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Commandé à la Librairie Périple2- Boulogne-Billancourt- 8 septembre 2022

Une lecture dévorée en 24 heures... et pourtant quel uppercut !....

Deuxième texte que je lis de Christy Lefteri, après "L'Apiculteur d'Alep "; après les migrants, l'auteure s'est intéressée et documentée sur toutes ces "femmes étrangères" invisibles, qui doivent quitter leur pays, parfois leur(s) enfants, pour faire vivre leur famille, pouvoir apporter des soins à leurs parents vieillissants, etc.

Comme "L'Apiculteur d'Alep", Christy Lefteri a été sur le terrain, s'est informée auprès d'associations, de professionnels, et de ces "femmes" elles-mêmes, pour leur redonner "une existence", "une visibilité"...

Nous ferons connaissance avec Nisha, qui disparait brusquement de chez sa patronne , Petra, pour laquelle elle travaille depuis près de dix ans... Disparition brusque, inexpliquée, inquiétante , d'autant plus que Nisha s'occupe depuis toutes ces années dela petite fille de Petra,Aliki, et qu'elle l'adore. Elle ne serait jamais partie sans lui dire "Au Revoir" !

L'angoisse monte, Nisha interroge ses amies, ses connaissances, son amoureux, Yiannis, mais aucun n'en sait guère plus qu'elle... Elle va se décider à aller signaler cette disparition anormale à la police, qui se moque éperdument de chercher des "travailleuses étrangères"...Pour la police c'est une perte de temps, ces femmes n'en valent pas la peine !!!

Petra va donc décider de faire son enquête toute seule ou plutôt avec l'aide de Yiannis, des autres "employées de maison étrangères" connaissant Nisha...et de nouveaux contacts; toutefois le mystère s'épaissit ainsi que la peur terrible qu'il soit arrivé quelque chose de très grave à Nisha...

La tension monte... Nous allons faire connaissance des différents personnages gravitant auprès de Nisha: son amoureux caché, Yiannis, qui à la suite de la ruine et la fermeture de sa banque, se "dépatouille" pour gagner sa vie; ainsi, il s'est mis dans un circuit mafieux ,en faisant du braconnage d'"Oiseaux chanteurs" qu'ils tuent, préparent et livrent à des restaurants huppés....avec un ami d'enfance, lui, fort peu embarrassé d'états d'âme
ni de scrupules ....

Petra, jeune veuve comme Nisha, a une boutique d'optique, gagne bien sa vie, est une bourgeoise, qui se paye une "domestique à demeure" qu'elle considère ( comme le font les autres employeurs) comme sa propriété....

Avec sa disparition, Petra va prendre conscience progressivement de son égoïsme et combien Nisha , depuis 10 ans est devenue "l'âme de sa maison"...

"Je pris soudain conscience de ce que je disais.Nisha vivait ici depuis près de dix ans, et pendant tout ce temps, elle ne nous avait quittées que pendant deux jours.Elle avait pris soin de ma fille, l'avait aimée, elle avait récuré mes sols et mes toilettes, elle avait préparé nos repas et entretenu le jardin.Elle époussetait quotidiennement la photo de Stephanos.Mal à l'aise, je songeais à l'expression de son visage lorsqu'elle nettoyait le cadre.Elle aussi avait perdu un époux. Elle nous avait tout donné avec une telle générosité qu'elle était devenue l'âme de cette maison.Et pourtant, j'ignorais tout de sa vie."

Le récit se fait entre celui de Petra et celui de Yiannis, et nous les voyons, au fil de leurs recherches, de leur enquête pour retrouver Nisha,... évoluer de façon magistrale sous l'influence rayonnante de Nisha, absente et disparue !

Un livre très , très fort , dont on ne peut guère sortir indemne !
Poésie, douleur, révolte, empathie...Rébellion contre l'injustice faite à ces femmes, qui après ces tragiques disparitions, vont se lever d'un seul choeur, afin de réclamer les simples droits dûs à chaque être humain !

