Un texte, une traversée dans lequel on entre par un voyage, nocturne en car, et tout de suite une façon de traduire, mettre en phrases qui rendent réels, une étrangeté au monde, une déréliction. Un texte qui reste allusif, comme des petites notes sur un carnet (mentionné d'ailleurs à a fin) qui constate, de situations devinées en rencontres suggérées l'avancée de cet homme, qui a perdu même son prénom exact, vers la disparition finale.
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Il n’est capable de rien d’autre que ce cri qui le jette dans la nuit, qui l’abstrait. Il n’est que ce cri étouffé. Rien ne se distingue. Non plus lui-même confondu à la nuit.
Peut-être ce qu’il cherche confusément au fond de cette solitude c’est une vérité brute comme des artistes avaient un jour produit des cubes et d’autres volumes simples, des choses qui dénudent le regard ; comme Descartes dans le fin fond de l’hiver avait saisi le doute et dégagé le cogito : le lieu dans lequel les choses se donnent sans tournure.
Et pourtant, lorsqu’on l’avait questionné sur le pourquoi de cette traversée avec la neige et rien de particulier (on lui avait dit : « rien de particulier à voir là-bas, sinon comment le ciel rejoint la ligne délavée des plaines pâles et s’y confond ») il avait dit quelque chose comme : « le monde se fait au-devant de soi. »
Quitter l’agitation vaine pour atteindre cette immobilité profonde et sereine d’un retour à la nuit. Il avait parlé de quelque chose comme « une cure de sommeil », imaginé la silhouette blanchie d’un vieux sanatorium. Un grand bâtiment étagé, à flanc de colline, frotté d’un souffle frais.
Ses mots au-dedans se sont faits peu nombreux, s’affranchissent progressivement de la nécessité des phrases. Bientôt il sent la langue se taire en lui. Le monde la désarme.