
J'avoue apprécier l'écriture comme éveilleuse de conscience. Ce roman est un appel à la révolte et abonde d'humanité et de lumière. C'est une très belle fiction qui revêt la forme d'un documentaire instructif.
Le 25 février 2019 la Cour internationale de justice de la Haye a estimé que le Royaume-Uni devait restituer l'archipel des Chagos à l'île Maurice. Cependant le combat continue car cet avis n'est que consultatif.
Si tout comme moi, vous méconnaissiez cette histoire, n'hésitez pas à vous jeter dans ce beau roman.
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Voici l'histoire d'un déracinement et d'un paradis perdu.

Ceux du peuple d'un petit archipel de l'Océan Indien vidé de ses habitants pour que s'y installe une base militaire anglo-américaine.
Quand l'Île Maurice accéda à son indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne en 1967, les îles Chagos furent sacrifiées, vendues aux anglais par le nouveau gouvernement. Les stratégies politiques internationales les vidèrent manu militari de leur population souvent analphabète, au mépris de toute humanité, abandonnant des familles dans les bidonvilles de Maurice, sans aucune contrepartie.

Une rapide recherche sur internet fait apparaître le combat de 50 ans pour les déplacés revendiquant leur appartenance au sol et leur légitime reconnaissance de sinistrés pour raisons d'Etat. Fin de non-recevoir pour l'instant, en dépit du soutien de L'ONU.

Rien de mieux qu'une fiction romanesque pour évoquer cette page méconnue de la décolonisation.
Avec des personnages attachants, une solide documentation et un sens aigu de la dramaturgie page après page, Caroline Laurent partage l'histoire d'une injustice, avec la légitimité de ses propres racines familiales. Un excellent livre porté par l'amour, la fidélité et la persévérance, où s'évoquent l'exil et la révolte.

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Qu'en ai-je pensé immédiatement?

Révolte, c'est le mot qui me vient d'emblée en refermant ce roman.
Je suis révoltée de ne rien savoir de cette partie de l'histoire qui débute en mars 1967, un jugement a eu à La Haye en février 2019 et le combat continue encore aujourd'hui il suffit de faire quelques recherches sur internet pour s'en rendre compte.

La genèse du livre

Caroline Laurent écrit ce livre pour sa mère et tous les Chagossiens en exil.
C'est sa mère qui lui racontait, enfant, l'histoire de ce peuple insulaire.
La genèse de ce livre c'est des souvenirs de son enfance :

» C'est une histoire que me racontait ma mère. Pas un conte pour enfants ni une fable, non, une histoire vraie, qu'elle grattait de temps en temps comme une vilaine plaie. Une tragédie insulaire. Les mères connaissent les berceuses et les sortilèges. Parfois aussi, d'une lumière dans le regard, d'une fêlure dans la voix, elles se trahissent. L'enfant devine un secret. Perçoit la colère. En grandissant, les contours se précisent, s'affirment jusqu'à devenir parfaitement nets : ce secret, c'est celui d'une souffrance. D'un arrachement. Une fille ne laisse pas sa mère souffrir. Alors elle écrit. »

Te rends-tu compte ?
Que ferais-tu si, un jour, un détachement de soldats te délogeait du seul endroit que tu as connu sans aucun retour possible ?
Ces hommes, femmes et enfants ont été traités pires que du bétail.
Sacrifiés sur l'hôtel du capitalisme.
Un accord secret entre les États-Unis et l'Angleterre au milieu de l'indépendance de Maurice.
Un archipel, colonie des Anglais : l'archipel des Chagos.

Honnêtement je n'en avais jamais entendu parler. J'aurais dû pourtant. 25 février 2019. La Cour de la Haye rend son avis consultatif. Consultatif !





Le roman et son intrigue

L'histoire dramatique de Chaos débute en août 1967. Ramgoolam devient le premier dirigeant de la Répulique Mauricienne. Après 157 ans de présence coloniale britannique. L'archipel des Chagos dépend de Maurice, il sera sacrifié sans que les Chagossiens le sachent. L'indépendance de Maurice est à ce prix, que Chagos reste aux mains des Anglais.
Dont Diego Garcia, que les Anglais ont loué aux Américains pour cinquante ans reconductibles. Un projet de base navale était à l'étude. 3 millions de livres en échange de Chagos. Les îlois, eux, n'auront même pas un logement correct. Rien. Ni école ni information. Rien !

Caroline Laurent explique la situation des îlois en mêlant une magnifique histoire.
Celle entre Marie, née à Diego Garcia et Gabriel, né à Maurice.
Elle nous entraîne au gré des périodes de l'Histoire, des rebondissements de l'histoire de ses deux héros.
On apprend leur culture, celle de cet archipel et celle de Maurice.
Le clivage toujours existant entre les différentes ethnies cohabitantes sur l'île. Hindous, catholiques, chinois et musulmans. le métissage qui est encore très mal perçu dans certaines familles.
C'était une immersion totale dans cette langue qui chante.
J'ai lu au rythme des tambours et des ravanes.

Comme pour « Et soudain,la liberté » l'auteure m'a envoûtée.
J'étais pieds nus à côté de Suzanne, Josette, Angèle, Marie-Gros-Pieds.
J'entends le son produit par les coupe-coupe, le bruit du ressac. l'odeur du coprah.
J'entends ce cri de nouveau-né puis ces pleurs qui m'ont déchiré le coeur quand on vient les déraciner, les emmener loin de chez eux.

Que fait un arbre sans racines ? Il meurt.
Ce ne sera pas le cas de Marie.
Toujours le poing brandi, elle veut qu'on lui rende Diego. Diego qu'on lui a enlevé à elle et à tous les natifs.