Sans oublier l'ode à la nature et à tous les oiseaux, en montrant et dénonçant par là- même, les méthodes immondes de braconnage de ces " oiseaux chanteurs"....

Toutefois, L'Espoir est là, à l'horizon...avec tous les êtres de bonne volonté, transformés par le drame !
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Bienvenue à Chypre : un jour Petra commence s'inquiéter car Nisha, la nourrice de sa fille Aliki a semble-t-il disparu, alors que la veille elles étaient parties faire une balade en montagne. Nisha voulait que sa patronne l'autorise à sortir le soir pour quelque chose d'urgent mais Petra avait dit non, sans même lui demander de quoi il s'agissait !

Nisha occupe une chambre dans la maison, mais elle est vide. Dans l'appartement au-dessus vit Iannis, locataire de Petra qui, commence lui-aussi à s'inquiéter de la disparition de la jeune femme. Il l'a demandée en mariage la veille, alors a-t-elle seulement voulu fuir ou est-ce plus compliqué ?

On apprend beaucoup de choses sur le sort de ces femmes, qui triment 12 ou 15 heures par jour voire plus, certaines étant battues, violées parfois. Elles ont quitté leur pays d'origine à cause de la misère, où elles ont une famille à entretenir doivent rembourser l'agence qui les a fait venir et sont considérées comme des moins que rien.

L'auteure nous montre la prise de conscience de Petra : trop préoccupée d'elle-même, elle ne sait rien de l'histoire de Nisha, de la place qu'elle occupe dans le coeur de sa fille ou celle de Iannis (dont elle ne sait guère plus !)

J'ai eu du mal avec les descriptions de la chasse à la glu et je n'ai vraiment lu que la première, pour les autres scènes la concernant, j'ai lu en travers, car la nausée s'était installée. Ce sont des choses qui existent et il est important de le savoir, surtout quand ces procédés permettent avant tout la survie des braconniers. Et surtout, on connait la lente agonie de ces oiseaux…

C'est une belle histoire, racontée avec beaucoup de délicatesse, qui permet de découvrir la culture de Chypre, comme celle du Sri Lanka. L'intrigue monte en puissance, d'autres personnes entre en scène : « domestiques » amies de Nisha en particulier qui ont toutes une personnalité différente, attachante, ou des personnes qui les aident et qui contrairement à la police s'intéressent à leur disparition ou simplement leurs difficultés. Sans oublier Aliki, petite fille âgée de 9 ans seulement sur le charme de laquelle je suis tombée immédiatement.

La couverture est superbe !

Encore un roman qui ne se lâche pas, alors qu'on a envie de faire durer le plaisir en ralentissant la lecture pour faire durer le plaisir.

