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EAN : 9782919402199
290 pages
Bruit Blanc (04/04/2013)
4.54/5   13 notes
Résumé :
Jeanne L'Etang naït à Paris en 1856.
Bâtarde, fille de folle, elle passe les premières années de sa vie enfermée dans l'étroit comble d'une maison parisienne.
Lorsqu'elle s'en échappe, c'est pour être enfermée ailleurs : la maison des folles -la Salpêtrière-, puis la maison close.
Ces trois maisons délimitent le destin de Jeanne L'Etang : à travers les murs lui parviennent l'agitation parisienne, la guerre de 1870, la Commune, les grands travaux... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Perrine le Querrec, déjà lue et appréciée ici et là dans des revues (Angoisse en particulier), signe avec « Jeanne L'Etang » un beau roman sur un destin de femme enfermée au coeur du XIXème siècle. Née d'une mère incapable de l'élever, Jeanne fréquente maison close et asile de fous, subit de mauvais traitements mais supporte tout grâce à son silence et à son monde imaginaire. Folle et prostituée mais pas seulement, Jeanne est aussi une brodeuse hors pair, modèle de Degas, experte en ombre chinoise, amante des filles du bordel...

On plonge en plein Paris du Baron Haussman et du professeur Charcot, dans la deuxième moitié du XIX ème siècle. le travail de documentation de l'auteur a dû être important car on s'y croirait.

Un roman très sensible et au style enlevé dont je conseille ardemment la lecture.
Une (petite) réserve toutefois : les jeux typographiques (lettres en couleurs, blancs typographiques, etc.) dont use parfois l'auteur m'ont semblé inutiles. Sans vraiment perturber la lecture, il m'a semblé qu'ils n'apportaient rien de plus au texte, déjà très fort, qui se suffit largement à lui-même.
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L'aliénation, dans le vocabulaire courant, c'est la folie, la perte de la raison. Mais ce n'est pas que cela. C'est aussi le fait d'être dépossédé de soi, de sa raison d'être, de sa volonté. La privation de la liberté est encore une forme d'aliénation. le poids de la société, des moeurs, de la morale, du système capitaliste, l'écrasement des femmes par le patriarcat, ce sont encore et toujours des ferments d'aliénation.

Ce que conte le merveilleux livre de Perrine le Querrec, c'est tout cela, et plus encore. Jeanne L'Étang est le roman d'une femme emmurée en son silence autant qu'elle est enfermée dans la minuscule pièce qui abrite les premières années de son existence, puis à la Salpêtrière, puis au bordel — jamais la maison close n'a si bien porté son nom— puis, en un joli chiasme, de nouveau à la Salpêtrière et enfin dans la maison mère. Dans ce récit en prose poétique, les mots traduisent un réel mouvant perçu en focalisation interne, sauf en de rares passages où le narrateur s'adresse à son personnage. Les mots non prononcés par Jeanne la silencieuse, mais brodés; les mots des abécédaires qu'elle compose et qui scandent le récit, chaque fois condensant le contexte particulier, résumant l'univers de Jeanne en quelques termes lourds de sens. le style de l'auteure, morcellement des phrases, subtile déformation de la syntaxe, rupture du rythme et des cadences, énumérations, reflète avec brio cette pensée au ban de la normalité (mais y a-t-il une pensée «normale» ? Cette notion même de normalité de l'esprit a quelque chose d'effrayant, non ?). La mise en page et la typographie jouent également leur rôle, on se souvient parfois des essais mallarméens sur la page blanche. le texte imprimé se fait broderie colorée, regard subjectif sur le monde extérieur, tentative de fixer l'extérieur par bribes. La pensée close se donne à voir dans le cadre clos de la page.

