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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
“Il valait - il vaut toujours la peine chez nous - de suivre des yeux quelqu'un qui s'eloigne et dont la silhouette se decoupe dans le ciel. C'est tout naturellement qu'on fait halte dans ces cas-la pour concentrer son attention sur les rapports de l'espace et du mouvement. Et chaque fois, on peut se convaincre de la superiorite ecrasante de l'horizon.”

Siegfried Lenz reussit a merveille a reproduire ce plat pays ou il nous transporte. L'Elbe arrivant en mer du Nord par un estuaire ou l'eau et la terre se melangent. L'eau partout et de partout. Les hautes vagues de la mer, blanches sous un ciel noir. Les canaux sous les digues. La pluie qui enfange les sols. Et le vent, le vent qui force a avancer penche, qui s'infiltre entre les couches de vetements et les rainures des murs. Ces descriptions de paysages, de leur nature, auraient suffi a me faire apprecier le livre. Mais il y a plus. Beaucoup plus.

1944. La machine de guerre nazie croule. La fin est previsible, sinon carrement visible. Mais en ses territoires, propres ou conquis, le regime s'acharne. Lenz ecrit l'acharnement contre les artistes “degeneres”. On interdit a un peintre de continuer a peindre. Mais il ne peut s'arreter. Peut-on arreter de respirer? Il peint alors des “peintures invisibles”. Et meme celles-la on les lui prendra, volera, brulera. Lenz s'est inspire de la vie et des vicissitudes d'un artiste reel, Emil Nolde. Nolde avait adhere au parti nazi, c'etait un anti-semite notoire, mais ses oeuvres, expressionnistes, grotesques, aux couleurs truculentes, avaient fini par le designer comme “degenere”. Elles sont confisquees et nombreuses d'elles detruites. Il se retire alors a Seebull dans le nord et produit en cachette des aquarelles qu'il appelle “ses tableaux non-peints”. Dans le livre, Seebull deviendra Rugbull, et Nolde sera denomme Nansen (recouvrant le vrai nom de Nolde, Hansen). Par le personnage du peintre, Lenz rapporte les vacillations de l'artiste, ses deliberations interieures, ses doutes, et nous dispense une etude de la couleur et de la lumiere, a travers les legeres differences de tons, a travers les contrastes de couleurs qui les marient en fin de compte. Comment un artiste se debat pour exprimer son monde, comment il arrive a faire surgir un monde ou personne n'est a sa place, ou les heros ne sont jamais vainqueurs, mais toujours souffrants ou faisant souffrir. Un monde ou les couleurs peuvent donner des frissons. Cette reflexion sur l'art et les debats interieurs de l'artiste suffirait a me faire gouter ce livre. Mais il y a plus, beaucoup plus.

Un peintre est interdit de peinture. C'est un policier rural qui doit le lui annoncer, et le controller, s'assurer qu'il n'enfreint pas l'interdiction. Dans cette region rurale, dans ces petits patelins, tout le monde se connait. le peintre et le policier sont amis, ils ont grandi ensemble et le peintre a meme, dans leur jeunesse, sauve la vie au policier. Mais celui-ci a recu un ordre, et il a le sens du devoir, il s'acharnera a remplir cet ordre a la lettre. Son “devoir”, il l'accomplira fanatiquement. Cela comptera plus que tout, que l'amitie, que la logique, au prix de detruire sa propre famille. Il l'accomplira avec une tenacite aveugle, une obstination rageuse qui continuera meme apres la chute du regime. Il ne peut questionner ses ordres, son “devoir”, qui deviendra sa maladie. Par l'entremise du policier, Lenz s'attaque a la responsabilite, non du regime, non de l'Allemagne, mais de chaque allemand. Il pose le grand dilemme, universel, de tous ceux qui recoivent un ordre, de tous ceux qui accomplissent une mission: ne se doivent-ils pas de jauger cet ordre a l'aune d'une ethique humaine, de valeurs morales? Et comment le faire? Et quel en est le prix? Comment mettre ce prix envisage dans la balance? Qui est capable de peser cela? Combien en seraient, en sont capables? Combien seraient, sont capables de l'assumer? Quand et comment l'indifference, l'inconstance, deviennent lachete?