Un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteure dont j'avais noté déjà le précédent roman « L'apiculteur d'Alep » mais vu l'état de ma PAL, il est toujours à l'état de projet…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Plusieurs commentaires m'avaient attirée. Notamment celui de Pancrace, très enthousiaste, qui me donne envie de lire ce livre.... Pancrace qui très gentiment me propose de me l'envoyer (merci Pancrace - Bruno !), car en effet ce livre ne sort qu'en mai 2022....
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J'ai été accrochée dès les premières pages. Un dépaysement total : Chypre. Et une autre découverte notable pour moi : le monde des bonnes à tout faire venues d'Asie du Sud-Est ou de l'Europe de l'Est.
Ces femmes de l'ombre, discrètes jusqu'à l'oubli, à la limite de l'esclavage, dans l'espoir de fournir un meilleur avenir à leurs propres enfants, ou dans la recherche de la liberté qu'elles n'ont pas dans leur pays. Et la réalité.... Réalité que va découvrir Petra quand sa nounou-cuisinière-femme de ménage disparaît. Première réalité : le travail qu'abat cette pauvre Sri-Lankaise. Deuxième réalité : le statut précaire de ces pauvres femmes endettées pour payer le voyage jusqu'à l'Europe auprès d'organismes de placement. Elles sont pieds et poings liés. A la merci de leurs employeurs.... A la merci de leurs desideratas, de leur bonté ou de leur violence....
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Nous suivons Petra qui non seulement va découvrir tout cela mais va aussi découvrir que derrière sa bonne il y a un être humain avec des espoirs, des secrets, des envies....
Nous accompagnons Yiannis, voisin et amoureux de la belle Sri-lankaise... Lui va nous faire découvrir une autre facette de Chypre qui explique le titre du roman.
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Un roman passionnant qui m'a fait passer par différents sentiments : douceur (dans les moments poétiques autour de la barque, de la relation de la petite fille avec sa vieille voisine....) mais surtout violence des destins, et colère face à cette exploitation intraitable....
Un roman qui permet de découvrir l'évolution de Pétra qui découvre un monde, en fait son monde.... qui se découvre exploitante.... Ce point de vue ajoute à l'originalité de l'histoire contée.... Enfin ce serait tellement mieux si c'était juste une "histoire" et non la terrible réalité vécue par ces femmes exploitées....
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Un roman bouleversant et marquant. Révoltant.
Un coup de coeur douloureux....
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Petra, gérante d'un magasin d'optique, est une jeune femme de la bourgeoisie chypriote, vivant derrière la ligne verte qui sépare le sud du nord de l'île sous contrôle turc. Son mari est décédé d'un cancer foudroyant alors qu'elle était enceinte et comme beaucoup de femmes d'un milieu social aisé, elle a pris chez elle une domestique sri lankaise pour s'occuper de sa fille et de sa maison. Condamnée à une vie de misère, Nisha a quitté son pays et sa propre fille encore bébé, Kumari, son mari étant mort écrasé dans une mine. Son unique ambition est d'assurer un avenir meilleur à son enfant restée auprès de sa mère. de nombreuses jeunes femmes venues de pays asiatiques sont comme elle embauchées à Chypre comme domestiques, serveuses. Elles doivent s'acquitter de lourdes sommes auprès d'agences qui se font les intermédiaires entre elles et leurs employeurs. Rendues esclaves par ce système, peu considérées, elles constituent une main d'oeuvre invisible, exploitée, disposant de très peu de droits.

Nisha vit depuis dix ans avec Petra et sa fille Aliki. Si la petite l'adore, elle n'est pour Petra qu'une présence indispensable, payée pour de la décharger de toutes les tâches ménagères sans jamais se plaindre. de son passé, de son histoire d'amour discrète avec Yiannis, le locataire du dessus, Petra ignore tout. Jusqu'au jour où le lendemain d'une randonnée en montagne, Nisha disparaît. En laissant tous ses effets personnels. Va alors commencer pour Petra une quête pour tenter de comprendre ce qui est arrivé et qui va se heurter à l'indifférence de la police et le scepticisme de beaucoup. Votre femme de ménage est partie, vous n'avez qu'à en prendre une autre…
Avec l'aide de Yiannis, ancien banquier qui a fait faillite et qui gagne sa vie en braconnant les oiseaux chanteurs, ils vont se lancer sur les traces de Nisha. Yiannis traîne sa mauvaise conscience car ce trafic d'oiseaux qu'ils attrapent par milliers lui pèse de plus en plus. Nisha, femme généreuse mais sacrifiée, ne supportait pas le massacre des oiseaux, victimes eux aussi de la rapacité humaine. Petra de son côté prend conscience de son indifférence face à cette femme dont elle ignorait tout et se sent peu à peu devenir mère, rôle qu'elle lui avait abandonné.
Peu à peu, face à la disparition d'autres femmes, une prise de conscience va s'emparer de la population. Mais elle arrive malheureusement trop tard…
Un très beau livre, poétique, optimiste malgré le drame qu'il décrit car laissant ouvert l'espoir en la possibilité de l'homme à s'améliorer…Merci aux éditions du Seuil et à Babelio pour cette lecture et ce voyage dans un ailleurs pas si lointain…
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Un bien joli titre pour un roman qui, en fait, dénonce les conditions de vie de travailleuses étrangères venues à Chypre pour pouvoir envoyer de l'argent à leur famille restée au pays , Philippines, Népal ou Sri Lanka en particulier et exploitées , voire maltraitées , par beaucoup de leurs employeurs .

