Astérios, le Minotaure

Le graphisme est léché, soigné, réaliste, bien équilibré, pour autant, je ne suis pas vraiment fan de ce genre, très académique et manquant de radicalité. Ce n'est donc pas un genre vers lequel je suis attiré. Je n'ai pas aimé la colorisation, très artificielles, qu'un peu péjorativement je qualifierais de simple coloriage, parfois les couleurs sont acides, les dégradés peu naturels, et surtout les planches ne semblent travaillées globalement mais vignette par vignette, les efforts de mise en page dynamiques sont un peu plombées par cette colorisation pas forcément très utile. Je ne dirais pas que je n'ai pas aimé le graphisme, disons plutôt qu'il m'a laissé indifférent, pour un tel thème, c'est un peu dommage.

Par contre, j'ai aimé la relecture du mythe du Minotaure, retournant les personnages tels que les légendes et la littérature classique nous les ont présentés. Thésée est un ado arrogant, et Astérios, le Minotaure devient très humain et sage. C'est cette “humanité” du Minotaure qui apporte tout le sel du récit, dans une vision très cinématographique actuelle, avec un final à la hauteur, renouant avec la tragédie classique dans le ton tout en se détournant d'elle dans ses problématiques. Je suis cependant un peu moins convaincu par le personnage de Dédale, le récit semble se disperser, le duo Astérios et Thésée aurait mérité plus de place au dépend de Dédale, personnage trop passif et sans véritable intérêt.

Ce qui fait la qualité scénaristique est aussi ce qui fait la faiblesse graphique, j'aime quand la bande dessinée s'assume en tant que telle, je reproche souvent au comics américains de reluquer du côté du cinéma, avec une construction filmique et tentant de faire oublier la main qui tient le pinceau, c'est valable aussi pour cette bande dessinée. Asterios est une oeuvre de qualité, mais elle ne se situe sans doute pas dans ce que, personnellement, je recherche dans cet art.

Je l'ai relu plusieurs fois, il faut dire que j'adore la mythologie, ces contes antiques sont tous empreint de tragédie et de drame familial emberlificotés les uns aux autres, entre le frère de l'un, l'épouse de l'autre, le cousin tout cela s'emmêle dans un ensemble d'aléas, d'épreuves, d'épopées tragiques qui n'en finissent jamais. J'adore ces héros et héroïnes mythiques dont la vie est un vrai enchevêtrement de sentiments amoureux et haineux car c'est beaucoup cela, une tragédie, de l'amour, de la haine et de la passion. 😉
Dans Asterios, il me semble qu'il y a deux drames celui de Dédale et celui du Minotaure mais dans son scenario, je trouve que Le Tendre s'embrouille et ne fait pas apparaitre la trame intime de ces évènements, et pire encore il n'arrive pas à les relier.
Je n'ai pas ressenti le terrible malheur de la situation de Dédale, ça ne transpire pas ni dans le dessin, ni dans le texte.
Car finalement, Dédale est un monstre, il se présente dès les premières pages comme un monstre, et il pense le devenir d'autant plus en commettant un meurtre, par accident mais bon cela reste un meurtre, il tue. Et s'enfuie.
Et il se rachète d'une certaine façon en éduquant et en élevant le mieux possible le monstre physique qu'est le minotaure. Car le minotaure est horrible avec sa tête de taureau sur un corps humain, il n'est pas laid, il est monstrueux cela pourrait presque effacer la monstruosité du crime de Dédale.
C'est deux monstres n'ont rien en commun, l'un cache en lui l'horreur d'un acte irréparable, l'autre affiche sa difformité aux yeux de tous.
L'un affiche une vie paisible, l'autre cache un coeur profondément humain
Qui sont ils finalement, Le Tendre tente de nous les faire connaitre, aimer, cependant non, il manque la petite étincelle qui bouleverse, enfin je ne l'ai pas trouvé.
Même Thésée, ce héros, venu achever le minotaure, n'a rien de valeureux, c'est juste un gamin méprisant, stupide, insipide.
Alors, oui, le minotaure est beau dans sa monstruosité, mais ce n'est pas l'oeuvre de le Tendre qui le rend beau c'est la mythologie qui en a fait un être mystérieux.
L'atout de ce scenario, c'est de nous montrer, une autre version de la bête immonde décrite dans la mythologie, l'auteur, lui donne, une humanité, une sagesse acquise dans la souffrance de la solitude et de l'agression des humains. Et ça fonctionne, en effet comment ne pas s'apitoyer, comment ne pas le comprendre et se mettre à sa place. Oui toute cette partie du minotaure est intéressante mais voilà, selon moi, le scénariste aurait dû s'en tenir à sa recomposition du minotaure. L'ajout du drame de Dédale perd la lecture et allège de trop le scenario, c'est dommage.

J'ai été moyennement convaincue par cette lecture. J'ai bien aimé le graphisme. Mais pas du tout l'histoire qui est pour moi trop survolée. On aperçoit un bout de l'histoire de Dédale, de Arianne et du Minotor. C'est trop en si peu de pages. Je suis restée sur ma faim.