Et est-ce que la faiblesse humaine peut faire pardonner, absoudre, l'abandon moral? Lenz nous force a reflechir aux responsabilites de chaque homme, qui redoublent en temps de crise. Il suffirait de cela pour me pousser a louanger ce livre. Mais il y a plus.

La lecon d'allemand est la punition d'un jeune delinquant, Siggi (diminutif de Siegfried...), enferme dans une maison de re-education au bord de l'Elbe, en 1954. le pensum qu'il doit ecrire sur “les joies du devoir”. Il ecrit et ecrit, et n'arrete pas d'ecrire. Ses souvenirs. Lenz melange en virtuose ce que Siggi ecrit et ce qui se passe reellement pendant sa detention. le lecteur finira par savoir, en fin de livre, pourquoi il est detenu, quelle est sa faute. Mais le gros des armees de Cesar, le gros du livre, sont les souvenirs d'enfance et de jeunesse que Siggi couche sur le papier. A Rugbull, pres de la mer du Nord, pres de la frontiere denoise. Dechire entre un pere autoritaire a l'extreme, policier imbu de la superiorite de sa charge et mu par un sens du “devoir” exacerbe, jamais mis en cause, jamais mis en question, et un “oncle” peintre, qu'il admire et qui lui octroie le peu de chaleur humaine dont il a besoin. Son pere le somme d'espionner le peintre, alors que ce dernier representera pour lui la generosite, un certain altruisme, et s'aidera de lui pour cacher ses oeuvres. Il l'introduira aux mysteres de la couleur, a la valeur de l'art, et Siggi deviendra un amateur inspire, puis un collectionneur enflamme, frenetique, developpant une phobie malsaine l'amenant apres la fin de la guerre a voler des oeuvres d'art et les cacher, de peur qu'elles ne soient detruites. Siggi aussi developpera donc, malgre lui, un sens de la responsabilite, du devoir, qui annihilera tout concept de faute, toute pensée de culpabilite. Arrete, juge, inculpe, enferme, il ecrira des cahiers entiers sur “les joies du devoir”, beaucoup plus que ne lui demandaient ses maitres, ses geoliers, pour essayer de comprendre ce qu'a signifie dans sa vie le devoir, les differents sens donnes a ce terme par differentes personnes de son entourage et l'influence que cela a eu sur lui, pour le meilleur et pour le pire. Et le lecteur ne sait si compatir ou accuser. Lenz excelle a nuancer le personnage, ses doutes, ses tergiversations, et en fin de compte son acharnement, sa folie. Il excelle a eveiller notre empathie, malgre tout. C'est une victime, qui nous renvoie a l'ancienne interrogation-indignation soulevee par le prophete Jeremie: “les peres ont mange du verjus et les dents des enfants en sont agacees?”. Siggi est le sacrifie qu'ont porte ses parents, la generation de ses parents sur l'autel du devoir. Oui, il est un personnage touchant. Mais Lenz a fait plus que planter un personage. Beaucoup plus.

Ce livre est l'opus magnum de Lenz. Une des plus grandes oeuvres de la literature allemande d'apres guerre. Une ecriture splendide. Majestueuse dans ses descriptions de l'environnement, de la nature. Admirable dans les questions qu'elle souleve, dans le domaine de l'ethique et dans le domaine de l'art. Fastueuse dans la profusion de details de la vie quotidienne, de gestes qu'on arrive a voir, realistes comme des photos prises a l'insu de leurs protagonistes.
Ce livre ne m'a pas ete qu'un plaisir de lecture. Plus que ca. Beaucoup plus.
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Le 23 août 1941, le peintre Max Ludwig Nansen est frappé par l'interdiction totale de peindre, son amitié avec le brigadier Jens Ole Jepsen, vole en éclats, son ami est chargé de faire appliquer la loi. Siggi devient le complice des deux hommes, le père lui fait promettre de l'aider à pincer Max, le peintre lui confie des toiles pour les cacher.

De ce huis clos naît une oeuvre bouleversante de puissance et de beauté, juste à la frontière avec le Danemark, n'y passe que le vent, et un étrange manteau bleu.