Lorsque Nisha disparait, Petra qui l'emploie, ne sait pas trop quoi penser, la jeune femme sri-lankaise travaille chez elle depuis 9 ans et s'est occupée de la fille de Petra, Aliki, depuis sa naissance . de forts liens se sont crées entre la petite fille et sa nourrice et Petra n'imagine pas que Nisha ait pu partir sans dire au revoir à Aliki. Petra commence à interroger les autres femmes étrangères de son quartier et peu à peu prend conscience qu'elle ne connait pas grand chose de la vie de son employée et encore moins de son passé et de ses motivations d'avoir quitté son pays ... Des femmes transparentes et pourtant traumatisées par ce qu'elles ont déjà vécu.

Les propos de Petra alternent avec ceux de Yiannis, le locataire de Petra qui est devenu l'amant de Nisha et qui, inquiet de sa disparition , commence lui aussi à la chercher.

Yiannis gagne sa vie en braconnant les oiseaux qu'il revend ensuite à prix d'or . Ce sont eux, les oiseaux qui chantent jusqu'à leur dernier souffle de vie .Passereaux et autres, migrateurs ou locaux, peu échappent aux filets ou aux pièges à glu. Activité détestable au possible soutenue par une sorte de mafia locale.

L'histoire avance lentement, comme la prise de conscience de Petra devant le statut de ces femmes dont personne ne se soucie vraiment, main d'oeuvre bien pratique car elles doivent rembourser leur voyage .

Petra et Yiannis réunis dans leur quête nous dévoilent la face odieuse de cette exploitation des travailleuses étrangères , la corruption d'une partie de la population , le trafic d'oiseaux pourtant protégés et certaines catastrophes écologiques comme le lac rouge, ancienne mine de cuivre.

Un écrit courageux de la part ce cet auteur, et qui marque le lecteur , auteur déjà remarqué pour son premier livre , L'apiculteur d'Alep.

On ne peut qu'être choqué et s'interroger sur l'étendue dans d'autres pays dont la France de l'exploitation de ces personnes étrangères qui se sacrifient pour faire survivre leur famille .

D'autre part, la passion de certains gourmets pour ce que l'on appelle dans ma région du Sud-Ouest de façon faussement pudique "les petits oiseaux " perpétue les chasses illégales et cruelles d'oiseaux comme les ortolans ...

