Je ne répéterai pas la quatrième de couverture mais j'apporterai une précision aux futurs lectures : cet ouvrage fait référence à de nombreux événements qui ne sont pas expliqués. Selon moi, il est préférable d'avoir certaines connaissances pour apprécier la démonstration de l'auteure, même si ce n'est pas fondamentalement indispensable et que le non spécialiste y trouvera tout de même son compte.
Personnellement, j'ai beaucoup apprécié ma lecture. Je connaissais surtout les premiers ducs de Bourgogne et leurs actions, or, ce livre, même s'il reprend la genèse de leurs actes, s'attarde davantage sur Charles le Téméraire, le dernier duc de Bourgogne et les raisons de son échec à hisser sa principauté au même rang qu'un royaume de France ou un Saint Empire romain germanique auxquels il était inféodé.
L(es) Etat(s) bourguignon(s) forment une mosaïque de terres et de pouvoirs, fragmentées à travers l'espace, avec au nord les Flandres, l'Artois, la Picardie, la Hollande, la Zélande, etc, et au sud le duché et le comté de Bourgogne, le comté de Charolais, etc. Comme on le voit, ces deux ensembles territoriaux ne formaient pas un bloc géographique d'un même tenant, et possédaient des coutumes et langues différentes. Qu'a-t-il donc manqué aux ducs de Bourgogne pour transformer leurs possessions territoriales en un Etat centralisé digne des royaumes voisins ?
Élodie Lecuppre-Desjardin tente de répondre à cette question en développant les moyens que ces princes avaient à leurs dispositions et les limites d'une telle politique.
Tout d'abord, le premier acte de communication politique passe par l'étalage du luxe : on exhibe sa supériorité par le faste, notamment lors des mariages princiers. La propagande artistique joue également un rôle important, qui permet de glorifier le prince à travers ses ancêtres et leurs actions (peinture, littérature...). On n'hésite pas à utiliser la rumeur (par exemple l'empoisonnement) pour discréditer un adversaire (notamment le roi de France). En 1430, à l'occasion de son mariage, Philippe le Bon crée le prestigieux ordre de chevalerie de la Toison d'or. La majesté bourguignonne s'exprime également à travers l'idéal de croisade (qui avait un poids important à l'époque) ou encore l'utilisation de la formule "par la grâce de Dieu" dans les lettres.
Indubitablement, les ducs de Bourgogne étaient des princes extrêmement puissants, non seulement sur le plan militaire mais également sur le plan territorial et leur faculté à lever des subsides. Que leur a-t-il donc manqué pour unifier leurs peuples et leurs territoires en un seul royaume ?
Tout d'abord, ce qui avait fait leur réussite (annexions territoriales facilitées par leurs promesses de respecter coutumes et privilèges) va devenir leur faiblesse. Les villes du nord se sont souvent révoltées contre les ducs de Bourgogne pour préserver leurs intérêts économiques, et n'ont donc pas adhéré à leur volte-face politique contre les Anglais qui étaient leurs premiers clients (néanmoins, ces villes ont payé moults impôts pour les guerres du Téméraire). En outre, les ducs ont souvent adopté un comportement ambivalent quant à leurs liens féodaux : les peuples du sud de la principauté, très attachés au roi de France, désavouaient les trahisons successives des ducs de Bourgogne vis-à-vis de son seigneur français (qui de son côté encourageait les clans francophiles à le rejoindre).
L'autoritarisme et la dureté de Charles le Téméraire ont entraîné beaucoup de défections parmi sa noblesse au profit de son ennemi Louis XI. de plus, les ducs de Bourgogne ont manqué de cohérence et d'intelligence politique (ils clamaient vouloir supprimer l'impôt dans le royaume de France mais refusaient de l'appliquer dans leurs états). Ajoutez à cela que Charles le Téméraire, malgré sa valeur militaire, multiplie les erreurs stratégiques le conduisant de défaites en défaites puis à sa mort...
Les ducs de Bourgogne ont donc échoué à rassembler leurs peuples derrière une capitale, une langue unique, un roi et un nom. Leur ont manqué un ennemi commun qui aurait provoqué l'émergence d'une conscience "nationale" en les aidant à construire un Etat politique, tandis qu'à l'extérieur, l'empereur romain germanique surnommait le dernier duc de Bourgogne le Grand Turc d'Occident...
Je remercie les éditions Belin ainsi que Babelio pour ce partenariat ! La lecture de l'ouvrage a été très agréable et instructive, la plume de l'auteure, soutenue mais n'hésitant pas à égrener quelques notes d'humour n'y étant pas étrangère.
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