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Citations sur Exodes (41)

Paula s'étonne que de telles choses existent encore : du crack, des labos, alors que c'est quasi impossible de trouver du pain. À croire que se défoncer est devenu plus vital que manger.
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Karin Ziegelmeyer partage avec son mari le même esprit rebelle et lucide sur l’état du monde, mais elle n’est pas comme lui prête à baisser les bras, sacrifier ses convictions pour un peu plus de confort et de répit. Sans doute parce qu’elle a davantage conscience des conditions réelles à l’extérieur, du calvaire quotidien qu’endurent les outers. Elle travaille au service d’accueil et d’insertion des étrangers – le bureau d’immigration, en somme -, où elle traite les demandes d’admission dans l’enclave. Son job consiste essentiellement à refuser 95 % des dossiers et, parmi les 5% restants, trier le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire dénicher les compétences dont l’enclave a besoin ou qui peuvent lui être utiles. Toutefois la décision finale lui échappe, elle en a même rarement connaissance, car elle doit transmettre ses avis favorables à ses supérieurs, dont les critères de jugement demeurent pour elle un mystère. Une tâche ingrate, impliquant d’étouffer sans cesse sa compassion naturelle au profit de la froide nécessité économique, tout en tenant compte des éventuels passe-droits et pots-de-vin, qui sont également gérés à un niveau supérieur. Pourtant Davos se dépeuple, la natalité baisse, des maisons vides périclitent, l’enclave aurait bien besoin de sang neuf, d’énergies dynamiques et positives. Or ce n’est pas une opinion qui prédomine à Darwin Alley, dans les hautes sphères du pouvoir local : ils ont trop peur de devoir restreindre leur espace vital, d’avoir à nourrir des bouches supplémentaires, d’être obligés de partager. Allonger l’espérance de vie, voilà l’option choisie. Festoyer plus longtemps sur le radeau de la Méduse, et laisser le reste de l’humanité se noyer dans les tempêtes géantes… en croyant que le radeau est insubmersible.
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Il redresse la tête, allonge le pas, aspire une grande goulée d’air climatisé, espérant chasser ces idées noires. Bah ! Faisons comme les autres, oublions qu’il existe un avenir et profitons de chaque jour qui passe… C’est sûrement l’orage qui l’énerve, lui rappelle qu’il y a ce fichu monde hostile tout autour, et que, quoi qu’ils en pensent, les enclavés n’en sont pas totalement isolés.
Pourtant tout est calme ici, l’air est pur et sent bon la rosée, l’herbe est verte et les arbres bourgeonnent, les photophores luisent doucement au-dessus de la rue, les maisons qui la bordent sont propres et nettes, leurs jardins bien entretenus… Pradeesh salue les rares passants qu’il croise d’un signe de tête aimable ou de quelques mots : quelle affreuse tempête, vous avez vu ça, et vous comment ça va, venez prendre un verre à l’occasion… Il les connaît pour la plupart, ces hypocrites : tout miel par-devant, tout fiel par-derrière, à critiquer sa gueule d’Indien, d’outer, de parachuté, et son métier bizarre, généticien, on se demande ce qu’il nous mijote…
Je vous mijote le gène de la longévité, bande de profiteurs, et vous ne le méritez pas !
C’est peut-être ça aussi qui le met de mauvaise humeur. Non pas le travail en lui-même – transcoder et recombiner des gènes, c’est sa passion à la base – mais sa finalité, les intérêts qu’il sert : prolonger la vie de ces parasites – puisqu’ils ne font plus assez d’enfants pour perpétuer l’espèce – afin de jouir encore un peu de cette cage dorée, tant que ça dure… Aberrant. Bonsoir cher voisin. Pas un bon temps pour le ski, pas vrai ?
Le ski, ah ah. Plaisanterie un tantinet scabreuse qui fait rire jaune. Jadis, Davos était une station de ski fort réputée. On repère encore, sur les montagnes alentour, quelques traces des télésièges et autres remonte-pentes qui accédaient aux pistes autrefois – ce qui n’a pas été recyclé, ou ce que les outers n’ont pu emporter. Parfois, quand souffle le vent du nord, un peu de neige vient se déposer sur les sommets, parvient à persister quelques jours. C’est alors l’effervescence dans la cité car tout le monde veut y goûter, et le branle-bas des services de sécurité car cela implique de sortir du dôme. Certains conservent et entretiennent précieusement les skis hérités de leurs ancêtres avec l’espoir de les chausser au moins une fois dans l’année. Mais ça devient de plus en plus rare.