Un livre fort , on ne peut rester insensible .
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Le roman Les Oiseaux chanteurs se déroule à Chypre, tout près de la ligne verte de la partition. Petra est propriétaire d'une maison dont elle occupe le rez-de-chaussée avec sa fille Aliki, neuf ans, et dont elle loue le premier étage à Yiannis. À cause de la récession, après la crise de 2008, Yiannis a perdu sa place de cadre bancaire et il est devenu braconnier, massacreur d'oiseaux que, avec un complice, il revend sous le manteau aux restaurants de l'île. Petra, opticienne-optométriste, a perdu son mari avant même la fin de sa grossesse ; elle a alors engagé pour l'aider une Sri-Lankaise, Nisha, placée chez elle par les soins d'une agence. le premier chapitre, dont Yiannis est le narrateur, commence par « Un jour, Nisha a disparu ». le deuxième, dont Petra est la narratrice, débute par « Le jour où Nisha a disparu »… Ces deux narrateurs à la première personne vont alterner tout au long du roman. Leurs interventions seront régulièrement entrecoupées par celle d'un narrateur à la troisième personne, identifié par un dessin d'oiseau.
***
La disparition de Nisha va permettre à Christy Lefteri de traiter en parallèle de sujets extrêmement préoccupants, bien qu'ils ne se situent pas au même niveau. Nisha disparaît un dimanche, seul jour de congé qu'elle a sacrifié cette semaine-là pour le passer avec Petra et Aliki. Or quand Nisha demande à Petra de la libérer ce dimanche soir, celle-ci refuse. Nisha sortira contre l'avis de Petra et disparaîtra. Au fil du texte, au cours des recherches que mèneront Petra, Yiannis, amoureux de Nisha, puis Tony, le bon samaritain, le lecteur découvrira l'esclavagisme dans lequel sont maintenues des femmes asiatiques, africaines ou issues des pays de l'Est, par les commerçants, et les classes moyennes et supérieures de Chypre, le plus souvent en toute bonne conscience ! Légalement émigrées dans l'île, ces femmes ne devraient pourtant pas être invisibles… Il faudra la disparition de Nisha pour que Petra comprenne à quel point cette femme qui travaille pour elle depuis neuf ans, qui a élevé Aliki et qui sait la seconder admirablement lui est devenu indispensable. Et pourtant, elle ne la connaît pas, la regarde souvent de haut, la jalouse parfois, et la plupart du temps, l'ignore. Par rapport à d'autres domestiques, Nisha se trouve cependant bien traitée, beaucoup d'employeurs se montrant ouvertement racistes et prompts à profiter de la situation de dépendance de ces femmes financièrement ou sexuellement… L'indifférence de la police envers la disparition de plusieurs de ces domestiques ne fait que conforter le mépris qu'elles suscitent. L'autrice s'est inspirée d'un fait divers de 2019 pour bâtir cette histoire : https://www.leparisien.fr/faits-divers/a-chypre-monsieur-tout-le-monde-tuait-des-femmes-etrangeres-travailleuses-invisibles-12-05-2019-8070159.php. L'autre scandale dénoncé par Christy Lefteri ne concerne pas les humains, mais les animaux. Yiannis, ruiné après la crise, poussé par un « ami » d'enfance, se reconvertit en braconnier. Il capture toutes sortes d'oiseaux à la glu et au filet japonais. Il les tue, les plume, les fait parfois mariner, avant de les revendre à prix fort à des restaurateurs peu scrupuleux (https://reporterre.net/A-Chypre-un-massacre-industriel-des-oiseaux-migrateurs). Christy Lefteri sait de quoi elle parle : elle vit à Londres, mais ses parents sont des Chypriotes et elle se rend régulièrement dans l'île.
***
Je finis ce roman, que j'ai lu avec plaisir, un peu partagée. Si le roman m'a intéressée, j'ai trouvé la dénonciation un peu simpliste et bien superficielle. le parallèle entre les femmes et les oiseaux, piégés les uns et les autres dans les filets des exploiteurs, m'a semblé caricatural, comme certains des personnages, d'ailleurs. L'aveuglement de Petra, son indifférence envers une femme qui vit chez elle depuis neuf ans et qui élève sa fille avec amour, m'ont paru peu convaincants. Cette artificialité se trouve renforcée par la ressemblance entre la situation des deux femmes : elles sont veuves toutes les deux et ont toutes les deux une fille dont elles sont séparées, bien que ce soit d'une manière différente. L'exploitation très superficielle de deux personnages importants m'a laissée sur ma faim : Seraphim, « l'ami » d'enfance, et Tony, le bon samaritain, auraient mérité d'être développés. J'ai trouvé maladroite la volonté très appuyée et trop perceptible de toucher au lyrisme dans les chapitres identifiés par l'oiseau… Il n'empêche que c'est un roman que j'ai lu avec un certain intérêt.
***
Merci aux éditions du Seuil et à l'opération Masse critique de Babelio.
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Chypre, 2016. Un soir, Nisha disparaît subitement. C'est une travailleuse étrangère employée dans une famille chypriote depuis une dizaine d'années. Petra, son employeuse ainsi que Yannis, un ami, sont à sa recherche. Il est certain qu'elle ne s'est pas enfuie car elle a laissé derrière elle toutes ses affaires. Après un signalement sans succès auprès des services de police, Petra et Yannis réalisent qu'eux seuls pourront la retrouver car, sur l'île, le sort des étrangers importe peu.
Au cours de leur enquête, on découvre avec eux la face sombre de l'histoire du pays.

Je remercie les éditions du Seuil et Babelio pour cette lecture.