La suite de la critique est accessible sur mon blog !
Lien : https://litteraemeae.wordpre..
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L'ouvrage nous plonge dans l'esprit et l'âme d'une folle. Une folle née ou née folle on ne sait pas trop mais peu importe. L'écriture est aussi importante que le texte, chaque mot compte comme chaque mot compte pour Jeanne L'Etang. On est transporté dans cette imagerie des folles, dans un monde où on ne comprend rien mais on subit toujours et encore. On aime suivre les pas de Jeanne L'Etang.
Un seul petit bémol, il y a par moment quelques longueurs; notamment au moment des listes et on aurait aimé n'avoir que la vision de Jeanne.
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JEANNE L'ÉTANG est un livre à l'originalité étonnante. Certes le récit, passionnant, est déjà en lui-même suffisamment singulier pour faire le bonheur du lecteur mais c'est surtout l'écriture qui attire l'attention. L'auteure joue littéralement avec les mots et la typographie du livre suit et ose même parfois la couleur.
Jeanne ne parle pas, elle brode les mots. L'histoire est d'ailleurs parsemée d'abécédaires qui décrivent les différentes époques de sa vie de l'enfance à l'âge adulte.
Perrine le Querrec réussit admirablement à adapter son écriture aux différents épisodes de l'existence de son héroïne. Des phrases incisives et concises qui passent du poétique au trivial qui par exemple deviennent parfois saccadées pour coller à merveille à l'univers des « folles » de la Salpêtrière et qui offrent au lecteur une merveilleuse impression de variété. Une écriture, très belle donc, qui évolue et fluctue au gré des situations.
Que ce soit dans la maison natale, le bordel ou l'hôpital, les descriptions de l'environnement et des mentalités des protagonistes sont minutieuses et très vivantes...
Bref, ce livre est vraiment une très très belle réussite. Il ne ressemble à rien d'autre qu'à lui-même. Captivant, original et remarquablement écrit, je recommande sans réserve la lecture de ce très très bon livre.
Lien : http://lefantasio.fr
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J'ai aimé la douceur de l'écriture, les changements de rythme qui ponctuent l'histoire, les jeux visuels du texte, j'ai aimé le personnage, je me suis laissée bercer par sa présence et son charme, j'ai lu le livre d'une traite, abandonnant enfants, cuisine et bouts de tissus, c'est pour dire ! C'est un livre à la fois dur et délicat, un coup de coeur lu avec beaucoup d'émotions.

Jeanne brode, elle brode ses rêves, Jeanne ne parle pas, elle brode ses mots et son silence, sa sensibilité, l'extérieur est sombre et tourmenté mais Jeanne est dans sa bulle, enfermée continuellement, elle s'échappe dans son monde intérieur de douceur et de fils colorés.
J'en oublierais presque cette période tumultueuse de l'histoire de Paris qui franchit les murs de la Salpêtrière, une vision de l'Histoire sous un angle surprenant, des rencontres anecdotiques. C'était à l'origine ce qui m'avait fait postuler pour cet ouvrage.

un bémol sur le résumé de quatrième de couverture beaucoup trop long, dévoilant trop de l'histoire, par contre il y manque l'essentiel : l'atmosphère du livre.
Lien : http://fenetresylvaine.canal..
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critiques presse (1)
Actualitte
16 septembre 2013
Au delà de la fresque magnifiquement maîtrisée, il y a aussi une écriture remarquable, qui pénètre la folie et se l'approprie, qui voit et pense par et pour Jeanne, donnant à cette lecture un intérêt complémentaire, riche d'une expérience nouvelle (en tous cas, pour moi) que je ne peux que vous convier à tenter à votre tour.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Elle entend. Jeanne. C'est Jeanne L'Étang. Elle arrive. Des feuilles humides. De la terre. La forêt. De l'air. Un cri. Celui de Jeanne L'Étang, née un jour d'octobre 1856. Pluie de feuilles, pluie de sang, pluie de cris. On la prend. On la débarrasse des feuilles. On la serre contre la bouche. "Jeanne ! Ma Jeanne !" On la mouille de sang et de salive. On la nettoie. ­A coups de langue, entre "Jeanne !" et "Jeanne !" Lever les petits bras, nettoyer, là aussi, plis du cou, jambes cerceaux, poings virgules, cheveux noirs. Les yeux, longuement. Jeanne s'envole au bout de deux bras, plonge sous la robe, rencontre la peau. appliquée. Transférée. Jeanne L'Étang a chaud. Elle s'endort contre Dora, Dora sa mère. Un sein au-dessus de ses cheveux noirs. On est à l'abri ici. Il fait chaud. (p.7)
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Les mots libèrent Jeanne L'Étang, sa voix crée des repères sur l'immense territoire en friche de sa vie, elle dépose des cailloux blancs qui bornent et détruisent l'errance. Parfois, de sa bouche neuve s'échappent des flots d'insultes qui ne sont pas d'elle, mais appartiennent à d'autres femmes, Maismaman, Sainte-Pute, les clients vicieux, les folles compagnes ; parfois, ce sont des flots de tendresse qui ne sont pas d'elle, mais de Dora, de Zélie, de Degas, de maman Bottard. Et puis, de plus en plus souvent, éclatent ses propres mots, ceux de Jeanne L'Étang, née un jour d'automne, mille-feuille des milles filles qui l'ont accompagnée. Le désir fautif de sa mère, inscrit à même sa peau, s'estompe. L'irrémédiable péché perpétré par sa grand-mère s'éloigne. Les murs qui la protégeaient de tout, de tous, d'elle-même, se fissurent. Son corps lui sort par la bouche, sa vie d'avant les mots, sa tristesse à longue échéance.
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- Tout le monde a une marque, sous une forme ou sous une autre, tout le monde est marqué par la vie, dit Rosa.

