Dès la première page, j'ai été transportée sur les ilots paradisiaques de l'Archipel des Chagos. Fermez les yeux et imaginez une plage immaculée bordée de cocotiers, un beau lagon aux eaux turquoise et transparentes.
Là, résident, quelques familles, descendant des esclaves déportés de Madagascar, vivant paisiblement et dignement, en accord avec la nature, de la pêche et de la culture du coprah issu de la noix de coco.
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Préservé de la civilisation moderne, ce bel endroit aux allures de carte postale va être le théâtre d'un drame.
Nous sommes en 1967, la vie des Chagossiens est rythmée par la vie à la plantation et l'arrivée de bateaux de ravitaillement apportant des denrées de première nécessité et parfois quelques visiteurs. Ils ne s'inquiètent pas des envies d'autonomie de Maurice, et ne se préoccupent pas non plus des manoeuvres politiques, de la corruption et sont loin de se douter que leur destin est en train de jouer et virer au cauchemar.
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Le 7 août 1967, l'île Maurice devient indépendante par referendum, après 157 ans de colonialisme britannique. Mais l'indépendance est conditionnée au détachement de l'archipel des Chagos. Ces petites îles restent donc propriété du Royaume-Unis qui vont louer le territoire des Chagos, vierge de tout habitant, pour une période de cinquante ans renouvelable aux Etats-Unis qui veulent y implanter une base militaire !
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En 1971, par une magnifique journée, les Chagossiens, sans aucune explication, sous la menace armée de soldats anglais, vont être sauvagement arrachés à leurs terres, leur maison, leur identité, leur culture, leurs chers disparus.
Caroline Laurent retrace cet épisode méconnu de la décolonisation à travers l'histoire tragique et émouvante d'une famille chagossienne dominée par la personnalité de Marie, une jeune femme rebelle et attachante. Chaque tête de chapitre s'ouvre sur une date et des moments heureux ou plus sombres de sa vie. C'est un roman féministe qui laisse la place à des destins de femmes fortes.
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Comme Marie, j'ai ressenti tout au long du roman la peur, l'incompréhension, l'injustice, la colère. Comment ne pas être révoltée lorsque les îlois, hommes, femmes, enfants, seront jetés dans les cales d'un navire, comme au XIXème siècle lorsque les esclaves noirs étaient envoyés en Amérique dans des bateaux négriers, et qu'ils seront abandonnés à Port-Louis sans aucun soutien ?
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Rivage de la colère » est un cri de douleur et de rage face au déracinement d'un peuple.
Je ne connaissais pas l'histoire des Chagossiens et c'est donc révoltée que j'ai suivi leur combat pour retrouver leurs îles. de nombreuses années de procédures judiciaires et d'actions pour que leurs revendications soient reconnues comme légitimes.
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Nourrie par sa propre histoire, l'autrice signe un beau roman bien documenté qui parle d'amour, de souffrance, de doute, d'espoir, d'exil, de perte identitaire, de courage, de lutte, de droit, de justice. Une histoire poignante à découvrir.
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"Tout n'est pas à vendre. On n'achète passa la dignité. On n'achète pas un pays. On n'achète pas l'âme ou la foi. Certains choses sont sacrées et doivent le rester."