Après "L'apiculteur d'Alep" abordant le thème des réfugiés en Europe, ce roman est le deuxième de l'autrice que je lis. Christy Leftery est anglaise d'origine chypriote et a travaillé quelques années dans des camps de migrants en Grèce. Tout comme son précédent ouvrage, elle évoque ici la réalité de son vécu et de ses rencontres marquantes.

L'histoire de Nisha est celle de milliers de femmes étrangères quittant leur pays dans le but de trouver un travail ailleurs afin de subvenir aux besoins de leur famille. Nisha est sri-lankaise. Lorsqu'elle s'en va, elle laisse derrière elle sa fille de deux ans et sa mère. A Chypre, on recherche des nourrices et des employés de maison. Elle trouve rapidement un travail dans une bonne famille qui la traîte bien. Cette famille est composée de Petra, veuve, et de sa fille Aliki. Contrairement à d'autres femmes, Nisha n'a jamais été brutalisée. Petra la respecte, Aliki l'aime profondément. Elle n'aurait jamais quitté d'elle-même la famille, surtout sans prévenir. Elle considère Aliki comme sa propre fille et l'affectionne particulièrement.

Pourtant Nisha a disparu et personne ne sait où elle est. Passeport, bijoux, vêtements, photos, lettres, tous ses biens les plus chers sont restés à leur place, dans sa chambre. Elle est sortie un soir pour un rendez-vous auquel elle n'est jamais arrivée.

Petra interroge le voisinage. Cette absence n'est pas normale, tout le monde l'admet. Nisha est souriante et apporte du bonheur dans son entourage. On s'inquiète pour elle. Il faut la retrouver. La police n'a pas l'intention de lever le petit doigt. Les étrangers ne sont pas la priorité.

Avec l'aide de Yannis, le voisin du dessus et ami proche de Nisha, Petra mène l'enquête. Au cours de celle-ci, elle découvre le monde sombre qui entoure ces travailleuses, mais aussi le monde du braconnage, de la mafia et de la corruption de son pays.

"Les oiseaux chanteurs" est un roman écrit à partir d'une tragédie qui s'est produite à Chypre il y a quelques années. A travers son personnage central, l'autrice retrace ce drame qui a bouleversé le pays. Pour cela, elle n'a pas hésité à se rendre sur place et à rencontrer ces femmes de l'ombre ainsi que le responsable de l'association humanitaire qui veille sur elles au mieux.

Ce livre est un véritable coup de coeur. Il aborde des thématiques actuelles et complexes. Comme l'indique Christy Lefteri en fin d'ouvrage "ce roman s'intéresse aux idéologies, aux préjugés, aux idées préconçues et aux concours de circonstances qui peuvent mener à des événements dramatiques comme ceux qui ont eu lieu à Chypre. Il s'intéresse à la manière dont les travailleurs immigrés peuvent se retrouver prisonniers d'une situation, à cause d'un système vicié. Mais aussi à la manière dont nous pouvons tous être prisonniers d'une certaine façon de voir ou de penser."

Un roman sur le sort des travailleuses immigrantes, les sacrifices, l'histoire de Chypre et la culture srilankaise. Une excellente lecture. A découvrir absolument !
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« Ces femmes étaient habituellement confinées dans nos maisons, accaparées par nos corvées domestiques. Je songeai que l'émancipation des unes reposait trop souvent sur la servitude des autres ».
Il aura fallu la disparition d'une de ces femmes, qui partageait pourtant son foyer depuis dix ans, pour que Petra en arrive à énoncer un tel constat !
Une servitude qui saute malheureusement aux yeux de ceux qui ne sont pas uniquement centrés sur le bien-être de leur petite personne et leur confort de vie. Mais sont-ils nombreux ?

