AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,16

sur 188 notes
5
17 avis
4
8 avis
3
3 avis
2
5 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Siggi Jepsen est interné dans un centre pour jeunes délinquants situé sur une île de l'Elbe.
Pour avoir rendu feuille blanche en lieu et place de la rédaction attendue sur les "Joies du devoir", il est mis à l'isolement. Seulement, s'il n'a pas satisfait à la demande de son professeur, ce n'est pas par manque d'inspiration, mais à l'inverse parce que le sujet convoquait trop de souvenirs qu'il ne parvenait pas à ordonner. Dans le silence de sa cellule, il les laisse s'exprimer, et commence à noircir un premier cahier...

Début des années 40. le père de Siggi, Jens, est officier de police à Rügbull, dernier poste avant la frontière nord allemande.
La famille Jepsen a pour voisin et connaissance de longue date Max Nansen, un célèbre peintre, qui se voit interdire d'exercer son art, considéré comme "dégénéré", par les autorités nazies. Jens est chargé de faire respecter cette interdiction, mission qu'il exerce avec plus de zèle que nécessaire. Il charge son fils, qui est proche du peintre, de surveiller ce dernier.
La confrontation entre les deux hommes est empreinte d'une sourde hostilité que masque leur sens des convenances. On ne comprend pas très bien les motivations du brigadier. Qu'est-ce qui le pousse à montrer un tel attachement à faire respecter les ordres reçus ? Quel plaisir retire-t-il de la rigoureuse et aveugle application de cette mesure quasi kafkaïenne ? Dans quels sombres méandres de son esprit puise-t-il la force de son inébranlable et effrayante bonne conscience ?

Le jeune Siggi, qui au moment des faits, n'est même pas encore adolescent, est quant à lui comme inspiré par une prescience lui soufflant d'agir à l'encontre des ordres paternels. Discrètement, dans la mesure de ses faibles moyens, intuitivement convaincu qu'il est capital de ne pas museler l'art, cet espace d'expression infini, il dissimule des toiles. Cet instinct qui le pousse à les mettre à l'abri prendra avec le temps une dimension obsessionnelle.

Avec le recul des années, il raconte cet épisode de son existence, et dans sa frénésie d'écriture, transparaît un besoin de délivrance, et de témoigner pour rendre leur légitimité existentielles aux acteurs de ce drame d'aspect bénin, mais symbolique, symptomatique d'une plus grande tragédie qui se joue à l'échelle nationale.

La façon dont le narrateur dépeint les événements, sans grandiloquence ni débordement d'émotion, les dote d'une tension qui reste sous-jacente. Les protagonistes agissent parfois comme animés par des motivations qui les dépassent... la mère, dépressive, mais d'une glaçante intransigeance... Hilke, la soeur fantasque dont Siggi est très proche... Klaas, le frère en fuite, déserteur renié par ses parents... et tant d'autres, qui font des apparitions tantôt fugaces, tantôt marquantes.

Les souvenirs s'enchaînent par séquences comme décorrélées les une des autres, et qui s'interrompent parfois de manière brutale, laissant en plan l'un des personnages dont on ne sait pas ce qu'il devient, sauf s'il réapparaît lors d'une scène ultérieure.

"La leçon d'allemand", c'est aussi la peinture d'une atmosphère, d'un lieu, indissociables de ceux qui les habitent et des événements qui s'y déroulent. La nature y est omniprésente, plaines brunes de tourbe fouettées par le vent que pousse la mer du Nord, terres de vase surplombées d'un ciel bas, marais qui mijotent... On éprouve une sensation de bout du monde, et en même temps celle d'assister à un huis-clos, tant les êtres et leur environnement semblent entremêlés, irréductiblement liés.

Siegfried Lenz nous offre avec ce récit un roman dense, minutieux, qui s'apprivoise peu à peu, qui invite à tendre l'oreille et à faire silence...
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
Commenter  J’apprécie          60
Commenter  J’apprécie          50
Surtout ne pas se fier à la quatrième de couverture qui raconte vraiment n'importe quoi :

En 1943 son père , officier de police , est contraint de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures antisémites à l'encontre de l'un de ses amis d'enfance, le peintre Max Nansen.

Il y a deux choses de vraies dans cette phrase, le père du narrateur est bien chef de la police local, et nous sommes en 1943 . Deux choses fausses, le père policier n'applique pas des mesures antisémites à Max Nansen qui d'ailleurs n'est pas juif , mais il applique des mesures qui combattent l'art dégénéré . Il n'est pas « contraint » de le faire, et ce mot trahit complètement le sens du roman, le chef de la police de Rugbüll éprouve une joie profonde à appliquer toutes les mesures qui relève de son « DEVOIR » . (J'attribue à cette quatrième de couverture la palme de l'absurdité du genre)

le roman se passe en deux endroits différents, le jeune Siggi Jepsen est interné dans une maison pour délinquants sur une île et doit s'acquitter d'une punition car il a rendu copie blanche à son devoir d'allemand sur le « sens du devoir ». Il explique que ce n'est pas parce qu'il n'a rien à dire mais, au contraire, parce qu'il a trop de choses à dire. Commence alors, la rédaction de ses cahiers qui nous ramènent en 1943 à Rugbüll un petit village rural du nord de l'Allemagne dans la province du Schleswig-Holstein. Une région de tourbières et de marais. le père de Jens, le policier local est très fier de ses fonctions. le devoir, c'est ce qui le fait tenir droit dans ses bottes comme tous les allemands de l'époque. le deuxième personnage du récit c'est un peintre Max Ludwig Nansen dont les tableaux ne plaisent pas au régime en place. Tout ce qui est dit sur ce peintre nous ramène à Nodle qui effectivement a peint cette région et a été interdit de peindre en 1943, car sa peinture a été qualifiée d'art dégénéré, alors que lui même avait adhéré au partit Nazi et était très profondément antisémite, (Angela Merkel a fait enlever ses tableaux de la chancellerie à Berlin, pour cette raison) . Rien de tout cela dans le roman, mais une évocation saisissante de la peinture de Nodle qui a compris mieux que quiconque, sans doute, la beauté des paysages de cette région.
Lien : https://luocine.fr/?p=13025
Commenter  J’apprécie          30


Lecteurs (655) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz: l'Allemagne et la Littérature

Les deux frères Jacob et Whilhelm sont les auteurs de contes célèbres, quel est leur nom ?

Hoffmann
Gordon
Grimm
Marx

10 questions
416 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature allemande , guerre mondiale , allemagneCréer un quiz sur ce livre

{* *}