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Citations sur Jeanne L'Etang (11)

- Tout le monde a une marque, sous une forme ou sous une autre, tout le monde est marqué par la vie, dit Rosa.

La marque de Jeanne, c'est le silence. C'est lui qui a sculpté son corps, son esprit et sa langue. C'est lui qui pousse l'aiguille dans le tissu, tire le fil et dessine les broderies. C'est en silence qu'elle a aimé Maman, Brune, Zélie et toutes ses compagnes. C'est le silence qui la rend aujourd'hui désirable aux yeux de Degas
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Perversion, dégénérescence, homosexualité, peur du juif, criminalité, décadence, syphilis, statistiques, population migrante : Paris détruit ses taudis et se reconstruit dans un vocabulaire brutal. (p.21)
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Elle entend. Jeanne. C'est Jeanne L'Étang. Elle arrive. Des feuilles humides. De la terre. La forêt. De l'air. Un cri. Celui de Jeanne L'Étang, née un jour d'octobre 1856. Pluie de feuilles, pluie de sang, pluie de cris. On la prend. On la débarrasse des feuilles. On la serre contre la bouche. "Jeanne ! Ma Jeanne !" On la mouille de sang et de salive. On la nettoie. ­A coups de langue, entre "Jeanne !" et "Jeanne !" Lever les petits bras, nettoyer, là aussi, plis du cou, jambes cerceaux, poings virgules, cheveux noirs. Les yeux, longuement. Jeanne s'envole au bout de deux bras, plonge sous la robe, rencontre la peau. appliquée. Transférée. Jeanne L'Étang a chaud. Elle s'endort contre Dora, Dora sa mère. Un sein au-dessus de ses cheveux noirs. On est à l'abri ici. Il fait chaud. (p.7)
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Les mots libèrent Jeanne L'Étang, sa voix crée des repères sur l'immense territoire en friche de sa vie, elle dépose des cailloux blancs qui bornent et détruisent l'errance. Parfois, de sa bouche neuve s'échappent des flots d'insultes qui ne sont pas d'elle, mais appartiennent à d'autres femmes, Maismaman, Sainte-Pute, les clients vicieux, les folles compagnes ; parfois, ce sont des flots de tendresse qui ne sont pas d'elle, mais de Dora, de Zélie, de Degas, de maman Bottard. Et puis, de plus en plus souvent, éclatent ses propres mots, ceux de Jeanne L'Étang, née un jour d'automne, mille-feuille des milles filles qui l'ont accompagnée. Le désir fautif de sa mère, inscrit à même sa peau, s'estompe. L'irrémédiable péché perpétré par sa grand-mère s'éloigne. Les murs qui la protégeaient de tout, de tous, d'elle-même, se fissurent. Son corps lui sort par la bouche, sa vie d'avant les mots, sa tristesse à longue échéance.
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Trente -six jours pour apprivoiser le dortoir, et maintenant ? La Salpêtrière entière ? Cette ville fortifiée, trente et un hectares d’allées et venues, quarante cinq bâtiments organisés en quartiers, articulés autour de rues, de places, de jardins, d’églises, de chalets, gigantesque monstre vivant et se nourrissant des plaintes et du sang de ses cinq mille habitantes. Cinq mille habitantes, aliénées, prostituées, syphilitiques, mi-prisonnières, mi-malades, vice et folie, enfants abandonnées, orphelines, bâtardes, reniées, oubliées, effacées, vieillardes, hagardes, cancéreuses, infirmes, indigentes, épileptiques, idiotes.
Éprouvées. Réprouvées. Crétines. Teigneuses. Cholériques.
Cinq mille internées de la misère, prises de corps, prises de tête, agitées et semi-agitées, vices de naissance, criminelles par épuisement, convulsions, désordres des règles, effets critiques du temps, libertinage, hystérie, colère, frayeur, amour contrarié.
La sourde invasion des folles au beau milieu de la déraison du monde.
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Ma mère n’est pas folle. Elle est mon amie. Je suis la poupée préférée de ma mère. Traces blanches, traînées rouges, silence noir, je m’habille de ses lambeaux ; le visage tourné vers la fenêtre, j’attends le bruit de ses pas, je redoute tout autre bruit.
Ma seconde mère me prend entre ses murs.
Ma chambre.
Ma chambre m’élève. Nous répétons les leçons : jour, nuit, absence, présence, bruit, silence. Ma chambre me prête ses murs pour que je m’y tienne, son sol pour que je m’y allonge, elle a même pensé à s’incurver pour me fabriquer une ligne sur laquelle mes yeux apprennent à caresser. Ma chambre me donne de la lumière, elle me donne la douceur de son bois, elle me protège de Maismaman, nous protège toutes les deux, Maman et moi. Ma chambre est mon château, ma forêt, mon soleil, mon étang, ma saison. Sur ses murs, mes premiers dessins, mes premiers mots, mes lettres rondes à la craie recopient les lettres de Maman.
M A M AMA MA. MAMAN, le mot le plus difficile à écrire.
Ma chambre, ma maman.
Elle me donne parfois, selon les saisons, des insectes durs et marrons, noirs et fragiles, des mouvements vifs, des cavalcades, des morts, sans doute des naissances mais je ne les vois pas.
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- C'est le jour du premier pas; elle va réussir, elle réussit toujours ce qu'elle entreprend.

Quelle fierté ! Jeanne marche. Si elle vacille, la pièce déforme un de ses murs afin qu'elle s'y rattrape.
Tout ce qui se passe dans la chambre prend une allure bancale, étouffée, folle.
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C'est d'abord dans son propre corps que Maman est enfermée. Sa peau lui tient lieu de barrage contre le reste du monde. Son corps est une cage. Dont elle ne sort que pour tenir Jeanne.
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Le silence ose sa première histoire.
Tant qu'on aime, on grandit.
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Un jour comme un autre Dora offrit à Jeanne une petite boîte en bois. Ce jour devint alors le Jour de la Boîte.
Jeanne pose la boîte sur le plancher. Observe la lumière les poussières la boîte que rien ni personne ne perturbe. Compacte. Secrète. Inquiétante. Jeanne s’avance, bascule le couvercle. La boîte est ouverte. Ses contours se dissolvent, elle flotte, couvercle béant. La lumière s’engouffre, crache jets de soleil et de poussières. Jeanne bondit et claque le couvercle. Elle colle son œil contre la fente, il n’y a plus que du froid. Si ce n’est que cela, alors elle connaît.
Le jour décline. Une colonne d’insectes aux élytres verdâtres passe le long du mur. Jeanne en capture un. Le loge dans la boîte. Referme le couvercle.
Jeanne L’Étang, la boîte sur les genoux, guette l’ennemi éventuel.
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