Le sort des petites gens est-il donc d'être broyés chaque fois qu'ils approchent des grands ?
En frappant ainsi leurs rondaches, les guerriers invitaient la mort à la rencontre de deux hommes, dont l'un lui serait livré.
La vie, lui avait dit la mourante, est semblable à l'écume qui flotte un bref instant dans les remous d'un torrent. Il est temps pour moi de rejoindre le flot ultime, de me laisser porter par le flux qui entraîne toute chose et fait tourner les étoiles autour du grand axe. Non, ne pleure pas. Tel est l'ordre du monde : tout s'écoule, le fleuve, le sable de la rive, le vent dans les feuillages. Les montagnes elles-mêmes disparaîtront un jour, usées par les glaciers eux-mêmes condamnés par la fonte. Tout n'est qu'impermanence. Alors danse. Danse ta vie. Danse tes joies. Danse de tout ton corps tant qu'il est encore souple, tant qu'il est encore ardent. Ne laisse rien ni personne ralentir ton pas ni te dire où poser le pied. Souviens-toi, aux heures du doute qui ne manqueront pas de sonner, que rien n'est plus important que ta danse.
… la guerre ne connaît qu’un vainqueur. Mort est son nom. Même celui qui survit demeure à jamais marqué de son sceau. »
En vérité, voici ce qu'il en est : la guerre ne connaît qu'un vainqueur. Mort est son nom. Même celui qui survit demeure à jamais marqué de son sceau.
Si l'homme n'est pas le jouet de dieux dont les raisons lui échappent, il faut qu'il ait le cœur bien sombre pour infliger à ses semblables ce qu'il leur fait subir.
- Je ne suis l'ennemi de personne.
Un autre moment de silence, ponctué d'un tressaillement imperceptible à chaque élancement, puis :
- J'ai toujours nourri l'espoir que cela ferait de moi l'ami de tous. Ça a été très dur d'admettre que je me trompais.
Et Kelt de narrer son embarquement et son naufrage. Les enfants frémirent à l'évocation des vaisseaux pirates aux manœuvres garnies de cadavres en décomposition, et plus encore quand le conteur décrivit les flots déchaînés dont la noirceur laissait entrevoir les monstres livides qui les hantaient. Puis Kelt décrivit son sauvetage et, la voix vibrant sur le mode de l'épopée, les efforts héroïques déployés par son compagnon horsto, avec un réalisme que Hoggni trouva surprenant, de la part d'un homme qui était resté inconscient jusqu'à ce qu'il l'ait traîné hors de l'eau.
- Qu'importe le nombre, en vérité, voici ce qu'il en est : l'océan les mettra tous à égalité, proféra-t-il.
Qu'est-ce qui poussait les hommes à imaginer des constructions qui leur survivraient au-delà des générations ? Orgueil ? Pied de nez à la mort ?