Le peintre Max Ludwig Nansen

"Je voulais qu‘au travers de moi comme peintre, les couleurs se déploient sur la toile, comme la nature les avait créées," Emil Nolde se définissait comme l'homme du nord, l'homme des tempêtes des couleurs, et du poids de l'obscur. Emil Nolde ce très grand artiste sert de modèle à Siegfried Lenz, pour porter le destin de Max Ludwig Nansen.
Le lecteur sera fasciné par lumière translucide qui émane des peintures de Max, comme une annonce des tableaux transparents, invisibles par la magie de l'eau, se déjouant de la stupidité de son interdiction.

Max Ludwig Nansen, déploie les paysages éphémères et les ressauts du vent dans une profusion de couleurs, " le papier s'égouttait... en filaments de lumière rouges, jaunes sulfureux ; de sombres lueurs fleurissaient les crêtes des vagues.p408"

Ce peintre, et sa peinture sont l'essence même du livre, les paysages du nord sont tout au long du texte transfigurés par des descriptions fulgurantes, d'une poésie incandescente.
la tragédie mise en scène dans la Leçon d'Allemand, commence avec l'interdiction faite à Max de peindre, la confiscation de ses toiles, son point d'orgue.

Le jeune Siggi Jespen

Le jeune Siggi, cloîtré sur une île avec d'autres adolescents, purge une peine, la punition du jour, expliquer « les joies du devoir ».

Siegfried Lenz, s'efface pour laisser le lecteur avec Siggi Jespen et sa Leçon d'Allemand. La page laissée blanche, interroge les psychologues ; ce sont les premiers prémices du syndrome Jespen car tout son comportement intrigue chez ce jeune, si différent des autres de la maison de correction.

"Rassemblant alors toutes mes forces, je déblayais pour ainsi dire les ornières qui sillonnaient la plaine de ma mémoire et en retirais toutes les scories pour ne garder de ce bric-à-brac que l'essentiel,
c'est-à-dire mon père et les joies du devoir". " Mon père, l'Éternel exécutant, le scrupuleux exécuteur."

Patiemment, au fil des jours, le bientôt tout jeune adulte, Siggi raconte par le menu, en 570 pages serrées, son enfance entre ces deux hommes. Ses espoirs et ses souffrances, basculant de l'affection de l'un, au respect de sa filiation, avant de prendre le chemin de la liberté. 

Je crains ses silences plein de sous-entendus son mutisme solennel, je le hais aussi, je regarde ses gestes vagues,
je crains oui, je crains cette habitude que nous avons de nous pencher sur nous-mêmes et de renoncer aux mots.
P132

Très tôt on comprend qu'il a pris le parti du peintre, déjouant les pièges tendus par son père, le ridiculisant quand il repeint sans queue ni tête des fragments d'aquarelles. Il soigne ses cachettes comme des repères, gardant avec lui les clés, les clés de son destin comme les clés de ses secrets.

Omniprésent, surveillant, mais pour son propre compte, il sait mentir se moquer rendre ce père ridicule, risible dans son ardeur à obéir, "oui un homme utile doit savoir obéir".

Jens Ole Jepsen

le père de Siggi sera l'unique lauréat des joies du devoir, oscarisé par witwit (petit nom de Siggi que lui donne le peintre), il ramasse par brassées toutes les fleurs du devoir au point d'y sacrifier toute sa famille.

Au delà des hostilités, il ne désarme pas. Il sera seul, peut être, mais ne lâchera rien. L'épisode de la milice est savoureux, comme un point de non retour à sa hantise, son obsession, détruire l'oeuvre d'un dégénéré !

Il brûlera des carnets, des esquisses, des toiles invisibles...
Il livrera Klass son fils, il brûlera le vieux moulin, il dénoncera sa fille exigeant qu'elle brûle la toile où elle danse sur des vagues. Il découvre que ses enfants posaient pour le peintre !.

Sa femme souffla alors à Jens, fixant la raie impeccable de mon père et, comme de juste, elle dit: "parfois je pense que Max devrait se réjouir de cette interdiction.
Quand on voit le genre humanité qu'il peint: ces visages verts, ces yeux mongols, ces corps difformes, toutes ces choses qui viennent d'ailleurs: on sent qu'il est malade. Un visage allemand, on n'en rencontre pas chez lui.
Mais à l'étranger, il est très connu, dit mon père on l'apprécie beaucoup. Parce qu'ils sont eux-mêmes malades, dit ma mère; c'est pour ça qu'ils s'entourent de personnages malades."

