Citations sur Les roses de Guernesey (23)
Il y avait des moments où la simple vue des roses l'exaspérait. Elle ne supportait plus leur beauté, le velouté de leurs pétales, la délicatesse de leurs couleurs, l'arrogance avec laquelle elles s'offraient au soleil comme si la chaleur qu'il dispensait n'était destinée qu'à elles seules. Les roses sont des fleurs bien plus fragiles qu'on ne l'imagine. Un jour, elles ont trop d'eau, le lendemain trop froid, le surlendemain trop chaud ou bien alors il y a trop de vent. Parfois sans que l'on sache pourquoi, elles piquent du nez, présentent tous les signent d'une mort imminente et leur sauvetage coûte des trésors d'énergie et de patience. En même temps, et de façon tout aussi inexpliquée, elles peuvent s'avérer d'une surprenante opiniâtreté. Elles résistent aux pires intempéries, bravent les traitements sacrilèges et prospèrent, fleurissent et embaument comme si de rien n'était. Elles ne rendent jamais la vie de ceux qui les occupent facile.
"Hélène Feldmann m' a volé ma vie" : ainsi avait-elle commencé sa lettre à Franca.
Vous êtes une jeune femme, j’imagine d’une trentaine d’années, guère plus. Quand je fais mine de raconter ce que nous avons vécu à cette époque à des gens de votre génération, ils bâillent et ne peuvent s’empêcher de jeter à droite et à gauche des regards inquiets, l’air de dire : Pourvu qu’elle ait bientôt fini de radoter ! Dans le meilleur des cas, ils manifestent une attention polie qui n’existe absolument pas. Je suis assez vieille pour me rendre compte que l’on fait semblant.
Vivre signifiait donc accomplir les gestes indispensables à la survie, tels que se lever, s’acquitter du travail qu’il y avait à faire, manger, boire, se coucher et dormir. Le reste, le reste, c’était de l’accessoire, le cadre qui enjolivait l’ensemble.
Je n’aurais pas su dire quels sentiments il éveillait alors en moi. Haine, attirance, gratitude, peur… Son humeur changeait plus vite que les nuages dans le ciel par gros temps. Aujourd’hui, je crois que la haine était le sentiment dominant. Haine pour un homme qui parfois me manifestait une sorte d’amour paternel mais cependant toujours me décevait quand je prenais ces marques d’affection au sérieux et au fond de moi commençais timidement à y croire. Oui, à la fin, je n’éprouvais plus que de la haine…
Fréquenter les Archives nationales ou une bibliothèque serait toujours mieux que rester à la maison et t’inventer des phobies ou ruminer je ne sais quelles histoires. Mais sais-tu ce que je pense ? Tu ne feras rien ! Tu ne mettras pas le nez dehors, et encore moins dans un quelconque lieu public.
Justement : tu peux changer. À soixante-quatre, à quatre-vingt-quatre, il suffit de le vouloir. La condition sine qua non, c’est bien évidemment, tu t’en doutes, d’avoir, ne serait-ce qu’un tout petit peu, la volonté de changer. Mais la volonté, ça s’acquiert. Le courage, ça s’acquiert !
Un flirt par-ci, une aventure par-là. Rien de trop sérieux. Je suis très heureux comme ça. Le vieux couple, la relation bourgeoise classique, ce n’est pas dans mon caractère.
C’était un homme séduisant, quoique visiblement marqué par une consommation excessive d’alcool. À quarante-deux ans, ses traits commençaient déjà à s’affaisser, des poches sous les yeux alourdissaient son regard. Il était véritablement alcoolique, depuis longtemps au surplus, Béatrice ne se faisait aucune illusion, même si, vu de l’extérieur, tout allait pour le mieux, que sa vie professionnelle était une réussite et qu’il parvenait encore à dissimuler habilement sa dépendance.
Chacun s’en accommode à sa façon, mais il y a des choses qui ne peuvent pas être effacées.