Jane Birkin - Munkey Diaries
J'ai jeté un coup d'oeil dans le miroir et j'ai réalisé à quel point j'avais l'air quelconque (...)
Le lendemain je suis allée sur King's Road pour acheter tout le nécessaire, mascara et rouge à lèvres, même si je n'aime pas le rouge à lèvres, je veux dire, ça détruit le côté tragique genre "je n'ai pas fermé l’œil de la nuit en pensant à toi" (...)
Ma petite Kate, si un jour ta fille à 12 ans lit cela, toi qui m'as donné tant de plaisir, tant de joies, pourvu que ta fille soit aussi douce que toi tu l'as été pour moi, et n'oublie pas, même à 60 ans, même à 100, tu es mon bébé et je te prendrai dans mes bras quand tu auras besoin de moi. Et même si je ne suis pas vivante, et si toi, à 100 ans, tu as besoin de moi, pense à cette nuit et mes bras seront autour de toi pour toujours, je te bercerai, je t'embrasserai si tu as mal, tu me fais pleurer de te voir malheureuse... mon Dieu comme je t'aime.
Charlotte est heureuse de jouer toute la journée avec ses perles. Il faudra qu'elle soit très riche plus tard car elle s'intéresse seulement au cash et aux bijoux !
Combien de fois je t'ai blessée par erreur ? Petite Yotte, petit bijou sombre. Quelle jolie et unique âme tu es. Une telle personnalité que parfois je pense que tu étais là avant.Si sage que tu me regardes parfois et je me sens stupide, si raffinée que je me sens vulgaire. Quels talents tu as, qui ne sont qu'à toi.
J'ai réalisé que nous avions de la chance, nous, de pouvoir être avec nos mères quand elles meurent.
Je sais maintenant ce qui est magique chez Serge, ses défauts. Il est si égoïste, une petite chose jalouse, avec un caractère dominateur, mais il est drôle ; profondément gentil et original jusque dans les bêtises les plus stupides qu'il fait. Il n'y a personne comme lui. Son visage de petit garçon vilain, son ivrognerie incontrôlable, son charme fou. Le plus humain, le plus perspicace, le plus ouvert, le plus sentimental et beau que... oh je ne sais pas...
J'entends Serge frapper les touches du piano comme un malade, en jouant un million de sonates, beaucoup trop fort, trop dramatique. Je ne veux pas m'excuser à nouveau, je l'ai si souvent fait. Il dit toujours que c'est ma faute, on se rabiboche, mais cest toujours moi qui suis désolée.
C'est drôle mais voilà, toi mon journal es mon seul ami, le seul qui depuis des années supporte mes plaintes et mes complaintes. Tout le monde dit que je suis gentille, brave, c'est pas vrai. J'ai passé ma vie à faire des choses uniquement pour qu'on m'aime.
Comme c'est étrange, ils m'ont dit "Tu vas perdre une journée de ta vie dans le vol entre Buenos Aires et l'Australie". Quel jour ? Le 6 juin, l'anniversaire de la mort de Ma. Et je me suis dit "Ca, c'est une journée que je serai ravie de perdre".
Comme la vie de ceux qu'on aime est courte ! Ma propre vie a de moins en moins d'importance, je ne m'accroche plus vraiment à l'idée de continuer. À part pour mes filles, elles vont bien et peut-être qu'elles ont une meilleure opinion de moi maintenant que quand je serai vieille et triste et beaucoup moins amusante. Si je perds mon sens de l'humour, je n'ai plus rien. J'aime les faire rire, moi à 40 ans, qu'est-ce que ce sera ? J'étais si mal à 30. L'idée de continuer, oh là là ! Parfois je suis si fatiguée de moi que la seule chose qui me pousse à me lever le matin est le 'regard' des autres.