En enfance

Il n’a pas besoin d’amour, d’amitié – tout cela est trop loin. Être protégé, il ne demande pas plus.

Ce qu’il trouve le plus joli dans la fable est « tout l’été » qu’il comprend dans le moindre détail, qui a un lien avec sa propre vie et qu’il lui arrive d’employer hors poésie : « Je vais me baigner tout l’été », « Je vais jouer tout l’été », « Je n’irai pas à l’école tout l’été ».

Dans le miroir, il voit cette partie de son corps que nul autre que lui n’examine plus et sur laquelle tout le monde attire son attention à coup de pudeur agressive. Il ne comprend pas ce qu’il souhaite de plus que voir les fesses de ses cousins.

Plutôt que de s’ennuyer, il y a moyen d’écouter les voisins du dessus. Derrière les murs, c’est une tout autre vie. Elle n’est pas toujours exaltante, du moins pour qui la suit à distance, mais elle est un élément de comparaison, une exploration qui augmente les connaissances. Parfois c’est lassant, des cris, des rires, des pas lourds et précipités, comme doivent en subir ses propres voisins du dessous. Pourtant, lorsqu’il passe des soirées entières à ne rien entendre en provenance du quatrième, ça lui manque.

Savoir glisser dessus, cependant : que l’eau ne soit pas une ennemie, comme il faudrait que ne le soit pas la vie tout entière, qu’il soit capable de s’en accommoder autrement qu’en en neutralisant chaque instant pour passer sans trop de mal à l’instant suivant. Il a peur mais une peur crispée qui ne réclame aucun combat, ne propose aucun courage. L’eau bat contre son corps, son corps est battu. De sa propre volonté, pour le plaisir. Jamais il n’a autant conscience de son cou qu’en tâchant de nager la brasse.

Il faut ne serrer personne contre soi sinon la douleur est assurée, le malheur. Personne ne doit vous approcher. Car ce renard aimait le jeune natif de Lacédémone, sans quoi l’animal se serait enfui. L’amour n’a rien d’atténuant.