Il remplissait sa mission, il pédalait sur cette voie sans issue qui ne le menait jamais qu'à Bleekenwarf, d'éternité en éternité, AMEN.
P14

la richesse de ce roman est sans aucun doute, ses multiples réflexions, ses interrogations, sur le sens qu'il faut donner à la vie, Siggi dépassera ses lubies, le père en dénonçant ses enfants a créé une rupture, que Klass incarne.

Il y aurait tant à dire.
C'est un merveilleux récit, comme Lionnel Duroy on aimerait longer cette voie sans issue, où l'imagination trace des chemins infinis, où les mouettes vous font des lits de plumes et les engoulevents jouent avec la course des vagues.

Un chef d'oeuvre qu'on laisse à regret, avant de replonger dans les couleurs.











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Il y a l'eau, omniprésente, l'Elbe, les canaux, la mer, la pluie, les tempêtes, il y a la terre, les digues, la tourbe, les chemins creux, au point ou parfois tout semble se mélanger et puis de la couleur, partout, celles du ciel et des peintures de Max.

Siggi, jeune homme d'une dizaine d'années, sera tiraillé entre l'obéissance au père Jens Ole Jepsen, officier de police, homme de devoir, qui doit surveiller leur ami Max Ludwig Nansen pour lui interdire de peindre, et son admiration pour les peintures de son ami et voisin Max.

Le sens du devoir, si important dans la morale du citoyen du Nord de l'Allemagne dans les années 1940, est ici poussé à l'excès par un père qui veut montrer qu'il est irréprochable et ne sera pas pris en défaut à cause de son amitié pour le peintre.
A un moment donné, l'officier de police surprend l'artiste avec un carnet de croquis mais qui n'est rempli que de pages blanches. L'artiste lui confesse alors qu'il y a fait plusieurs dessins invisibles. L'officier confisque immédiatement le carnet.

Max le peintre lui, serait inspiré d'Emil Nolde, peintre très connu en Allemagne, moins en France mais qui a fait l'objet d'une première belle exposition au Grand Palais à Paris en 2008. Il y avait notamment une peinture de l'Elbe avec des jaunes sublimes - qui malheureusement ne sont pas du tout les mêmes dans le catalogue de l'exposition –qui correspondrait bien à la vue qu'a Siggi de l'Elbe lorsqu'il est enfermé dans une maison de correction pour ne pas avoir réussi à répondre à un devoir sur « les joies du devoir ».

Un très beau livre, très émouvant.

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Il y a tout l'art du peintre dans ce beau roman qui décrit superbement le plat pays de l'estuaire de l'Elbe et évoque la vie d'un peintre, Max Nansen (derrière lequel on peut reconnaître le peintre Emil Nolde) dont les toiles sont interdites par le Reich. L'action se passe sous la seconde guerre mondiale. le récit est celui d'un jeune garçon qui doit disserter, comme punition, sur " Les joies du devoir ". de son long travail nait une réflexion sur l'obéissance, du fils à son père, du citoyen au régime, dans une très belle écriture, ample et profonde. Un chef-d'oeuvre, assurément, dont on a peu parlé, sauf en Allemagne où l'auteur est comparé aux plus grands écrivains.
Le peintre Emil Nolde fut pourtant moins exemplaire que ne l'indique le roman. S'il est vrai que ses oeuvres furent classées parmi celles des "artistes dégénérés", le peintre fit tout ce qu'il pu, en vain, auprès du Reich pour faire lever son interdiction en se réclamant de son antisémitisme, de son appartenance au parti et de son adhésion aux théories nazies.
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Enfermé dans un centre pour délinquants Siggi Jepsen doit faire un devoir d'allemand dont le sujet « les joies du devoir » lui semble familier. Il a des choses à dire, il essaye de faire appel à ses souvenirs
"Rassemblant alors toutes mes forces, je déblayai pour ainsi dire les ornières qui sillonnaient la plaine de ma mémoire et en retirai toutes les scories pour ne garder de ce bric-à-brac que l'essentiel ". Mais il s'est avère incapable d'écrire tellement les mots se pressent, tellement il est urgent pour lui de dire ce qu'il a vu, vécu, et en quoi tout cela touche de près le sujet du devoir.
Ecrasé par ce trop plein, il rend un cahier vide. La punition ne tarde pas, il doit coûte que coûte faire ce devoir; l'enseignant n'a pas compris, "il refusa de croire qu'on pût avoir tant de mal à commencer, il ne put se faire à l'idée que l'ancre du souvenir n'eût trouvé prise nulle part, qu'elle n'eût fait que bringuebaler et traîner au fond des eaux profondes en soulevant tout au plus des nuages de vase mais sans faire jamais place au calme, au repos indispensables quand on veut lancer un filet sur le passé. "
Enfermé jusqu'à ce que devoir s'en suive Siggi va enfin écrire et raconter son histoire "Je me transportai directement à Bleekenwarf ou Max Ludwig Nansen m'attendait avec son oeil gris et son air malicieux pour m'aider à filtrer mes souvenirs "