Le long cheminement introspectif de Petra commence lorsque, au lendemain d'une journée dominicale passée avec sa fille Aliki et la « nourrice-bonne à tout faire Sri Lankaise» Nisha, elle constate que cette dernière a disparu. Ce sera la première voix.
Jeune Maman mais déjà veuve et terrassée par le deuil, Petra n'a pas été en mesure de prodiguer à sa fille l'amour maternel. C'est Nisha qui s'en est chargé, frustrée elle-même par la séparation d'avec sa propre fille, Kumari, laissée au pays pour venir trimer à Chypre afin de lui financer un avenir meilleur. Elle est pleine de tristesse et de compassion pour cette enfant délaissée, elle sera sa confidente alors qu'entre la mère et la fille le silence occupe toute la place.
On constate le mépris des Chypriotes pour ces immigrées qui ont consenti un sacrifice déchirant pour subvenir aux besoins de leur famille et qui sont considérées cyniquement comme des personnes sans coeur qui ont lâchement abandonné les leurs. Ce mépris se révèle notamment dans la manière dont les autorités se refusent à engager des recherches qui seraient une perte de temps alors que l'agence peut remplacer rapidement une bonne par une autre. du consommable.
Les paroles de Petra font doucement, douloureusement et honteusement leur chemin vers une prise de conscience de cette vie à son service qu'elle ne voyait pas et de toutes les autres… Elle sillonnera son quartier, questionnera ses voisins et leurs domestiques, sortira de son aveuglement pour comprendre cette disparition subite.

Simultanément, la seconde voix, celle de Yiannis, le locataire de l'étage, nous raconte son amour clandestin pour Nisha et son inquiétude grandissante. Vergers et forêts alentour lui apportent les petits oiseaux migrateurs dont il s'empare cruellement avec des baguettes dégoulinantes de glu, des leurres acoustiques ou des filets japonais. La halte des différents oiseaux de passage sur l'île s'avérera mortelle et se terminera dans les sacs poubelle puis dans les réfrigérateurs de Yiannis. Un braconnage bien plus lucratif que la cueillette des champignons. On pourrait le détester pour cela s'il n'était lui-même pris au piège, à l'image de ses victimes chantantes, par son ami Séraphim qui l'a conduit à le seconder dans ce carnage illicite. On y ressent les derniers frissonnements et l'on entend les dernières notes des chants qui s'échappent des petits êtres ailés prisonniers. le sang et les plumes tachent les mains des voraces.
Il va, à son tour, mener une introspection, à la recherche de son éventuelle responsabilité dans la disparition. Au cours de celle-ci, il fera sortir de l'ombre l'histoire de Nisha avec la tristesse des drames vécus au Sri Lanka.

Ses voix vivent à Nicosie et à quelques kilomètres de là, sur le lac de Mitsero, le soleil se couche et laisse place aux ténèbres. Un lac qui doit sa teinte et sa toxicité à l'exploitation humaine, celle de mines de cuivre désormais abandonnées.

Ce roman est un réquisitoire contre l'égocentrisme de Petra qui, sous prétexte de deuil, se consacre exclusivement à son travail. C'est aussi un plaidoyer pour le courage de Yiannis et Nisha qui consentent des sacrifices énormes à leurs valeurs pour gagner leur vie. Il dénonce par ailleurs l'exploitation humaine et le braconnage intensif qui sont toujours d'actualité, il ne s'agit pas d'actes fictifs.

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre bouleversant d'une grande richesse, confié par les Éditions du Seuil dans le cadre de l'opération masse critique. Ce sont des sujets choquants qui méritaient d'être mis en lumière et Christy Lefteri a su communiquer son empathie pour ces migrants forcés qui, au pied du mur, choisissent le moindre des maux.
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Je remercie très vivement Babelio et les Editions du Seuil qui m'ont emmenée à Chypre par le biais d'une opération Masse-critique privilégiée.
Cette lecture a été un plaisir de la première à la dernière ligne.
J'ai aimé suivre l'histoire de Nisha et Petra, toutes deux veuves et mères d'une fillette.
Si le hasard les réunit, leur destin est cependant bien différent. Pétra est opticienne à Nicosie. Nisha, native du Sri-Lanka a dû quitter son pays, comme bien d'autres, pour gagner en Europe de quoi faire vivre sa famille.
Nisha ne verra plus son enfant qu'à travers une tablette et donnera sa tendresse à Aliki, la fille de Pétra qui l'emploie et l'héberge.
Lorsque Nisha disparait soudainement en laissant son passeport et ses effets personnels, Pétra se heurte à l'indifférence de la police qui n'a que faire de ces femmes vulnérables isolées dans un pays qui n'est pas le leur.
Au fil de cette enquête solitaire, Petra va trouver l'aide de Yiannis, personnage énigmatique.
A travers ce très beau roman, Christy Lefteri met l'accent sur le sort de ces femmes qui à travers le monde subissent des conditions de travail souvent inhumaines. Main d'oeuvre à bon marché, elles sont endettées dès leur arrivée auprès des agences de placement sans scrupules.

