« 67 matins je me suis réveillée et mon premier geste mes premiers mots ont été pour elle.
67 matins j'ai inscrit en haut de ma page « C'est tout noir et marche devant seule droite avance en face debout » puis les mots qui me tenaient près d'elle.
67 matins alors que le procès avait lieu, alors que 67 fois encore elle était mise à mort dans l'arène du tribunal, de tous mes mots je tentais de bâtir des pages où on l'écouterait.
J' ai écrit ce livre durant le procès appelé par les médias, procès des "tournantes de Fontenay".
Aujourd'hui malheureusement, atrocement, ce livre doit être de nouveau écrit, de nouveau entendu.
Je pense à Shaïna, "l'Affaire Shaïna", comme écrivent les médias : procès pour viol en réunion sur l' adolescente de 13 ans, brûlée vive deux ans plus tard. Et des décisions de justice qui la tuent une seconde fois. »
Les mots de Perrine le Querrec, au sujet de ce Prénom a été modifié, parlent d'eux-mêmes : tout comme elle le fera avec
Rouge pute quelques années plus tard, elle fait le choix de prendre la parole, par la poésie, pour celles qui ne le peuvent pas, comme celle qui, ici, à ses seize ans, a vécu l'enfer des tournantes dans une cave, à celle dont le procès a été largement médiatisé et a donné lieu à des peines plus que dérisoires, remettant, encore une fois, la parole de la femme violentée en doute.
En une boucle de brefs textes commençant et se terminant toujours par les mêmes vers, l'autrice raconte, imagine, en suivant le procès des tournantes de Fontenay, l'horreur de la situation même du procès pour celle qui revit traumatiquement ses multiples viols et violences depuis plus de 15 ans, celle qui survit dans la peur, dans la honte, dans une culpabilité même, qui ne s'explique pas.
Et les mots, encore une fois, percutent, touchent au coeur, dans leur crudité dérangeante mais nécessaire, dans leur martèlement violent qui fait sentir le traumatisme irrémédiable, réveillé puissance 1000 chaque matin du procès pour celle qui, la seule, a choisi de conserver sa plainte et de faire appel face à un verdict inhumain.
L'histoire d'une femme, mais, finalement, celle de nombre d'autres d'entre elles, qui ont aussi fait le choix de parler, ou au contraire de se taire, au sujet de violences de toutes sortes subies à un moment ou à un autre. C'est une lecture intense, violente, mais salutaire, tant pour dénoncer l'issue du procès que pour mettre au jour les conséquences de telles violences au quotidien.