1943 dans une région de terre et d'eau à l'embouchure de l'Elbe. Deux personnages dominent le roman, Jens le père de Siggi, policier respectueux de l'ordre et Max Ludwig Nansen artiste peintre qui se voit traité de peintre dégénéré et notifier par les nazis l'interdiction de peindre.

Max est l'ami de Jens à qui il a sauvé la vie autrefois, mais il est aussi attaché à Siggi, l'enfant passe de longues heures à le regarder peindre, lorsque Jens par « devoir » doit surveiller le peintre, signaler tout manquement à l'interdiction qui lui a été faite, c'est Siggi qu'il charge d'espionner. Il y a aussi Klaas le frère aîné qui est à l'hôpital, et Hilke la soeur amoureuse d'Addi accordéoniste épileptique.
Des liens vont se nouer, d'autres être rompus à jamais, Siggi et tout le village seront témoins du sens du devoir du policier Jens Jepsen qui veut montrer à tous que l'obéissance aux ordres est supérieure à l'amitié et peut se transformer en obéissance aveugle.

C'est un récit ample, où la nature est omniprésente, les digues et les moulins, les chemins creux et les canaux, les tempêtes, les couleurs du ciel et le jeu des nuages sont des personnages du roman. Et bien sûre le vent " Mais peut-on parler de vent : ce souffle du nord-ouest se lançait rageusement à l'assaut des fermes, des haies, des rangées d'arbres ; ses charges tumultueuses, ses embuscades mettaient à rude épreuve la résistance de toute chose et façonnaient le paysage à leur image : un paysage noir et venteux, tordu, échevelé et plein de significations ambiguës "

