Du beau travail.
Je crois n'avoir jamais rien lu de
Thomas Legrain, mais force est de reconnaître que le garçon a du talent.
Sud-Vietnam, 1965. Au coeur de la jungle, un groupe de soldats US chargés de baliser le terrain pour le "nettoyage" de l'aviation.
Un récit de guerre, donc, classique et efficace. On a tous en tête des images de films sur cette période. Des souvenirs de lectures ou de cours d'histoire, sur les raisons du conflit, l'enlisement, la guérilla communiste, les exactions commises par l'armée américaine. La photographie de Nick Ut, de cette jeune fille brûlée au napalm ...
Thomas Legrain convoque avec talent et réalisme ces bribes de notre mémoire collective.
Là où son récit devient original, c'est lorsqu'il bascule dans le fantastique, avec cette croyance populaire du
Latah. Un territoire hors de tout temps, où les repères se perdent. le territoire d'une entité qui à la fois protège les hommes mais s'attaque à ceux qui viennent troubler son exil.
Et le récit bascule d'Apocalypse Now vers Predator. On aime ou pas. Et malgré la qualité du scénario et du dessin, je n'ai pas plus accroché que ça au récit.
Si ce n'est que cet aller-retour permanent entre fiction et réalité, entre
Latah et dérives d'un groupe de soldats éclectiques abandonnés à leur sort - ou presque - dans la jungle au coeur d'un conflit qu'ils ne comprennent pas ou plus, permet à mon sens à l'auteur de poser la question de la culpabilité, de la légitimité ou non de nos violences, et pas seulement en temps de guerre.
Un questionnement presque philosophique ou moral, donc. J'ignore si telle était l'intention de l'auteur. C'est en tout cas mon ressenti, renforcé par l'alternance des phases du récit entre fond noir et fond blanc, le noir de la réalité, le blanc du questionnement introspectif au coeur du royaume du
Latah.