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Citations sur Fournaise (6)

Il est un lieu au plus profond du quartier des entrepôts, bien au-delà des confins civilisés de cette ville qui a pour nom Obsidia, où la population suinte dans des culs-de-sac et des routes en impasse, où ne restent plus guère que des bâtisses de briques désertées et cheminées croulantes. Tu n'as entendu parler de ces faubourgs qu'en apprenant à énoncer les questions comme si elles étaient flocons tombant des cieux - questions que tu ne peux contrôler et dont, du reste, tu ne te soucies pas. Questions de celles qui trouvent enfin leur réponse dans le passage du temps : par le truchement d'ongles ébréchés creusant la surface jaunie du plan d'un métro depuis longtemps aboli, de mots tirés de veines du sang qui coule d'une plaie en pleine floraison, de grognements entendus de l'autre côté de la porte de la salle de bain, en écho à des nombres, à des noms. Questions dans le panache de fumée du dragon, l'aigre âcreté de la drogue. Et par-delà les années, les nombreuses années, tu enfilés les réponses collectées sur le fil de fer de ton besoin, fin comme une aiguille : peu à peu un plan apparaît, une date, un moment.
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Chaque minute de ton existence, tu dois te souvenir que le monde physique est son domaine et que tu n'y peux plus rien ordonner. Par les voies aériennes, uniquement, tu peux voyager en arrière, jamais vers l'avant, jamais ne toucher les plafonds, ni les planchers, ni les murs, qu'il soit là à te voir où qu'il n'y soit pas. Et tu dois voyager toujours, ne voyant de tes yeux de rubis que les endroits où tu es passée, jamais ceux où tu vas car ta destination est nulle part. Il n'y a que le passé, dit-il, et nous ne devons jamais l'oublier. Nous ne mourrons jamais, mais il n'y a pas pour nous de futur. Nous sommes poussières et nous mouvons comme telle.
Les livres sont interdits, de même que la musique et toute forme de d'art. Tu dois apprendre à trouver des histoires dans le vent, la connaissance dans le tonnerre et dans la pluie. Ce ne sera plus à toi de noter des pensées qui ne sont plus les tiennes, tes lettres et tes journaux mignards, déchirés et brûlés. Chaque transgression coûte un doigt que tu lui donnes et qu'il dispose dans un étroit flacon de verre exposé sur les murs de nos appartements. Tu n'as pas le droit de toucher à ces flacons ni de les détacher. Les siècles passeront et tu contempleras les forêts de doigts que tu as perdus et qui ont repoussé et que tu as de nouveau perdus, sans page, parfaitement préservés dans leurs reliquaires transparents. Sans nécessité, sans utilité, cassés, remplaçables. Tu apprendras que cela est nous. Cela sera toi.
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Les panneaux indicateurs se sont depuis longtemps décomposés dans cette partie de la ville ; la disposition des lieux n'est plus connue que des chiens et des corbeaux. (11)
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Une fois par an, il te revêtira des vestiges d’une robe de quatre cents ans, te fera monter à reculons un escalier aux marches ébréchées, flotter sur les béances édentées dans la pierre, jusqu’à ce que tu te retrouves dans la plus haute et difforme tour, surplombant le plus profond ravin des Carpathes, contemplant une rivière en contrebas, à une demi-montagne de tes yeux – rivière si vieille, si opiniâtre et si dure qu’elle a fendu en deux le cœur même de la terre qui n’a depuis lors jamais retrouvé sa plénitude. Tu ne dois pas résister à la dure poigne d’araignée posée sur tes reins qui te pousse dans l’abîme, de même que tu ne dois pas, de tes membres affolés, chercher à t’agripper où que ce soit tandis que tu tombes, sans pouvoir t’arrêter, vers la gueule torve du ravin, tes os craquant et se brisant à chaque saillie de la roche déchiquetée. Il volera à ton côté, tourbillonnant et pivotant à chaque spirale de ton corps désarticulé, ses doigts se refermant sur ton cou tandis qu’il regarde tous les moments de ta vie apparaître et retomber comme des vagues d’huile sur ton visage grimaçant. Ne demande pas ce qu’il cherche, quelles vérités dissimulées il traque dans la sombre calligraphie de larmes composées par tes yeux horrifiés. Les flots d’un noir de glace n’arrêteront ni ne ralentiront ta chute ; ils se contenteront de pousser tes côtes à travers ta peau fendue – des pics enneigés –, brume rouge s’élevant de ton corps comme une aube estivale et lointaine. Et lorsque les vagues furieuses vomiront ton corps ravagé de leurs gueules écumeuses, tu ne dois pas le supplier de t’accorder la mort ou la miséricorde tandis qu’il réajuste les plis de velours trempés de ta robe contre la rive de fer, chuchotant dans ton oreille le nom d’une femme que tu ne connais pas, puis abandonne ton corps fendu aux premières plumes de la neige de minuit.
Et je viendrai te chercher, douce Mina, sans peur, brisée, comme je suis venue chercher la Première il y a des siècles déjà, l’ayant vue tomber : la première chute.
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- Je suis contraint de vous avertir : votre corps changera. Votre esprit changera. Et vous souffrirez.
- Je suis femme. Souffrir, je connais. (157)
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[interview en fin de volume]
Mes fictions relèvent toujours de l'obscur ; elles combinent l'épouvante, l'étrange et le surréaliste. Je me suis toujours présentée comme auteure d'épouvante, mais si on préfère me classer autrement... Chaque lecteur apporte son point de vue, son interprétation de ce que j'écris et je suis tenue de les respecter. (209)
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