En résumé :

Une lecture envoûtante et déchirante une histoire véridique et une fiction basée sur des faits réels révoltants.
Comment le monde a-t-il pu laisser faire ?
Comment le monde laisse-t-il encore tout passer sous silence ?
Je me dis aussi ce soir, en écrivant cet avis à chaud, combien d'histoires ne connaissons-nous pas.
Combien de tragédies sont ignorées par et pour les politiques actuelles ?

C'est à ça que servent les livres, ce livre est un témoin, un passeur d'histoire.
Un roman à lire pour le devoir de mémoire. Une mémoire pleine de ces déchirants événements,dont on ne semble tirer aucune leçon d'humanité.
L'histoire d'un peuple volontairement oublié, chassé, anéanti. Ils n'ont plus rien juste leurs voix à faire entendre.





« Je me souviens des couleurs. le reste, vidé, oublié. le soleil descendait dans la mer et la mer n'était plus bleue, mais orange. le rouge des femmes. le noir de la cale. Nos peaux tassées. le gris cendre d'un chien. Je me souviens du vert, du beige et du kaki. Et au milieu de tout ça, les pleurs de ma mère. »

Marie, l'héroïne du livre

Marie, femme forte, libre. Marie, femme lumière. Femme ardente. Ensorcelante. Dès le début, on s'y attache à cette héroïne. Une femme toujours digne même quand elle devra laisser sa plage bien aimée pour les bidonvilles de Maurice. À Maurice rien n'est prêt pour les accueillir. Ce sont les oubliés, les laissés pour compte.
Marie tellement fière de son amour pour Gabriel, le Mauricien, de leur fils, Joséphin. Joséphin qui se fait narrateur de temps en temps. Il nous raconte son voyage vers La Haye.

« Je dirai aux juges d'où je viens. Je leur parlerai d'un pays qui laissait vivre ses enfants, qui ne les affamait pas, qui respectait leur mémoire. Mon pays volé. Je leur ferai entendre la fêlure dans la voix de ma mère. Je leur dirai pourquoi ma vie n'est pas de vivre, mais seulement de me battre. Pas une vie gâchée, non. Une vie donnée. Dédiée. Je lutte depuis le premier jour. C'est inscrit en moi.

Les vagues s'échouent sur la plage, elles vont et viennent en emportant tout. Mon coeur aussi.

Je voudrais t'en dire tant et plus, tellement cette histoire m'a bouleversée, mais je voudrais que tu la découvres par toi-même, au gré des événements historiques qui ont eu lieu et pourquoi les Chagossiens n'ont toujours pas récupéré Diego Garcia et Peros Banhos.

« La religion comptait beaucoup. On faisait nos prières et souvent, avec ma soeur et les petits, on allait fleurir la tombe de nos ancêtres, surtout celle de ma mère. « Quand on a été forcés de partir, on a perdu nos biens matériels et immatériels ; on a perdu nos emplois, notre tranquillité d'esprit, notre bonheur, notre dignité, et on a perdu notre culture et notre identité. »

Le livre

C'est un roman qui se lit comme un conte, une fable cruelle, mais elle n'a rien d'inventé.
Caroline Laurent rend une part de lumière à une population qu'on a voulu laisser dans le noir. Dans l'ignorance la plus totale.

Roman de l'amour. Roman de révolte. Roman des oubliés. Roman de l'espoir. Roman profondément humain. Roman lumineux. Roman bouleversant. Roman des déracinés. Roman révoltant, mais tellement important. On ne pourra plus dire qu'on ne savait pas.

« Ils savaient et ils se sont tus. Ils pouvaient aider, et ils ne l'ont pas fait. Ils ont asséché les corps et les esprits. Leur indifférence était un crime. Les puissants, Maman, ces ombres fantomatiques qui hantent les palais. Des hommes qui dorment la nuit sur leurs deux oreilles. Des serviteurs de l'État. Des têtes couronnées. Nos seules couronnes à nous étaient celles de nos morts. »

Mon premier coup de coeur 2020.

Je n'ai pas la beauté des mots de l'auteur pour te donner mon avis, je t'écris mon émotion, mon ressenti brut juste après la lecture.

Merci Caroline Laurent d'offrir un pays vaste et immense à ces apatrides, leur prêter la voix pour que nous puissions hurler à notre tour cette injustice du XXIe siècle. Les Chagossiens sont désormais en moi, ils seront en chacun des lecteurs.






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Dans cet émouvant roman Caroline Laurent se fait le porte-parole des oubliés de l'île Diégo Garcia de l'archipel des Chagos près de l'ile Maurice. Ses personnages sont inventés mais leur vie est basée sur celle de véritables Chagossiens. Quand Maurice a cédé l'île aux Anglais pour que les Américains en fassent une base militaire les habitants ont été dégagés sans ménagement pour atterrir dans un bidonville de Maurice.
Josephin connaît bien le désarroi et la colère de sa mère et a suivi son combat. Il reprend le flambeau de ses luttes pour la dignité. Il espère pouvoir faire entendre la voix des Chagossiens à la Haye. Effectivement, l'an dernier ils ont été entendus mais jusqu'à présent il n'y a pas eu d'avancée significative de la part du gouvernement britannique.
C'est souvent grâce à la fiction que nous entrons dans l'Histoire et Caroline Laurent s'y entend très bien pour nous y emmener. C'est peut-être un tout petit peu trop romancé pour moi, mais ce récit à le grand mérite de m'avoir fait connaître un pan totalement inconnu de moi et assez peu reluisant de la décolonisation à l'autre bout du monde.
Malheureusement je n'ai pu assister à la rencontre dans les locaux de Babelio pour cause de grève de RER!
Merci à Babelio et aux Éditions les Escales
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