Comme beaucoup, je pense, j'ai été au début assez désarçonnée par le style d'écriture choisi par
Nell Leyshon. On sent que Mary, la jeune narratrice, en est au début de son apprentissage de la lecture et de l'écriture, ce qui nous donne un style très oral, avec peu de ponctuation et des fautes régulières de syntaxe et de grammaire. Il faut dire que Mary, dernière d'une fratrie de quatre filles, n'a guère reçu d'éducation, son père préférant la voir travailler aux champs.
Mary a donc grandi dans la ferme familiale, entre un père violent et une mère insensible. Ses relations avec ses soeurs ne sont guère plus chaleureuses, et Mary ne sent bien qu'en présence de son grand-père.
Seulement voilà, un été, le pasteur Graham propose au père de prendre l'une de ses filles chez lui afin qu'elle tienne compagnie à son épouse, femme fragile au coeur malade. Puisque Mary a "une patte folle" et qu'elle ne peut accomplir tout le travail qu'on attend d'elle, c'est elle qui est choisie.
Au début désoeuvrée, Mary peine à prendre ses marques, avant de finalement s'attacher à la femme du pasteur.
Le récit se divise en quatre parties, une pour chaque saison de cette funeste année que va vivre Mary. Au début, elle évoque la vie à la ferme, les corvées dont elle doit se charger, ses échanges avec son grand-père, la violence de son père (horreur que d'avoir quatre filles, aucune ne pouvant abattre la même quantité de travail qu'un homme) et la rudesse de sa mère.
Et pourtant, Mary s'est attachée à cette vie, elle qui n'a jamais rien connu d'autre, aussi c'est un véritable déchirement pour elle que de partir vivre chez le pasteur. C'est cependant une aubaine pour son père: il se débarrasse de Mary, la plus fragile du fait de son infirmité, une bouche de moins à nourrir et en plus le pasteur lui donne de l'argent en échange!
Seulement, Mary n'a pas sa langue dans sa poche! Manquant d'éducation, elle n'a pas les manières requises pour travailler en maison, elle dit toujours ce qu'elle pense, sans aucune arrière-pensée, ce qui pourrait la faire passer pour insolente et lui causer des ennuis.
Au début, Mary est un peu perdue, elle essaie d'aider mais c'est un peu mal perçu par la gouvernante qui craint qu'elle ne veuille lui prendre sa place. La charge de travail n'étant pas la même qu'à la ferme, Mary se sent parfois un peu désoeuvrée, elle n'a pas l'habitude de rester sans rien faire à juste tenir compagnie à une malade.
Tout cela fait que j'ai beaucoup apprécié ce roman. Mary est une jeune fille attachante, simple, franche et vraie, quant à la femme du pasteur, elle m'a fait pitié, et sa douceur est un vrai plus dans ce livre somme toute assez sombre. Par contre, son fils est un vrai coureur de jupons qui ne se soucie pas des conséquences de ses actes (bon, les filles séduites non plus, me direz-vous), j'ai donc eu plus de mal avec lui.
Quant à ce qui se passe avec le pasteur, je l'avais déjà plus ou moins deviné en lisant le résumé de quatrième. du coup, je pensais que ce récit m'amènerait juste à comprendre comment tout cela s'était passé, sauf que
Nell Leyshon va plus loin que cela, car cet acte va avoir de lourdes conséquences.
Et ce sont justement de ces conséquences que l'on parle, sans pathos ni rien de larmoyant, juste des faits terribles que Mary nous raconte sans fard, nous les exposant à la terrible lueur du jour.
C'est fort, dérangeant, percutant, et c'est la raison pour laquelle je vous recommande ce livre, petit par son nombre de pages mais grand de par son sujet et la façon dont il est traité.
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