La marque de Jeanne, c'est le silence. C'est lui qui a sculpté son corps, son esprit et sa langue. C'est lui qui pousse l'aiguille dans le tissu, tire le fil et dessine les broderies. C'est en silence qu'elle a aimé Maman, Brune, Zélie et toutes ses compagnes. C'est le silence qui la rend aujourd'hui désirable aux yeux de Degas
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Ma mère n’est pas folle. Elle est mon amie. Je suis la poupée préférée de ma mère. Traces blanches, traînées rouges, silence noir, je m’habille de ses lambeaux ; le visage tourné vers la fenêtre, j’attends le bruit de ses pas, je redoute tout autre bruit.
Ma seconde mère me prend entre ses murs.
Ma chambre.
Ma chambre m’élève. Nous répétons les leçons : jour, nuit, absence, présence, bruit, silence. Ma chambre me prête ses murs pour que je m’y tienne, son sol pour que je m’y allonge, elle a même pensé à s’incurver pour me fabriquer une ligne sur laquelle mes yeux apprennent à caresser. Ma chambre me donne de la lumière, elle me donne la douceur de son bois, elle me protège de Maismaman, nous protège toutes les deux, Maman et moi. Ma chambre est mon château, ma forêt, mon soleil, mon étang, ma saison. Sur ses murs, mes premiers dessins, mes premiers mots, mes lettres rondes à la craie recopient les lettres de Maman.
M A M AMA MA. MAMAN, le mot le plus difficile à écrire.
Ma chambre, ma maman.
Elle me donne parfois, selon les saisons, des insectes durs et marrons, noirs et fragiles, des mouvements vifs, des cavalcades, des morts, sans doute des naissances mais je ne les vois pas.
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Trente -six jours pour apprivoiser le dortoir, et maintenant ? La Salpêtrière entière ? Cette ville fortifiée, trente et un hectares d’allées et venues, quarante cinq bâtiments organisés en quartiers, articulés autour de rues, de places, de jardins, d’églises, de chalets, gigantesque monstre vivant et se nourrissant des plaintes et du sang de ses cinq mille habitantes. Cinq mille habitantes, aliénées, prostituées, syphilitiques, mi-prisonnières, mi-malades, vice et folie, enfants abandonnées, orphelines, bâtardes, reniées, oubliées, effacées, vieillardes, hagardes, cancéreuses, infirmes, indigentes, épileptiques, idiotes.
Éprouvées. Réprouvées. Crétines. Teigneuses. Cholériques.
Cinq mille internées de la misère, prises de corps, prises de tête, agitées et semi-agitées, vices de naissance, criminelles par épuisement, convulsions, désordres des règles, effets critiques du temps, libertinage, hystérie, colère, frayeur, amour contrarié.
La sourde invasion des folles au beau milieu de la déraison du monde.
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Vidéo de Perrine Le Querrec
Accompagnée par Nemo Vachez Rencontre animée par Mélanie Leblanc Qu'elle publie de la poésie, des romans ou des pamphlets, Perrine le Querrec écrit par chocs successifs, fait parler les silences, travaille l'espace de la page, entraînant ses lecteurs dans des univers d'une grande singularité.
Elle propose ce soir une lecture musicale portant sur des extraits de deux recueils publiés en ce début d'année. Dans Warglyphes, l'écrivaine tente de décoder le langage de la guerre. Elle analyse sa grammaire, scrute ses manifestations, inventorie ses formes, parcourt son atlas. Tout autre programme avec La fille du chien : « le chien pour guide, quitter la ville. Apprendre une vie lente, foisonnante. Chaque jour en inventer la langue. »
À lire – Perrine le Querrec, Warglyphes, éditions Bruno Doucey, 2023 – La fille du chien, éditions Les lisières, 2023.
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