47, c'est le nombre de cordes que possède une harpe. C'est aussi celui des défis que doit remporter Ambroise Kaya, un jeune harpiste désargenté, pour remporter la harpe de ses rêves. Ces challenges lui sont imposés par Francesca Forabosco, une célèbre cantatrice aussi fantasque que mystérieuse. Francesca, ou bien Elisa, ou encore Thomas ? En effet, on ne sait rien de cette créature métamorphe, qui a jeté, sans que sur ce point non plus on ne sache grand-chose, son dévolu sur cet Ambroise, jeune homme ténébreux et renfermé, aussi expressif qu'un placard. Souhaite-t-elle le torturer ? A-t-elle d'autres intentions à son égard ? Voire des sentiments, comme on semble le percevoir à la lecture de cette bande dessinée troublante ?
La rencontre d'Ambroise et du métamorphe a lieu dans un univers de bord de mer assez indéfinissable qui ne m'a pas permis d'avoir des repères, et qui m'a à ce titre assez désorientée (l'histoire étant étrange, j'avais peut-être besoin de me raccrocher à quelque chose…). On ne sait pas où on se trouve, le lieu ressemble un peu à la Riviera française, l'Italie ne semble pas loin. Disons que c'est une ville avec un opéra, où Ambroise tente de faire sa place. Pas facile quand on est aussi peu à l'aise socialement que lui ! Au moins est-il aidé par sa soeur, Zahidé, et les amis de celle-ci, le groupe des quotas, composé de Charlène et Lucien, la personne de petite taille et le drag queen, qui travaillent aussi dans cet établissement.
Mais revenons à cette traque d'Ambroise par la métamorphe, espèce de harcèlement ou de jeu du chat et de la souris : si cette dernière a des pouvoirs surnaturels, elle semble incapable dans un premier temps de séduire Ambroise ; tandis que si celui-ci accepte les défis dans un but intéressé au départ, il ne tardera pas à se prendre au jeu, qui exige sans cesse de lui un certain dépassement de ses limites, aussi bien sociales que musicales. Se met donc en place entre eux une relation spéciale, qui semble plus tenir pour moi d'échanges entre maitre et élève, d'un certain mécénat, que du masochisme (certaines épreuves étant quand même assez hard psychologiquement). Mais pour autant cette relation reste quand même assez trouble, et c'est ce qui fait le sel de cette histoire.
Timothé le Boucher réussit, avec ce premier volume, une série au parfum vénéneux assez déroutant et intriguant. Je ne suis pas certaine d'avoir aimé son dessin, qui ne m'avait pourtant pas dérangée dans «
Ces jours qui disparaissent ». Mais ici, il est au service d'une histoire vraiment particulière, aux décors qui le sont tout autant, allant de parties fines d'une mystérieuse organisation aux voyages en Italie en passant par l'opéra. Une fin brutale en plein milieu d'un cliffhanger m'aura suffisamment frustrée pour que j'ai envie de lire la suite !