'auteur utilise les retours en arrière mais aussi des interruptions dans le récit comme pour nous donner le temps de reprendre haleine et de nous interroger sur ce qui se passe. Certains personnages sont abandonnés à leur sort sans que l'on sache immédiatement ce qu'ils deviennent et notre inquiétude nous fait avancer fébrilement dans la lecture.
l'intrigue s'inspire de la biographie de Emil Nolde peintre mais l'auteur par cette ressemblance veut aussi rendre justice à tous les artistes persécutés et victimes d'oppression.
Roman magnifique et profond, d'une force rare, l'auteur pénétré de la conviction que l'écrivain a un rôle moral à jouer et que la fiction romanesque peut constituer un biais pour comprendre l'histoire et le monde, a donné là un texte à la hauteur de son ambition.
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Chef d'oeuvre de la littérature allemande méconnu sans doute des jeunes générations loin des tourments de la guerre et des réflexions morales et philosophiques qu'elle a engendrées chez les Allemands.
Ce texte est la punition du jeune héros accusé de rendre copie blanche sur "les joies du devoir". Il s'est volontairement reclus pour écrire ses souvenirs des années 43 lorsque son père policier a dû interdire à son ami peintre de peindre ses toiles perçues comme dégénérées par les nazis. C'est donc une explication- réquisitoire contre son père et sans doute aussi contre le peuple allemand qui a cru ne faire que son devoir en allant bien au delà et jusque dans une folie obsessionnelle . le jeune homme devient une sorte de résistant contre toutes les formes d'oppression, paternelle, institutionnelle ... et semble un des seuls à comprendre l'art du peintre et à le protéger en cachant ses toiles.
Nodle, véritable nom du peintre expressionniste est au centre du roman. Les paysages de cette région oppressante et brumeuse du Nord de l'Allemagne où le regard se perd dans les méandres de l'Elbe sert de cadre au regard.
La construction du récit est parfaitement maîtrisée par une écriture qui dépeint à l'aide de petites touches précises comme le ferait un pinceau.
Pas étonnant que Lionel Duroy dans son roman Echapper, que j'ai lu cette année, ait souhaité partir sur les lieux de cette histoire entre fiction et réalité pour se nicher au plus près de chacune des pages et percer les secrets de cet incroyable rendu pictural, littéraire et philosophique.
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Siggi Jepsen devait rédiger un devoir sur le thème "Les joies du devoir"... Il rend une copie blanche. Non pas par manque d'inspiration, mais il a tant de choses à dire. Alors il est puni, il restera enfermé dans sa chambre du centre de redressement où il se trouve, tant qu'il n'aura pas achevé son devoir.
Siggi se met alors à écrire, écrire, sans jamais s'arrêter. Cahier après cahier, jour après jour, mois après mois il raconte le plat pays, les brumes et le froid de cette Allemagne du Nord, son père policier, son ami peintre, les derniers mois de guerre, l'après guerre. Personne en peut l'arrêter.
Jens Ole Jepsen, son père, était le responsable du poste de Police de Rugbüll. A vélo il effectuait son travail de policier de l'Allemagne nazie, surveillait les gens, et surtout faisait respecter sans état d'âme les décisions prises par le régime. Toutes les décisions, même celles qui touchaient ses amis.
Il eut notamment à notifier l'interdiction de peindre à son ami Max Ludwig Nansen peintre sans doute considéré comme dégénéré car non conformiste par le régime. "....il provoquait sur sa toile des hémorragies de gris étain, quand il recourait au violet furieux et au blanc froid pour peindre ce vent de nord-ouest".
Alors avec zèle il le surveillera, confisquera ses oeuvres, les détruira, faisant fi de leur amitié passée ! Un ordre est un ordre ! Zu Befehl !
Le gamin assiste à cette violence, mais ne reste pas impuissant. Il fait ce que sa conscience lui impose et enfreint les ordres de son père. Un devoir bien différent de celui de son père...
Je n'en dirai pas plus. Les mois se succèdent, l'Allemagne est délivrée du régime nazi. Mais toutes les consciences ne le sont pas. le devoir tourne à l'obsession, à la folie.
Les cahiers s'empilent et la gamin raconte cette atmosphère pesante, ces manteaux de cuir, ces tempêtes de vent, cette amitié avec le peintre, ces conversations entre deux amis le peintre et le policier qui, par devoir, deviendra son ennemi, la folie de l'un, l'extravagance artistique de l'autre rejetée par le régime, l'amitié du gamin pour le peintre, le regard du gamin sur son père....
On découvre au fil des pages Un autre devoir, celui du gamin....devoir des uns, devoir des autres...une notion bien personnelle.
Cette présentation de l'Allemagne nazie, de l'oppression du régime modelant les idées et les pensées, imposant ce qu'est le beau m'a séduit. L'auteur n'évoquera jamais ce qui fait le sujet de la quasi totalité des autres romans ayant pour thème cette période, les Juifs, les camps...Pas ou très peu de violence physique, la seule violence exercée par ou sur les personnages est la violence exercée sur les esprits par ce régime. Une violence qui oppresse les hommes. Un peu comme ce ciel gris, ces tempêtes, ce vent contre lequel on doit lutter pour avancer, ce froid de cette Allemagne du Nord.
Belle découverte de cette auteur.
"Ce qu'il y a dans la tête, vous ne pouvez pas le confisquer." (P. 173)......s'il n'y avait qu'une phrase à retenir, ce serait celle que je retiendrais
Merci à toi, mon ami Bernard, toi qui avant de partir, vaincu par le crabe, as souhaité me laisser cet ouvrage. Tu aimais l'Allemagne, la liberté, l'art. Tu détestais les cons et le prétentieux. Tu aimais les gens simples. Tu me manques.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Grand roman de la prise de parole d'une première génération d'" héritiers " en quête d'une confrontation avec l'implication de leurs aînés dans le national-socialisme, La Leçon d'allemand tire sans doute son succès - retentissant à sa parution en Allemagne en 1968 - de la mise en scène de la rébellion d'un fils qui n'en finit pourtant pas de payer pour le destin coupable de son père.4
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Extrait de la magnifique critique sur le site "Le Matricule des Anges"
Lien : http://www.lmda.net/din/tit_..
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C'est dans un centre de rééducation pour adolescents que s'ouvre le roman.
Le jeune Siggi Jepsen doit rédiger un texte dont le sujet est "Les joies du devoir" .
Un thème qui peut sembler anodin mais qui -pour Siggi- est lourd de sens.
Tellement lourd qu'il rend feuille blanche. le directeur de l'établissement le somme
de travailler pour en sortir quelques pages.
Quelques pages qui vont prendre des heures, des jours, des semaines.
Car, c'est une enfance douloureuse, jusqu'ici enfouie au plus profond de lui-même, qu'il va falloir libérer.
Celle d'un père policier, chargé par le régime nazi de surveiller et saisir les peintures effectuées par son ami d'enfance.
Un père qui remplit son devoir jusqu'à l'absurde, piétinant les relations amicales et familiales.

