J'ai littéralement dévoré ce roman ! la météo m'a certes facilité les choses, mais quand on le tient on ne le lâche plus. C'est une belle histoire de vengeance, un peu dans le style de Dumas (cf. « le Comte de Montecristo »)
Il débute de façon magistrale avec les obsèques du banquier Marcel Péricourt, avec tout le gratin parisien, bien-sûr, de sa fille, Madeleine, son frère le député Charles et sa famille aux hommes politiques, banquiers en passant par les employés, chacun y allant de son chagrin opportuniste… et brutalement Paul, le fils de Madeleine se jette par la fenêtre et atterrit sur la cercueil…
« Marcel Péricourt était justement un représentant de la France d'avant, celle qui avait autrefois conduit l'économie en bon père de famille. On ne savait pas exactement ce qu'on allait mener au cimetière, un important banquier français ou l'époque révolue qu'il incarnait. » P 13
On devine aisément qu'après le décès du patriarche respecté, tout va être bouleversé, chacun va user de stratagème pour remplir ses poches…
En fait c'est le personnage de Madeleine qui est particulièrement réussi : c'est l'épouse divorcée d'Henri d'Aulnay-Pradelle (on se souvient de ce sinistre personnage de «
Au revoir là-haut !) ; elle se retrouve spoliée, ruinée même, grâce aux magouilles de Gustave Joubert, le fondé de pouvoir qu'elle a refusé d'épouser et qui va profiter de la situation pour lui faire signer n'importe quoi : placements toxiques entre autres, largement secondé par Charles le politicard…
Elle a été élevée comme l'étaient les femmes à l'époque, bien savoir tenir une maison, se marier, faire fructifier la famille, mais on ne lui a rien appris sur la banque ou les affaires. Mais, si elle paraît un peu « nunuche » au départ, la façon dont elle va se venger est extraordinaire, implacable, tout sera calculé dans les moindres détails et on pourra constater qu'elle apprend très vite…
L'auteur évoque très bien la misogynie, l'amour de l'argent qui conduit à accumuler toujours plus en voici pour preuve, cette conversation dans un restaurant chic lors de la réunion annuelle de la promotion 1899 de l'École centrale en 1928 qui en dit long sur ce que les hommes pensent des femmes à l'époque :
« La conversation suivait un parcours immuable. La politique d'abord, puis l'économie, l'industrie, on terminait toujours par les femmes. le facteur commun à tous ces sujets était évidemment l'argent. La politique disait s'il serait possible d'en gagner, l'économie, combien on pourrait en gagner, l'industrie, de quelle manière on pourrait le faire, et les femmes de quelle façon on pourrait le dépenser. » P 118
Paul est un personnage que j'ai beaucoup aimé, notamment son intelligence, sa sensibilité et la manière dont il va renaître de ses cendres après sa chute, du haut de son fauteuil, qui ne pouvait passer nulle part. après une période de repli sur lui-même, il va découvrir l'opéra, notamment Solange une cantatrice haute en couleurs dont la voix le fascine et qui va entrer dans sa vie.
Autre personnage truculent : la « nounou » Vladi qui s'exprime uniquement en polonais, très complice de Paul et qui l'escortera partout.
Comme toujours, il y a certes les gentils et les méchants, mais leurs moyens sont-ils si éloignés ? Il y a ceux qui quittent le navire, après avoir manifesté leur soutien infaillible, telle l'intendant Léonce à la vie mouvementée… l'oncle Charles et ses compromissions dignes d'un politicard classique, les journaliste véreux, l'antisémitisme qui monte, la révolte du peuple auquel on demande toujours plus de se serre la vis…
« le gouvernement observait avec inquiétude les couleurs de cet incendie qui gagnait sans cesse du terrain. Des rassemblements de milliers de personnes… Des voitures furent incendiées, mais aussi des magasins, les ambulances faisaient d'incessants va-et-vient… » P 380
Pierre Lemaître découpe son récit en deux parties : 1927-29 puis 1933, deux périodes intéressantes sur le plan sociétal, économique… avec les spéculations boursières, la crise qui s'approche et mêlent très bien l'histoire de Madeleine et la grande Histoire, avec la montée en puissance du Nazisme.
On ne peut s'empêcher de faire des comparaisons avec l'époque actuelle, avec présidant une commission chargée de traquer les comptes en Suisse pour échapper à l'impôt et qui est loin d'être irréprochable (et nous rappelle un certain Mr Cahuzac !), les impôts qui montent en flèche aux dépens des plus pauvres (bien d'actualité aussi) sans oublier la montée du populisme…
J'ai retrouvé avec plaisir le style de
Pierre Lemaître, toujours aussi efficace, et son rythme endiablé m'a plu, davantage même que dans «
Au revoir là-haut », probablement parce que le personnage féminin est bien campé, de même que l'intrigue le tout accompagné d'une belle critique de la société de l'époque…
Bref, vous l'avez compris j'ai adoré, alors laissez-vous tenter…
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