texte d'Armand Dupuy à propos d'une exposition de tableaux de Jérémy Liron, parlant de et autour de ce qui est montré et de la démarche du peintre - et s'agissant de représentations d'immeubles, d'un corps dans la ville, de l'immobilité de l'immeuble et de la vitesse ressentie du monde, de l'impassiblité des façades, de notre incapacité à retenir l'image, de l'effort qui fixant un détail détruit la réalité. Paysages devenant passage, réel disjoint de la réalité.
Murs d'immeubles bouchant et servant d'écran pour projeter des images mentales.
Et il y a les tableaux qui sont cela, les immeubles en gros plan ou en partie cachés, et aussi ce qu'on voit en roulant vers eux, les arbres ou objets qui découpent la vision que l'on en a. Et puis les photos d'accrochage où ils redeviennent objets dans le décor d'un appartement vide, le peuplant, et le reflet des fenêtres sur les toiles
Commenter  J’apprécie         10
Il s’agit bien de se saisir du monde, de le ronger, de l’attaquer, de le tyranniser comme un Giaccometti pinçant sans relâche l’argile de ses têtes, puis de voir ce qu’il en reste, de voir si ça tient. Le tableau témoigne alors de la façon d’avoir utilisé le monde et de se l’être refait. En effet, nous n’appréhendons nos territoires que par fragments. Ils n’existent que refaits, réajustés de manière incessante, par l’agencement d’éclats multiples et minuscules.
Ainsi, chaque paysage serait tentative d’ouvrir un passage. Le mot paysage est donc un pont. C’est le mot qui nomme le rapport secret qui unit le peintre au monde et, de fait, à chacun d’entre nous. Il est aussi l’un des noms possible du rapport qu’on entretient avec soi-même.
Une véritable lutte, plus que l’articulation bien huilée de deux modes d’être car, pendant qu’il apparaît, le paysage s’effondre : telle coulée de ciel essuie les branchages alors qu’un pan de mur part en fumée, s’efface ou bien tente de pénétrer la scène du monde en s’y fondant. Ainsi, pendant que le tableau vient, le travail de venir l’abîme, l’altère, le déforme.