Une oeuvre puissante, dense, ou la symbolique est omniprésente.
La région de Hambourg , l'Elble, le vent puissant, les mouilins à vent, les couleurs ternes.
L'auteur nous plonge dans une page sombre de l'Histoire mais le message est plus vaste.
Face à la dicature, l'Art reste une réponse majeure.
L'auteur nous interroge sur la rééducation (ou son asbsence) d'une génération qui a agit en pensant "faire son devoir" .
Un très, très grand roman dont je dois la lecture à une fidèle "prescriptrice" (Merci Alma !)
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J'ai un souci: je ne sais pas par où commencer... je vais essayer de classer mes idées.
Tout d'abord, l'apparence du livre: si j'avais traîné dans les rayons d'une librairie, je n'aurai pas posé mon attention sur ce livre. Pourquoi ? le titre ne m'attire pas trop, et la couverture encore moins (tant que je ne connais pas l'histoire bien entendu). Lorsque l'on m'a proposé de le lire, je me suis dit : "aller on tente, nous verrons bien". Puis le résumé est tout de même alléchant. Je suis curieuse de nature.
Maintenant, le déroulement de l'histoire: Nous sommes dans la peau de Siggi, en maison de redressement, qui effectue la rédaction la plus longue de sa vie: celle qui raconte son enfance et le pourquoi du comment il a "atterri" dans ce lieu. le livre va osciller entre le passé (la rédaction de Siggi) et le présent (la cellule, les gardiens, ...).
Enfin, mon avis à proprement parler: J'ai beaucoup aimé les personnages. Il y a ceux que l'on aime dès le début (Siggi, le peintre, ...), ceux que l'on n'aime pas dès le début (la mère, ...) et ceux pour lesquels nous avons un sentiment évolutif tout au long du livre (le père notamment). Les joies du devoir, le titre de la rédaction de Siggi, nous est illustrée le plus grandement par le père de Siggi. En effet, policier pendant la guerre, il a dû faire respecter l'interdiction de peindre au peintre Max Ludwig Nansen. Après la guerre, il n'a pu se défaire de ce devoir qui est devenu pour lui une idée fixe. le côté dur de cette histoire, d'après moi, reste l'amitié entre le peintre et le policier qui s'est déteriorée jusqu'à devenir de la haine.
J'ai beaucoup apprécié que, malgrès le fait que cela se déroule durant la guerre, il n'y a pas de scène de combat dans ce livre.
Il nous permet également de réfléchir à l'impact que peuvent avoir nos comportements sur les plus jeunes, notamment les enfants qui se construisent selon ce qu'ils voient, selon ce que font leurs parents et amis.

Une question me reste en tête: Siggi a-t-il vraiment eu des hallucinations suite à son enfance ? Ou bien a-t-il le don de seconde vue comme l'a son père ? Ou alors, autre possibilité, son père a-t-il également des hallucinations ?
Oui je sais ces questions sont "petites" et de moindre importance par rapport à cette grande histoire. Mais elles sont là !

Malgré son nombre imposant de pages (572), ce livre m'a tenue en haleine du début à la fin. Je suis d'ailleurs à la fois contente et triste de l'avoir terminé. Je me suis attachée au peintre et à Siggi, plus qu'aux autres personnages. Il va me falloir les laisser se reposer à présent, pour pouvoir partir dans de nouvelles aventures livresques :).

Lien : http://lacavernedankya.canal..
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