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À l’abri du monde hostile
Comme chaque soir, Pradeesh Gorayan vérifie que tout est en ordre dans son labo avant d’en fermer les portes pour rentrer chez lui. Il a laissé partir son assistante Mathilda un peu plus tôt afin de faire sa tournée de contrôle dans le calme et la sérénité – c’est presque un rituel chez lui. Les paillasses nettoyées, les produits rangés à leur place, les cultures de cellules souches actives et bien isolées… et les souris, ses chères souris, en vie et en forme autant que possible. C’est dur d’obtenir des rongeurs de nos jours – du moins génétiquement purs -, il ne peut se permettre de les gaspiller. Jusqu’à présent, ses deux groupes de sujets tests, Gilgamesh (les témoins) et Mathusalem (les traitées), se comportent de la manière prévue par le protocole.
En passant, Pradeesh s’arrête devant l’une des fenêtres du premier étage et jette un oeil sur le lac – ça aussi, c’est un rituel. Le lac s’étend à l’extérieur du dôme, et son aspect lui indique souvent le temps qu’il fait dehors. Quoique, aujourd’hui, il n’ait pas besoin de l’observer pour cela.
Car dehors c’est l’enfer.
Un orage apocalyptique assorti d’une averse diluvienne est en train de hacher menu la surface du lac zébrée d’éclairs dantesques, qui éclatent sur le dôme en gerbes crépitantes. Enfin, « apocalyptique » n’est pas le mot correct – il faudrait inventer de nouveaux superlatifs : ce qui était encore apocalyptique il y a vingt ans est devenu banal aujourd’hui. Le plus étrange, c’est le silence : à peine Pradeesh perçoit-il, en tendant l’oreille, les grondements sourds du tonnerre et le vaste bruit blanc de la pluie. Les fenêtres à double vitrage de l’Observatoire atténuent certes un peu le son, mais c’est surtout le dôme – sa triple épaisseur d’altuglas, sa couche de fréon, ses nanofibres de carbone – qui constitue l’isolant idéal contre le bruit, la pluie, le vent, la chaleur, la poussière… contre le monde hostile au-dehors.
Gorayan frissonne à cette pensée, s’efforce de la chasser tandis qu’il poursuit son inspection. Mais elle parasite toujours son esprit, même quand il travaille ou qu’il est bien à l’abri dans sa bulle, entouré des siens… Comme tout le monde, suppose-t-il. Du moins ceux qui ont un abri.
Sa ronde achevée, il ferme soigneusement à clé la porte du vieux bâtiment (les alarmes et verrouillages électroniques sont hors d’usage) et descend les ancestrales marches de pierre. Au pied de de l’escalier, il se retourne et lève la tête pour le contempler : son porche cintré, sa façade grise, ses hautes croisées, son toit d’ardoises et surtout son antique coupole de zinc en forme de cloche qui lui vaut ce nom d’Observatoire – Physikalisch-Meteorologisches Observatorium, pour être précis. Une fonction perdue depuis fort longtemps, bien avant qu’on y installe un laboratoire de biologie génétique. Pradeesh apprécie cet endroit chargé d’histoire, ce vénérable temple du savoir, fort imposant ainsi nimbé d’éclairs, telle la demeure de Jupiter.
Ce qu’il n’aime pas, c’est le boulot qu’il y fait.
Il rejoint la Dorfstrasse, parcourt à pied les six cents mètres le séparant de sa maison, sous l’éclairage doré des photophores que les éclairs déchirent violemment. Ces flashes livides éclaboussent le réseau d’entretoises formant une immense toile d’araignée au-dessus de sa tête. La pluie cingle le dôme en rafales, produisant ce vaste bruissement qu’il perçoit mieux dans la rue. Les roulements de tonnerre en continu provoquent une sorte de saturation infrabasse qu’il ressent au creux du ventre. Le dôme lui-même produit en contrepoint un bourdonnement grave, vibrant de toute sa structure sous les assauts du vent.
