Citations sur Faire le Mur (19)
Le quotidien est comme le supplice chinois : les jours sont des gouttes qui tombent au même endroit.
( p 9 )
Imaginez qu'en trois semaine, 1400 personnes soient tuées, dont 300 enfants, et plus d'une centaine de femmes.
Imaginez que la majorité des états du monde se soient couchés ou aient cherché des excuses aux meurtriers.
Inimaginable n'est-ce-pas ?
Je n'ai pas réussi à rester assis derrière ma télé, à voir mes compatriotes assassinés dans le ghetto de Gaza.
Je sais, on me l'a déjà dit : la résistance française ne s'attaquait qu'à des soldats.
Mais imaginez un instant que l'Allemagne ait installé des colonies de peuplement un peu partout sur le sol français.
Les combattants se seraient-ils contentés de s'en prendre aux structures militaires ?
Je n'ai pas de réponse, mais je crois que la question mérite qu'on s'y attarde.
Notre peuple a payé très cher le combat armé. Soixante ans de guerres et toujours aucune issue à l’horizon… Lutter, c’est cultiver la vie plutôt que la mort. L’encre de l’érudit est plus sacrée que le sang du martyr a écrit le prophète. Notre champ d’action à l’intérieur est bloqué. Créer des passerelles avec l’extérieur, par tous les moyens possibles – conférences, films, livres – reste la seule option pour sensibiliser l’opinion internationale, dans l’espoir qu’elle puisse à son tour se mobiliser pour faire pression sur les pouvoirs nationaux
La tristesse est un mur élevé entre deux jardins.
Une légende palestinienne raconte comment un vieil homme a accepté de donner les organes de ses enfants assassinés par des soldats israéliens à des enfants juifs, en attente de greffes.
"On ne doit jamais tomber aussi bas que ses ennemis" disait-il.
(p. 37)
T-E-R-R-O-R-I-S-T-E.
Si on me tranchait une veine, je serais prêt à parier qu'on y verrait ces dix lettres en suspension dans ce sang qu'on m'accuse de faire couler du simple fait d'être né Palestinien.
(...) car c'est comme ça que le monde "civilisé" nous perçoit : une masse enturbannée, biberonnée aux bombes. (...) C'est le sort des Palestiniens, étiquetés en bloc comme "terroristes". On peut les tuer sans remords, les exterminer comme des mouches avec de lourds engins militaires. On se contente d'annoncer : "Deux terroristes ont été tués".
(p. 34-35)
Arrêtez-moi si je me trompe : étaient-ce des barbus qui conduisaient les trains vers les camps de la mort ?
Aussi répugnant soit ce qui est arrivé aux Juifs d'Europe, pourquoi les Palestiniens auraient-ils à en payer le prix ?
Invoquer la Shoah pour légitimer notre spoliation n'est pas défendable, pas plus que de revenir 2 000 ans en arrière pour retracer des frontières contemporaines.
Pour autant, une injustice ne doit pas en entraîner une autre : il est inconcevable de renvoyer les Israéliens.
Pour gagner ma vie et aider ma famille, j'ai travaillé six années en Israël, de quatorze à vingt ans.
Rencontrer de nombreux Israéliens de mon âge m'a permis de briser la logique de séparation instaurée sur cette terre.
(p. 60)
Mais ce mur ne tient pas tout seul, raison pour laquelle il faudrait lui échafauder une paire de guillemets. « Mur », voilà qui est plus exact. Car il fait partie d’un dispositif plus dense : colonies + toutes et tunnels réservés aux israéliens + checkpoint + zones militaires + miradors… Rien que sur les routes de Cisjordanie, on compte plus de 500 obstacles. Magie de la propagande : elle fait passer un vaste processus d’annexion pour une barrière de sécurité. Et l’opinion internationale avale ça comme un spot publicitaire
Avant que le mur ne voie le jour, au printemps 2002, je me suis rendu dans un bordel de Tel-Aviv. J’ai payé pour trente minutes. Je suis resté assis au bord du matelas, tétanisé. L’éducation religieuse avait gagné par K.O.