– Si vous voulez progresser, reprit Kloucke, vous devez accepter de vous contraindre à notre petite cure d’abstinence. À mon avis, c’est une question de vie ou de mort. Votre thérapeutique consistera à cesser de voler les gens pendant quelques semaines. Ensuite nous pourrons faire le point sur vos pulsions cambrioleuses.
Lupin avait terriblement de mal à l’envisager.
– Disons que je ne volerai que les riches !
– Non.
– Seulement les personnes morales !
– Pas plus.
– Les banques, au moins ?
– Surtout pas les banques.
– Et l’État ? Ça ne fait de tort à personne ! Il y a tant de musées partout !
– Si je disais oui, tous les chefs-d’oeuvre du Louvre se retrouveraient bientôt dans vos caves.
Lupin fut tenté de répondre qu’ils y étaient déjà.
Barnett accepta cette idée sans discuter, entre gens qui aiment tous les quais de Paris sauf celui des Orfèvres.
Oui, dit Lupin. C'est comme ça que je les aime : doués mais stupides.
Le traitement du Dr Kloucke avait des effets merveilleux sur sa vie. Une semaine avait suffi pour changer un brillant gentleman cambrioleur en une honnête loque humaine sans but ni projet.
[Un paiement à Picasso, jeune artiste débutant] Il déposa sur la table trois nouveaux billets tout pareils au premier, qui furent accueillis très favorablement, bien que les visages représentés dessus aient les yeux à la même hauteur et les oreilles d'un format raisonnable.
- Je n'ai pas droit à l'alcool pendant le service dit Béchoux.
- Ce n'est pas de l'alcool, c'est de la fine Napoléon.
- Ah, bon. Ça va, alors. Le règlement ne dit rien sur la fine Napoléon.
L'ivresse de Ganimard n'aurait pas été plus étourdissante s'il avait nagé dans un bain de clairette de Die.