Tout cela n’effraie pas Gorayan. La structure est conçue pour résister à un ouragan de force 12. Elle peut supporter une avalanche, un glissement de terrain, un incendie ou un séisme (jusqu’à un certain point). Les variations brutales de température ont peu d’effet sur elle. Long de quatre kilomètres et large de sept cents mètres, ancré sur les contreforts des montagnes environnantes, c’est l’un des plus grands dômes d’Europe, englobant la ville de Davos dans son ensemble (mais pas le lac, ce que d’aucuns regrettent). Cette taille gigantesque n’empêche pas Pradeesh d’avoir l’impression de vivre dans un bocal. Il n’est pas le seul, toutefois la plupart considèrent que c’est un bien, un acquis, un privilège. Qu’ils ont de la chance de vivre dans l’enclave, à l’abri du monde hostile. Lui n’en est pas si sûr, malgré des conditions de vie incomparables. Il trouve malsain d’être maintenu dans l’ignorance, de ne pas savoir ce qui se trame à l’extérieur. Il n’est pas certain, en tout cas, que ça pourra durer longtemps comme ça, malgré ce dôme soi-disant à toute épreuve.
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Le reste de la traversée de la Hollande ne constitue qu'une morne platitude liquide, rompue ça et là par des parcs d'éoliennes dressées hors des flots tels des arbres métalliques ( la plupart décapitées par les tempêtes ), des digues qu'Olaf peut franchir parfois mais doit longer le plus souvent jusqu'à trouver un canal ou une écluse, des canopées décharnées de bois déjà minéralisés, des ruines pointant comme des chicots, des ponts ou échangeurs d'autoroutes à moitié engloutis qu'Olaf franchit ou contourne avec prudence. Parfois, il traverse des lacs ou suit des canaux, ce qui constitue un moment de répit, n'étant plus obligé de surveiller constamment le sondeur pour savoir où se situe le fond de cette mer grisâtre, quels obstacles invisibles il risque de heurter. Tout cela est figé dans une totale immobilité, comme si la mer aussi était morte, empoisonnée d'avoir envahi ce pays totalement construit de main d'homme.
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Le type qui les a amenés là depuis un bled paumé dans le désert, à bord d'un engin foutraque et bricolé, les a déposés non loin des restes d'un échangeur autoroutier où est installé un campement à moitié troglodyte, à l'abri précaire des ponts et tunnels effondrés. La route passe en plein milieu. Alentour s'étend une morne plaine, stérile et vide, parsemée de vestiges d'un peuplement jadis plus dense : squelettes d'usines, bâtisses en ruine, traces de jardins. Des reliques de la guerre, aussi : cratères de bombes, tas de décombres, pans de murs calcinés. Juste avant l'échangeur, la route franchit une petite ravine où pousse une végétation chétive, abreuvée par un mince filet d'eau sinuant entre les pierres. D'où le campement, établi à côté de cette ressource aussi précieuse que volatile.
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- J'ai des dossiers remplis de familles désespérées, renchérit Carmilla, une collègue de Karin (une italienne plantureuse, toujours engoncée dans des tenues sexy trop serrées). De gosses qui meurent d'une simple infection, qu'on pourrait facilement soigner ici. De femmes enceintes et anémiées, obligées de se prostituer pour se nourrir. De bébés dévorés par les Mangemorts si on ne…
- Carmilla, nous ne pouvons pas recueillir toute la misère du monde, la coupe le directeur en écartant de nouveau les bras.
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- Vous n'êtes pas croyante, remarque Mercedes.
- Non. Si je l'étais, je me dirais que c'est Satan qui gouverne le monde à présent, que Dieu a déclaré forfait et qu'il est parti s'occuper d'une autre planète.
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Je me suis efforcée de bien éduquer mes enfants. Ce n'est pas parce qu'on vit dans un monde de brutes qu'il faut se comporter de la même façon... Quoique, ça aussi, il l'apprend vite. Mais dans son cas je préfère employer le terme de... guerrier.
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Le plus long des voyages, a dit Lao-Tseu, commence toujours par un pas. Et, comme dit le proverbe, il n'y a que le premier pas qui coûte...
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