Christy Lefteri décrit minutieusement les émotions humaines en dressant avec beaucoup de finesse le portrait et le parcours de vie de chacun des personnages, leurs blessures et leurs fragilités.
L'écriture simple et néanmoins précise et élégante apporte un supplément d'émotion.
Il est impossible de ne pas s'attacher aux enfants qui ont une grande importance dans ce récit. Nous découvrons la peine d'Aliki qui ne comprend pas la disparition de sa nounou, ainsi que le chagrin et la peur de Kumari, privée des appels vidéo de sa maman.
J'ai refermé ce livre le coeur serré.
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Les Oiseaux chanteurs est avant tout le récit de ces femmes invisibles, migrantes venues à Chypre chercher en tant que domestique ou nounou de quoi nourrir leur famille restée au pays, en espérant avoir sur place une meilleure vie. Ce qu'elle n'ont pas. Entre le remboursement des agences qui les placent, les salaires bien en dessous des normes légales, les horaires à rallonge, elles sont dans un état de quasi asservissement.

Une situation que Petra, mère célibataire occupée par son commerce d'optique, ignore totalement. Elle apprécie son employée de maison sri-lankaise, Nisha, qui s'occupe fort bien de la maison et de son unique fille, Aliki. Mais elle ne la connaît pas. Et ne s'est jamais posé la moindre question à son sujet. Jusqu'à ce que Nisha disparaisse subitement.

Aliki pleure sa mère de substitution absente et Petra s'aperçoit de la place qu'occupait son employée dans l'organisation de sa vie.

Yiannis lui aussi s'inquiète. Lui avait repéré et connu Nisha. Les deux s'aiment. Et Yannis avait petit à petit connu l'histoire tragique de cette immigrée poursuivie par les malheurs de la vie, mais qui fait face en souriant, pour assurer l'avenir de sa fille restée là-bas, au pays.

Ce cueilleur de champignons et d'escargot gagne en fait l'essentiel de ses revenus de la capture des oiseaux migrateurs. Une chasse illégale, au filet japonais au petit matin, lorsque les oiseaux se réveillent et volent bas. A la glu aussi.

Yiannis envisageait de quitter cette activité, car Nisha le lui avait demandé. Mais ce n'est pas si simple face à la pression des organisations criminelles.

Voilà deux êtres, qui pour des raisons très différentes, vont essayer de comprendre ce qui peut expliquer comment une jeune sri-lankaise a pu s'évaporer entre le domicile de son employeuse et le lieu du rendez-vous qu'elle avait avec le chef de Yiannis.

L'autrice a choisi de décrire la vie de Nisha – et de ses collègues, de façon indirecte, en montrant la totale absence de considération des Chypriotes pour leur domesticité. Cette approche créé un sentiment de malaise. Petra est loin d'être la mère idéale. Yiannis a plus de coeur, mais son activité a quelque chose de révoltant. La police locale paraît plus s'intéresser au braconnage qu'à la disparition d'employées, un jour là, demain ailleurs.

Ce n'est que lorsque le livre avance, et que Petra commence à prendre conscience de la réalité de la vie de son employée, qu'elle dégage enfin un peu d'humanité. Aux chapitres ternes du début succède alors l'évocation des espoirs de chacun. La partie finale est vraiment poignante.

Le pire dans tout cela c'est que Christy Lefteri a basé son récit sur des évènements réels ayant eu lieu à Chypre en 2016...
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