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Critique de mh17


mh17
11 septembre 2023
La Princesse Ligovskoï de Mikhaïl Lermontov (1814-1841) est un roman inachevé et c'est bien dommage !
Lermontov le commence en 1836 mais à la suite d'une dispute avec son cousin Nicolas Stolypine, il est arrêté, emprisonné, accusé d'« appel à la révolution », puis exclu de la Garde et envoyé dans un régiment de dragons dans le Caucase où il écrira entre autres le Démon. La Princesse Ligovskoï est publié pour la première fois en 1882 dans la revue littéraire le Messager russe, bien après la mort de son auteur.


le roman débute par un accident spectaculaire et emblématique. « En 1833, le 21 décembre à quatre heures de l'après-midi » dans le centre de Saint-Pétersbourg, un jeune fonctionnaire est renversé par un traineau qui appartient à un officier de cavalerie de la Garde. le trotteur bai et le plumet blanc filent sans se retourner. Pendant que le jeune fonctionnaire rumine son amertume, l'officier qui est arrivé dans son riche palais décoré d'un luxe clinquant, oublie immédiatement ce qui s'est passé. Grégoire Alexandrovitch Piétchorine, que les siens appellent Georges, à la française, a bien d'autres chats à fouetter. Il intercepte une carte de visite destinée à sa mère et y lit , imprimé en caractères gothiques : «  le prince Etienne Stiépanovitch Ligovskoï et la princesse ». Il tressaille, il pâlit et jette la carte au feu avant de s'en repentir. le soir même, au théâtre Alexandra, Piétchorine revoit une ancienne conquête et s'empresse de l'éviter. Puis il se rend au restaurant Phénix et tombe sur Krasinski le petit fonctionnaire qui exige des excuses. Piétchorine en réponse propose de régler leur différend par un duel...

Ce petit roman est épatant. On ne s'ennuie pas une seconde. D'abord les deux intrigues sont savamment entrecroisées avec digressions et clins d'yeux au lecteur. On se demande jusqu'au bout comment vont tourner l'affrontement entre le petit fonctionnaire désargenté et le riche officier, et puis les retrouvailles sentimentales entre Piétchorine et la Princesse. Ensuite la peinture de la société mondaine pétersbourgeoise est formidable, précise et ironique. On a une galerie de portraits esquissés en deux ou trois traits saisissants et cruels à la Gogol. Les descriptions des lieux sont remarquablement concrètes et précises. Les dialogues sont fameux, dans la vie quotidienne, chez les domestiques, au bal ou au dîner. Les conversations y sont vides et pompeuses, les potins, les calomnies terribles s'enchainent avec le plus grand sérieux, au point qu'une vieille dame manque de s'étouffer avec ses asperges. Les dames ne sont pas épargnées. Piétchorine est arrogant, cruel et cynique mais aussi très complexé. Il cherche constamment à savoir ce que les femmes pensent de lui. Il est jaloux de Krasinski au physique avantageux qui fait tourner les têtes. Piétchorine feint le cynisme à la mode pour épater la galerie «c'est-à-dire être connu comme une personne capable de faire le mal quand bon lui semble » et il réprime en même temps ses véritables sentiments. Il rappelle par certains aspects Eugène Onéguine, cité en exergue ("Tire ! Tire ! crie une voix"). Il cherche à être reconnu de la bonne société et la méprise tout à la fois. le personnage de Piétchorine sera amplement développé dans le chef d'oeuvre Un héros de notre temps.

Lermontov est un immense écrivain, méconnu en France. Ce petit livre permet de le découvrir.
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