Nous sommes dans le Massif Central, dans une petite ville aux confins de montagnes hostiles, de bois épais et de pâtures stériles. Il n'y a plus d'industrie, plus de commerces, le silence et l'ennui règnent en maitres.
Certain.e.s vivent là parce qu'ils l'ont choisi, fuyant la vie urbaine, un mariage raté ou le souvenir d'un traumatisme qui ne passe pas.
D'autres y sont né.e.s et ont été façonné.e.s par la rudesse de ces lieux où ils se trouvent coincé.e. s sans espoir d'en partir ; de toutes façons, leur méfiance envers tout ce qui ne leur ressemble pas empêchera toujours ces âmes étroites d'envisager un ailleurs meilleur.
Inutile de préciser que dans ces lieux, l'étranger est toujours un ennemi. Alors, forcément, quand un vagabond s'installe là, il rencontre certes des soutiens, peut-être même un amour, mais il trouve surtout des hommes haineux, confits dans leurs rancoeurs, avec en bouche le goût de la curée.
Côté roman noir, l'atmosphère inquiétante prend à la gorge tranquillement, par petites touches ; l'auteur nous guide habilement dans une ornière dont il est impossible de sortir et très vite il nous convainc : impossible d'imaginer que « ça va s'arranger ». Chacun des personnages porte une partie du drame sur ses épaules, larges ou frêles, on se sent parfois comme dans un western, dans les affrontements de personnes comme dans les scènes de bagarres, très cinématographiques, très réussies.
Côté rural, j'ai trouvé intéressante la description d'une région qui meurt, cette atmosphère d'abandon, loin des grands axes et des lieux d'abondance. Sûr que ce n'est pas là que s'inventent l'agriculture et la société de demain... Les territoires périphériques oubliés, la crise de l'élevage, les néo-ruraux décriés, la violence endémique, l'alcoolisme atavique, l'autorité légale ignorée, les violences faites aux femmes... Comme dans les romans de
Pierre Pelot ou
Alexandre Mathieu, tout y est. C'est parfois appuyé, à la limite de la caricature, les tenants d'une nouvelle ruralité joyeuse, prospère et généreuse, auront du mal à s'y retrouver !
Et quelle belle langue, économe, dépourvue d'effets ronflants, en accord avec le paysage et les drames qui s'y jouent !