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Critique de Laccrocheplume


Dernier volet de la trilogie savoureuse de Deborah Levy, « Etat des lieux » raconte le cheminement de l'écrivaine et de la femme qu'elle est devenue après le départ de ses enfants. Dans ce livre, elle s'interroge sur le lieu idéal habitable, elle qui a « passé un temps fou à scruter les vitrines d'agents immobiliers en quête d'un domaine » à elle. Convoquant toujours les figures littéraires tutélaires qui l'accompagnent, Duras, Dickinson, Woolf, l'auteur explore dans chaque chapitre un lieu géographique qu'elle a occupé : NY, Londres, Paris, Mumbai, l'île d'Hydra, avec des retours sur sa terre d'origine en Afrique du Sud. Elle passe du registre existentiel au registre professionnel, en passant par la case géographique et les objets qui l'accompagnent avec une grande agilité d'esprit. En une page elle se questionne sur la reconnaissance de son travail « Se faire un tant soit peu voir et entendre est un combat, alors qu'est ce qu'une autrice peut faire pour changer ça ? Si elle invente des histoires dont les protagonistes sont vus et entendus, est-ce que ça sera crédible ? », sur le chemin à parcourir pour rejoindre son foyer, sur la difficulté de trouver sa chambre à soi dans un soucis de vérité.

« La vérité vous libérera mais d'abord elle vous emmerdera. » Gloria Steinem.

Deborah Levy nous raconte, toujours avec son humour caustique et son féminisme subtil et éclairé, ce qui la constitue aujourd'hui, comment elle a écouté ses désirs, comment elle est devenue maîtresse de son foyer. Elle dresse les fondations du foyer imaginaire, de son « espace où vivre » qui lui permet de traverser cette nouvelle phase d'âge mur. Son questionnement existentiel est incessant mais jamais elle ne rentre dans des considérations théoriques froides. Elle a l'art de s'adresser à nous comme une amie qui nous raconte une histoire, nous interroge, nous écoute entre les blancs des pages. Elle s'attable autour d'un Spritz, et d'une assiette de pâtes aux anchois (après s'être retrouvée nez à nez avec un poulet rôti mort deux fois dans le volet précédent), nous rappelle que la mère de Jane Birkin a donné le conseil suivant à sa fille : « Quand tu auras tout perdu… mets des sous-vêtements en soie et lis Proust. » le plus petit détail, le plus simple bananier (son dernier enfant) acheté dans un marché dilate son regard, confère une valeur symbolique à son récit. Elle nous plonge dans son monde fourmillant d'intelligence et de détails sensuels (même si j'ai trouvé ce volet un peu moins dense que les deux précédents).

Deborah Levy à n'en pas douter est une écrivaine qui compte dans le paysage actuel. Son ton est le ton de la confidence, son regard est un regard universel. Elle englobe dans sa voix, la voix de quantité de femmes en drainant les voix des femmes fortes qui l'ont précédée, en écrivant un récit de femme, en s'assurant qu'elle a bien décrypté ses désirs propres, tracé la circonférence de son monde avec ses références à elle, en dehors de toute influence et pression patriarcale. La traductrice Céline Leroy a extrait de cette histoire de foyers au sens large une matière chantante, nourrissante, sensuelle et rythmée. Deborah Levy est une écrivaine solide avec une plume solide et une production succincte et profonde, une de mes écrivaines contemporaine préférée.
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