Tréguier s'inquiéta.
- Ils vous battent ici ?
Blondeau se demandait si le nouveau se foutait de lui.
- Quand les "gaffes" se mettent à trois, quatre sur un gniard et qu'ils le roulent à coups de godasses, si t'appelle pas çà être battu, alors, y nous battent pas. J' sais pas comment ils te traitaient dans ton orphelinat, mais ici, tu vas en baver. Serre les dents et évite les emmerdements. Y vont t' faire chier. C'est le poing qui fait la loi ici...Rien d'autre.
Tréguier frissonna. Son angoisse le reprenait.
Tirés de faits réels,
Les hauts murs de Auguste le Breton fait référence aux bagnes pour enfants. Pour de simples fortaits, des enfants se retrouvaient placés en orphelinat, sous l'oeil acide de gardiens, gourdin en main, prêts à sanctionner au moindre écart. Après une tentative d'évasion, Yves Tréguier se voit transféré dans la colonie pénitenciaire de Belle-île-en-Mer dans le Morbihan. Dès son arrivée, il va vite comprendre que l'orphelinat était le paradis en comparaison de ce qui l'attend dans cet enfer, sous l'emprise de tortionnaires. Il y fait la connaissance de Blondeau et de son rival, Molino, connu pour ses abus sur les plus jeunes. le Rat et le Rouquin font également partie des groupes, ainsi que le jeune " Fil-de-fer " que le désespoir pousse à la pendaison. Dans ce lieu de vie, la terreur est omnis présente. Celle des gardiens, mais également des pensionnaires entre eux, animés par une haine farouche à force de mauvais traitements.
Yves Tréguier devra serrer les dents, jusqu'à sa majorité. Durant six années, il encaissera dans cette existence d'emmuré. Il laissera déferler des vagues d'insultes, de coups, Il courbera l'échine mais il aura le dernier mot pour gagner sa liberté.
Un roman dur, poignant, dans lequel les émotions du jeune Yves Tréguier se ressentent parfaitement. Les lieux de vie donnent froid dans le dos. le réfectoire, mais surtout le dortoir glacial, dans lequel les pensionnaires dorment sur des planches, en guise de matelas. Sans oublier le surveillant alcoolique, incapable d'effectuer correctement son travail et de protéger les plus jeunes de Molino, le cauchemar de leur nuit.
Dans ce récit, la révolte gronde en nous à chaque sanction et l'on mesure l'immensité de l'horreur vécue dans cette colonie pénitenciaire ou plus précisement, un bagne pour enfants.
En Août 1938, une mutinerie éclate sur l'île. Parceque l'un des enfants, avant de manger sa soupe dans le silence absolu, a ce jour-la osé mordre dans un morceau de fromage, les surveillants l'ont alors rossé de coups. A la suite de ces mauvais traitements administrés à leur camarade, une émeute éclate au sein de l'institution de Belle-ile-en-Mer, provoquant l'évasion massive de 55 pupilles.
Jacques Prévert, présent sur l'île au moment des faits, écrit le célèbre poème :
" Chasse à l'enfant ", dénonçant la " battue" organisée sur l'île. Une prime de 20 francs est offerte aux touristes et habitants de Belle-île pour chaque garçon capturé. Tous furent retrouvés et battus. Certains empochèrent jusqu'à 200 francs.
D'autres prétendent que l'on entend encore parfois leurs cris et leurs pleurs sur l'île.